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Esquisses

Recueil Alexandries

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mai 2024

Jérôme Valluy

Digitalisation du journalisme : le paradoxe du journalisme professionnel

auteur

Professeur au Département de science politique (Ufr11) de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - Chercheur au centre de recherche COSTECH de l’Université de Technologie de Compiègne. Livre : Jérôme Valluy, Humanité et numérique(s) – De l’histoire de l’informatique en expansion sociétale… au capitalisme de surveillance et d’influence (1890-2023), Collection HNP, TERRA-HN-éditions, 2023, 255 p. (+ Allemand, Anglais, Espagnol, Grec, Italien, Portugais) : (...)

résumé

Le journalisme professionnel traverse un paradoxe à l’ère numérique, marqué par la « collution » – un concept combinant collusion socio-économique et dilution éditoriale. Cette situation découle du bouleversement numérique, où les acteurs non professionnels contestent l’autorité historique des journalistes. La prolifération de contenus numériques de qualité variable dilue les productions journalistiques, provoquant une crise d’information qui renforce les modèles de dépendance journalistique. Les géants technologiques, grâce à des plateformes dominantes, ont transformé le paysage médiatique en spoliant les revenus publicitaires des médias traditionnels tout en manipulant les sources d’information. Les réseaux sociaux, moteurs de recherche et autres plateformes numériques influencent désormais l’agenda éditorial, obligeant les journalistes à s’adapter aux nouvelles règles du jeu pour capter l’attention du public. L’intelligence artificielle et les contenus artificiels exacerbent ce phénomène, entraînant une collision entre journalisme traditionnel et médiactivisme numérique. Les acteurs non professionnels créent du contenu sans les normes journalistiques habituelles, rendant la recherche d’une information fiable plus complexe. Face à ces transformations, il devient essentiel d’examiner les conséquences sociologiques de ces outils numériques sur les conditions démocratiques du journalisme, tout en recherchant des solutions pour sortir de cette dépendance numérique.

à propos

Première version, communication (Paris1 / UEMF) au colloque national « Le politique et le digital : collision ou collusion ? » UEMF/ISJP 19 décembre 2023 (Maroc). Seconde version discutée avec l’équipe de recherche CRI - Complexité, Réseaux et Innovation du centre de recherche Costech-UTC le 4 avril 2024. Troisième version publiée comme "working-paper" dans la Collection "Esquisses" du Recueil Alexandries de Terra-HN éditions le 12 mai 2024 puis présentée au séminaire "Automédias : le médiactivisme disrupté ?" organisé par Automedias.org, le lundi 13 mai de 18h à 20h30 dans la salle Claude Pompidou du Centre Pompidou, avec Igor Galligo et Aurélie Aubert. Une quatrième version définitive est en préparation pour la revue Asylon(s).Digitales (http://www.reseau-terra.eu/rubrique...) ; remarques et conseils à adresser à jerome.valluy@univ-paris1.fr

citation

Jérôme Valluy, "Digitalisation du journalisme : le paradoxe du journalisme professionnel", Recueil Alexandries, Collections Esquisses, mai 2024, url de référence: http://www.reseau-terra.eu/article1480.html

Sommaire

Introduction

Section 1 – Dégradations numériques de la profession de journaliste
- Transfert d’articles
- Revenus publicitaires
- Journalisme citoyen
- Surveillances et menaces
- Publications artificielles

Section 2 – Dépendance journalistique aux sources et ressources numériques
- Patrons de presse : droits voisins et négociations financières avec les GAFAM+
- Journalistes salariés : internet comme outil de travail et public personnalisé

Conclusion


Introduction

Le néologisme « collution », inventé par Franck Rebillard et Nikos Smyrnaios résume bien ce paradoxe du journalisme professionnel à la fois premier partenaire et première victime du tournant numérique : « collution (collusion socioéconomique et dilution éditoriale mêlées) » [1]. La collusion se construit progressivement, sans projet d’ensemble, plutôt comme une osmose et le résultat de tentatives répétées, de la part des entreprises de presse, d’adaptations rapides et conjoncturelles, face à un tournant numérique fulgurant. Celui-ci provoque un envahissement de l’espace public et de l’espace professionnel journalistique par des outils et des acteurs non professionnels contestant de surcroît – au nom de la liberté d’expression et du contrepouvoir citoyen en démocratie – l’autorité de la compétence et de systèmes professionnels historiquement construits au fur et à mesure de la démocratisation de certains Etats durant le 20ème siècle. L’extension numérique de l’espace public médiatique se traduit par une prolifération de textes sans qualités professionnelles parmi lesquels se diluent les productions journalistiques. On peut parler, comme Vincent Giret, directeur de l’information et des sports de Radio France, de « crise de l’information [comme] enjeu existentiel de nos démocraties  » [2].

