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Camps et confinements des étrangers : des écrits...

Appel à manifestation d’intérêt

Appel à manifestation d’intérêt lancé par T.E.R.R.A. en vue de promouvoir les recherches en sciences sociales et les publications sur les processus de stigmatisation, de mise à l’écart et d’enfermement des exilés (demandeurs d’asile, réfugiés, déboutés du droit d’asile, sans-papiers) dans les pays occidentaux et zones limitrophes. Ce document décrit un axe majeur des recherches impulsées dans le cadre du réseau TERRA.


Cet appel à manifestation d’intérêt, toujours d’actualité, a pour objet d’étude les lieux d’enfermement et camps de regroupement des nouveaux migrants, qu’ils soient demandeurs d’asile, réfugiés, sans-papiers (déboutés du droit d’asile ou n’ayant pas demandé l’asile).

Le domaine est vaste : il comprend l’identification de ces sites et dispositifs d’enfermement, de regroupements forcés ou de mise à l’écart ; l’étude des situations et relations sociales à l’intérieur de ces espaces ; l’examen de leurs contextes historiques et sociaux d’apparition et notamment les évolutions politiques qui les rendent possibles ; l’analyse des facteurs et stratégies orientant les politiques qui conduisent à la création de tels lieux ; la compréhension des causes de leur multiplication durant certaines périodes de l’histoire et notamment aujourd’hui en occident et dans sa périphérie ; l’observation des mouvements d’opinions publiques et des mobilisations sociales face à ce phénomène de multiplication ; l’interprétation de ses relations avec d’autres transformations des sociétés occidentales ; l’inscription dudit phénomène dans le champ des relations internationales…

Cet appel à manifestation d’intérêt n’implique aucune restriction disciplinaire et s’adresse très largement à l’ensemble des spécialistes de sciences sociales.

Il n’implique pas, non plus, de restriction statutaire et concerne tant les universitaires, chercheurs professionnels et apprentis chercheurs que les personnes de divers organismes, associations et institutions, travaillant sur ces questions dès lors qu’ils recourent aux méthodes et outils d’analyse issus des sciences sociales et se situent dans un registre d’analyse et non de seule dénonciation.


L’étude des lieux d’enfermement et mise à l’écart des migrants (camps de regroupement, zones d’attente, etc.) nécessite à la fois des études de cas portant sur tel ou tel lieu ou dispositif et des efforts de comparaison. En particulier, cette investigation collective ne peut faire l’économie d’un travail de classification.

Le mot « camps » à lui seul ne rend pas compte de la diversité des situations : certains camps sont fermés, quasi-carcéraux, d’autres sont ouverts mais néanmoins contraignants voire incontournables.

L’enfermement relève aussi de « zones d’attentes », de « centres de rétention », « d’hébergement » (éventuellement forcé), parfois d’une prise en charge humanitaire d’urgence. Certains lieux sont institutionnalisés tandis que d’autres paraissent plus incertains, improvisés à la hâte à l’occasion d’un afflux de migrants. Le provisoire peut-être durable comme on le constate pour bon nombre de camps de réfugiés dans le monde, mais, il peut être aussi stratégiquement éphémère pour éviter toute focalisation médiatique ou mobilisatrice.

Ces sites peuvent être définis juridiquement ou relever de « régimes » d’exception ; refléter une banalisation politique et technocratique de la mise à l’écart des migrants ou bien une extension des « zones grises » de non droit à l’intérieur même des Etats de droit. Les camps varient aussi au regard des conditions de vie et de respect des droits humains : on va des formes d’hôtellerie imposée voire quasi-carcérale… à des camps déjà indignes de l’humanité même si aucun amalgame ni rapprochement n’est acceptable avec des camps évoquant un génocide quel qu’il soit.

Comment désigner ensemble ces lieux et ces camps sans dériver soit vers l’outrance verbale de comparaisons illégitimes soit vers celle des euphémismes qui fleurissent aujourd’hui dans les discours politiques et technocratiques ? Quelles en sont les caractéristiques sociales, économiques, juridiques et en quoi permettent-elles de les comparer, de les réunir conceptuellement mais aussi de les différencier ? Comment vit-on dans ces lieux d’enfermement et camps de regroupement ? Comment sont vécues ces situations par les personnes concernées et quelles sont leurs réactions à ces situations ?


La mise à l’écart et l’enfermement des étrangers n’apparaît pas seulement avec les murs, les palissades ou les barbelés de tel ou tel camp.

Hier comme aujourd’hui, la multiplication des lieux d’enfermement et des espaces de regroupement semble être un phénomène social global, de longue période, international, reflétant des mutations profondes dans les sociétés concernées, leurs cultures, leurs institutions.

Les pays occidentaux, notamment européens, ont pu se croire prémunis contre ce genre d’évolution par certaines tragédies du passé. Mais ces croyances résistent-elles à l’investigation historique sur le devenir des lieux et dispositifs d’enfermement des étrangers dans la seconde moitié du vingtième siècle ? L’histoire et notamment l’analyse des conditions de genèse des dispositifs actuels d’enfermement et de regroupement forcés sont à restituer.