Le contrepouvoir citoyen est l’une des origines historiques du journalisme indépendant, par exemple lors de la Révolution française de 1789 [3]. Plus de deux siècles après, les formes alternatives et contestataires de journalisme qui émergent avec le numérique à la fin du 20ème siècle ont été d’abord interprétées comme reflétant une tradition ancienne et démocratique de subversion journalistique des pouvoirs en place par les citoyens [4]. Cela a conféré à ces formes une certaine légitimité aux yeux de beaucoup d’acteurs, y compris journalistes professionnels, qui préfèrent composer avec cette concurrence inédite plutôt que la contester politiquement et la combattre judiciairement notamment au contentieux de la concurrence déloyale et/ou des atteintes au droit d’auteur.

Parler de « journalisme professionnel » revient à utiliser un agrégat globalisant alors que les recherches en science politique et en sciences de l’information et de la communication nous ont appris que le journalisme professionnel est une mosaïque de pratiques professionnelles (journalisme local, national, international, généraliste ou spécialisé, courant ou d’investigation ou de reportage ou de photojournalisme ou datajournalisme, de presse, télévision, radio, du pigiste débutant au grand éditorialiste renommé, etc.). On pourra reprocher à toute approche globalisante de perdre en précision ce qu’elle gagne en extension. Mais lorsque le monde a été globalement bouleversé, par le tournant numérique des quinze à trente dernières années, comme par exemple après la seconde guerre mondiale, on pourra faire la remarque inverse aux auteurs d’études focalisées et approfondies, à qui Charles Wright Mills reprochait en 1959 de « se limiter aux « enquêtes menues » en partant du principe qu’on peut « grouper » les résultats, et aboutir ainsi à une « sociologie intégrée ». » [5] Après de grands bouleversements, étudier le dessin d’ensemble que forme la mosaïque à autant d’importance, sinon plus, que d’étudier le détail de chaque pièce. Idéalement, chacun devrait faire les deux ou les trois : étudier le dessin d’ensemble, certaines de ces régions et le détail de quelques pièces, de façon à favoriser dans la communauté scientifique les débats paradigmatiques sur images macroscopiques et mésoscopiques et la division intellectuelle du travail par accumulation d’images plus précises sur une région ou sur des pièces de la mosaïque. La présente étude restera loin de l’idéal en ce concentrant sur la vision globale.

En trente ans (1995-2024) la profession des journalistes est peut-être, de toutes les professions, la plus fortement et précocement impactée [6]. Et cette collision des deux types de médias est loin d’être terminée. La mise en accès ouvert des « intelligences artificielles » (I.A.) notamment de Google (« Bard », « Gemini ») et Microsoft (« ChatGPT »/OpenAI) et autres, de leurs start-up annexes, se traduit sur le web par une prolifération de « productions artificielles » (articles, photos, vidéos…), notamment depuis 2022, qui diluent les travaux de qualité journalistique dans un océan de productions médiocres voire fallacieuses voire pire et calculent ces productions artificielles sur d’autres, par effet « boule de neige », augmentant continuellement un envahissant « web synthétique » selon la belle expression d’Olivier Ertzscheid [7]. Or les entreprises de presse ont utilisé ces « I.A. » longtemps avant que le reste du monde n’en comprenne l’importance, notamment pour la production automatique d’articles de commentaires sportifs [8] et ce sont elles, aujourd’hui, qui proposent leurs catalogues pour dresser des « I.A. » sur des « tendances » d’actualité comme Springer en Allemagne [9] ou Le Monde en France [10]. Collision et collusion forment donc les deux aspects d’un même processus historique paradoxal.

Du côté de la collision, le « système NSA & GAFAM » [11] c’est-à-dire « Big Other » selon le concept plus large de Shoshana Zuboff [12], a organisé la spoliation des journalistes professionnels en favorisant les rediffusions d’articles sur les réseaux sociaux sans paiement du travail réalisé, en captant les budgets publicitaires déplacés vers le nouveau marché des publicités individualisées c’est à dire l’essentiel des revenus publicitaires qui finançaient la profession, en créant les instruments de croyances en un « journalisme citoyen » (sans formation, sans organisation collective et sans encadrement juridique) qui produirait plus que de simples « témoignages », en créant les outils de nouvelles surveillances algorithmiques et menaces personnelles contre les journalistes et leurs sources et, plus récemment, en développant des I.A.-génératrices en accès ouvert capables de produire des flots d’articles, photos et reportages artificiels...

Du côté de la collusion, les journalistes sont les premiers (à plus de 90%) à procéder à des rediffusions d’articles de presse vers les réseaux sociaux, à scruter les commentaires et réactions d’un public devenu personnel, à inspecter l’internet à la recherche de sources et ressources informationnelles moins coûteuses que des enquêtes au long cours ou des micros-trottoirs, à suivre les flux des hashtags - aussi fictifs et manipulés soient-ils - comme des courants d’opinion publique, à ignorer les atteintes à la vie privée perçue, pendant plus d’un siècle et demi, comme un dispositif de censure de la presse ; enfin et peut-être surtout les actionnaires et cadres supérieurs d’entreprises de presse négocient un partage des revenus de publicités individualisées, si délétères pour les enfants et les campagnes électorales, donc pour l’avenir démocratique, plutôt que de combattre le nouveau système et défendre les conditions démocratiques du travail journalistique.

Comment expliquer que tant d’acteurs de la profession s’empressent dans cette collaboration autodestructrice ?

Nous suivrons l’hypothèse d’une nouvelle dépendance journalistique, hypothèse aujourd’hui étayée par de nombreuses recherches. « Rompre avec la dépendance ne semble pas envisageable, remarque Alan Ouakrat, pour les éditeurs de presse car il y aurait trop à perdre : l’apport de trafic généré par le moteur de recherche, l’aide dans les projets de développement autour de l’innovation éditoriale et commerciale, l’appui enfin dans la monétisation publicitaire et le recrutement d’abonnés. Par conséquent, ils acceptent la dépendance en tentant d’en négocier les conditions et une contrepartie financière, épaulé en cela par le droit voisin et la politique de la concurrence. » [13] Alan Ouakrat n’évoque ici que la dépendance des patrons mais, comme nous le verrons, il y a aussi une dépendance des journalistes salariés. S’agit-il de la même dépendance que celle apparue avec la « juvénilisation de l’espace public » ? S’agit-il d’une dépendance psychologique induite par une socialisation numérique précoce, une forte appétence pour la dimension ludique du numérique et des gains en dopamine liés aux interactions numérique ? Une telle explication des comportements professionnels de journalistes serait peu crédible : les journalistes ne sont pas particulièrement jeunes, ni réputés joueurs comme les enfants ; l’argent peut avoir plus d’importance pour certains que la dopamine ; ils sont généralement formés professionnellement ce qui leur confère un haut niveau de compétence et un esprit critique supérieurs à la moyenne des citoyens.

En revanche, en procédant au même changement de point de vue que celui opéré par Emile Durkheim sur le suicide, on peut concevoir l’addiction comme un « fait social » [14] c’est-à-dire un ensemble de facteurs sociaux configurant le métier de journaliste dans le sens d’une perception sociale de plus en plus fréquente selon laquelle il est devenu impossible de pratiquer ce métier sans moyens numériques. Dans les sondages, la moitié des journalistes expriment cette perception [15]. Il est probablement plus fort chez les jeunes journalistes que chez ceux qui sont assez vieux pour avoir eu connaissance du métier avant le tournant numérique. Dans cette perspective d’analyse, celle de « l’addiction au prisme de la perspective sociologique » [16] bien conceptualisée par Victor Collard, nous étudierons les multiples dégradations des conditions démocratiques de travail journalistique depuis le début du tournant numérique (Section 1) puis nous analyserons les réponses apportées par la profession pour constater qu’elles conduisent à une dépendance du journalisme aux sources et aux ressources numériques (Section 2).