Par ailleurs, il est nécessaire de disposer d’études pouvant éclairer les conditions actuelles de multiplication des camps de migrants au regard d’évolutions plus larges, dans la dernière décennie, les systèmes politiques, les mouvements d’opinions publiques, les mutations idéologiques notamment des classes dirigeantes, les débats médiatiques… dans les sociétés occidentales. Que dévoile sur ces sociétés la banalisation des formes de mise à l’écart, de regroupement et d’enfermement des migrants ? Comment se sont construits les représentations sociales actuelles relatives aux nouveaux migrants et les stigmates dont ils sont aujourd’hui porteurs (faux-réfugiés donc tricheurs, parasites et envahisseurs, facteurs d’insécurité, etc.) ? Comment passe-t-on dans les politiques publiques occidentales de la stigmatisation à la criminalisation des nouveaux migrants ?

Les mobilisations sociales sont également à examiner. On s’interrogera, par exemple, sur la place qu’occupent ces enjeux dans les mouvements altermondialistes. Quelles sont les organisations non gouvernementales concernées, quels alliés et quelles audiences trouvent-elles, comment réagissent-elles aux évolutions récentes et quels obstacles rencontrent-elles dans leurs actions ?


Etudier la multiplication des lieux d’enfermement en tant que phénomène occidental n’implique aucune restriction territoriale tant la portée du phénomène excède évidemment ce cadre géographique.

On le voit avec les politiques européennes dites « d’externalisation de l’asile » : leur influence dépasse les frontières des Etats qui les conduisent. En amenant les Etats voisins puis, plus largement, les Etats « partenaires » (notamment dans les programmes de coopération, aide au développement et action humanitaire) à faire le travail de rétention, enfermement et expulsion des migrants en transit, s’opère une externalisation non plus de l’asile mais de la répression et de l’enfermement des migrants.

D’un côté la carte des délivrances de visas démarque la zone des individus pouvant circuler dans le monde entier de celle des individus cantonnés aux pays non occidentaux ; de l’autre côté celle des lieux d’enfermement et regroupement des migrants gomme la frontière même de l’occident qui sous-traite et transfert ces activités dans les pays tiers. Par suite, le phénomène commence à apparaître comme problème public dans certains pays d’origine ou de transit des migrants. Quelques positions gouvernementales sont prises contre les pays occidentaux, leurs politiques de visa, d’expulsion et d’enfermement ?

Des mobilisations sociales se font jour contre l’influence occidentale et parfois simultanément contre la soumission volontaire des autorités nationales ou locales à cette influence. Cette inscription des pays d’origine ou de transit dans le champ de recherche se justifie aussi par la proportion considérable de réfugiés, migrants forcés et autres déplacés accueillis par les pays non occidentaux. On peut donc s’interroger sur l’incidence des enjeux migratoires dans les relations entre les pays occidentaux et les autres pays. S’agit-il d’un nouveau « rideau de fer » qui tombe avec son chapelet de conflits locaux et de morts aux frontières de l’occident ? Que produisent les mobilisations liées à ce clivage international, qu’elles soient gouvernementales, militaro-policières ou sociales et politiques, sur les sociétés concernées ?


Répondre à l’appel :

Les responsables du réseau TERRA participent collectivement ou individuellement, pour les années 2004 et 2005 à la préparation de plusieurs projets de manifestations (un colloque, une ou plusieurs journées d’étude…) et de publications (deux numéros de revues, un ouvrage collectif…) relatives à la mise à l’écart et à l’enfermement des nouveaux migrants (demandeurs d’asile, réfugiés, déboutés du droit d’asile, sans-papiers) en Europe. Le présent appel à manifestation d’intérêt concerne l’ensemble de ces projets et donnera lieu éventuellement à d’autres initiatives en fonction des réponses obtenues. L’appel s’adresse aussi aux éditeurs et responsables de revues souhaitant publier sur ce thème.

Cette démarche vise à identifier et à mettre en relation les personnes, probablement encore peu nombreuses, travaillant sur le sujet. Elle permet de les informer des projets en cours suffisamment tôt pour que des propositions ad hoc puissent être avancées au bénéfice de ces projets. L’objectif est aussi de mieux associer aux colloques, numéros de revues et ouvrages collectifs les jeunes chercheurs souvent plus nombreux à travailler sur ces enjeux actuels. Une autre finalité est de décloisonner les disciplines au sein des sciences sociales et de créer des synergies favorables à la mise sur agenda académique de ce domaine de recherche. Enfin, cet appel, adressé à toutes les personnes travaillant sur ce domaine et souhaitant recourir aux outils analytiques des sciences sociales, devrait permettre d’associer des compétences aux origines statutaires très diverses.

Les manifestations d’intérêt, propositions d’articles, de communications et autres projets de publications, formulées librement et de manière concise, sont à envoyer dans les plus brefs délais par Email à l’adresse suivante :

valluy@univ-paris1.fr


Administration : Université Panthéon-Sorbonne (Paris 1) Centre de Recherches Politiques de la Sorbonne (CRPS, CNRS), 14 rue Cujas 75005 Paris – Tel : [33] (0)1.40.46.28.44 – Email : valluy@univ-paris1.fr - Site : http://www.reseau-terra.eu