Section 1 – Dégradations numériques de la profession de journaliste

Si l’on cherche à identifier les principaux aspects des attaques subies par la profession en les situant au moins approximativement dans la chronologie des trente dernières années, les transferts d’articles sont probablement premiers, dès le premier tournant numérique de 1995, à une époque où les plateformes souffraient de faibles productions de contenus (§1). Les transferts de revenues publicitaires au profit des GAFAM commencent dès le dévoiement du « cookie » de Netscape par Microsoft (±1999), la découverte des capacités algorithmiques de prédiction des préférences personnelles (en l’occurrence, musicales) sur le premier Ipod d’Apple en 2001 et la découverte du « surplus comportemental » par Google en 2002 (§2). La notion de « journalisme citoyen » prolifère ensuite dans les usages sociaux durant les années 2000 (§3). Les surveillances et menaces s’accélèrent à la fin des années 2000 et surtout dans la décennie 2010 quand les taux de connexions à l’internet s’élèvent et les Etats réapparaissent comme acteur dominant l’internet (§4). Enfin les publications artificielles commencent à proliférer depuis l’accès ouvert à certaines I.A. en 2022 (§5).

Transfert d’articles

Au 20ème siècle, lire un journal sans l’avoir payé – par exemple le journal de son voisin – était autrefois déjà une forme de « vol ». Cependant cela n’était pas perçu comme tel mais plutôt comme une pratique normale de circulation des journaux et de partage convivial. Cette pratique était limitée dans ses effets économiques et n’affectait pas gravement la rentabilité des entreprises de presse. La profession voyait dans cette circulation d’un même journal entre plusieurs mains de lecteurs, le signe d’un succès d’audience et un argument de négociation commerciale avec les publicitaires. Comme l’observe le journaliste Brice Couturier, reprenant un article de Nicholas Leman [17] : « "Ce que personne ne pouvait imaginer, écrit Nicholas Lemann, c’est qu’un excellent moteur de recherche pourrait un jour attirer un public d’une taille sans commune mesure avec n’importe quel site d’information, sans produire lui-même aucune information originale . Ni que, quelques années plus tard, un média social allait faire encore plus fort, avec des contenus produits par leurs propres utilisateurs."_ Et dorénavant, ce sont Google et Facebook qui trustent l’argent de la publicité. » [18]

Avant cela, on disposait même d’un indicateur statistique dans les études d’audience : «  Le rapport entre l’audience (nombre de lecteurs) et la diffusion (nombre d’exemplaires diffusés) est appelé taux de circulation . Celui-ci peut varier sensiblement en fonction d’un grand nombre de facteurs dont : la périodicité, la famille de presse, le contenu, l’ancienneté et la notoriété du titre, le mode de diffusion etc. » [19] Les taux de circulation étaient faibles, de l’ordre de deux ou trois lecteurs par exemplaire jusqu’à une vingtaine mais guère plus [20]. La bibliographie du 20ème siècle ne documentait pas de taux de circulation de plusieurs centaines, milliers, centaines de milliers voire millions de lecteurs pour un même journal ou pour la plupart de ses articles.

C’est là un effet spécifique du tournant numérique que de faire exploser les taux de circulation si non des journaux du moins de leurs articles. Mais l’effet reste nécessairement limité tant que les taux de connexion sont bas : de 1995 à 2000 on passe d’environ 50 millions d’internautes dans le monde à 500 millions. L’essentiel de la croissance jusqu’aux 5 milliards actuels, se fait seulement dans la deuxième moitié des années 2000 et dans les années 2010.
Dans la première période du tournant numérique, les plateformes sont tendanciellement vides de contenus, donc très friandes de rediffusions diverses et les raisonnements relatifs aux taux de circulation sont les mêmes qu’avant. Personne ne voit d’objection à ces rediffusions. Mais lorsque le nombre mondial d’internautes augmente, on change progressivement d’échelle donc de « medium » au sens de Mac Luhan : les notions utilisées restent les mêmes mais les réalités qu’ils désignent changent. Les taux de circulation explosent suivant en cela l’évolution du nombre d’internautes dès lors que le smartphone devient le principal moyen de réception. Une étude réalisée par Cision Ltd. montre que « en 2017, 96% des journalistes des pays interrogés utilisent les réseaux sociaux dans le cadre de leur travail, c’est 2 points de plus qu’en 2016. » Or notent les auteurs de l’étude : « L’objectif 1er des journalistes est de promouvoir leurs propres contenus. Arrivent ensuite la veille puis les interactions avec leur public » [21]

C’est durant cette période que le « taux de circulation » semble disparaître. En 2021, Le Monde analyse ses propres audiences sans évoquer de taux de circulation mais, à la place, un nombre d’abonnés sur les comptes de réseaux sociaux : « Le Monde compte également plus de 25 millions d’abonnés en cumul sur les réseaux sociaux sur lesquels il est présent : Facebook, Twitter, Instagram, Snapchat, WhatsApp, LinkedIn, YouTube et, désormais, TikTok. Notre édition quotidienne sur Snapchat a attiré 2,6 millions de visiteurs uniques mensuels en 2022, alors que les abonnés à notre chaîne YouTube sont désormais 1,5 million. » [22]

Revenus publicitaires

La mutation en 2001 vers le capitalisme de surveillance fait basculer beaucoup d’entreprise d’un modèle économique « bien ou service vendu » (capitalisme industriel puis serviciel) à un modèle « bien ou service offert avec captations de données personnelles et monétisation sur le marché des publicités personnalisées gérées par I.A. » (capitalisme de surveillance et d’influence). Les I.A. sont, dès le début, indispensables à la gestion de ce marché de flux publicitaires personnalisés même si elles étaient certainement moins performantes en 2003 qu’en 2023 [23]. Ce nouveau modèle de « monétisation » permet d’enrôler les enfants dans l’activité économique et politique, alors que le système antérieur par achat ou abonnement aurait bloqué leur arrivée massive, via internet, sur les nouveaux marchés numériques. C’est l’une des réactions d’entreprises de presse au premier tournant numérique que d’observer la surreprésentation des mineurs dans l’espace numérique et de produire une offre spécifique, simplifiée, destinée aux mineurs [24].
Le changement de système économique fait changer de régime publicitaire. On passe des publicités collectives (TV, presse, cinéma, radio, rue…) aux publicités individualisées en fonction des données personnelles de chacun. Le changement est d’autant moins perceptible que les flux publicitaires personnalisés sont individualisés donc peu discutables collectivement ce qui les rend « subliminaux » non pour la personne mais pour la société. Certains types de publicités « subliminales » individuelles avaient été interdits [25], les spectateurs étant influencés sans en avoir conscience. Aujourd’hui, les publicités personnalisées provoquent d’autres effets subliminaux, collectifs, pour la société qui « ne les voit pas », pourrait-on dire, tout en les subissant. Elles provoquent aussi des effets subliminaux au plan individuel, notamment les « bulles de préférences » que les individus subissent sans en avoir conscience. Mais elles n’ont pas été interdites ; pas même pour les enfants.

En moins de quinze ans, le changement de modèle économique et de modèle publicitaire a été fatal pour les entreprises de presse. Deux graphiques suffisent à résumer l’évolution des marchés : une double prédation au détriment des médias classiques et des autres économies nationales s’opère au profit de riches américains propriétaires des plateformes numériques.

Journalisme citoyen

Dès le premier tournant numérique de 1995 le journalisme professionnel a été très critiqué, pour justifier les nouvelles expressions publiques individuelles concurrentes. En particulier la concentration du marché des médias professionnels en Europe, le pouvoir de milliardaires propriétaires d’entreprises de médias et les dominations idéologiques ou stratégiques réduisant le pluralisme des médias professionnels [26]. En 1996, un journaliste comme Jay Rosen, critique de presse et professeur de journalisme à la New York University, signale la détérioration en cours dans la profession sous différents aspects, notamment les défis des nouvelles technologies de l’information et de la communication qui menacent d’éclipser le journalisme traditionnel [27] et plaide pour une participation citoyenne au journalisme professionnel. Sa conception articule encore les activités des journalistes et de citoyens contributeurs comme dans le projet « NewAssignment.net » qu’il lancera en 2006. Des citoyens peuvent contribuer aux contenus et aux financements dans une sorte de « journalisme à la demande » où chacun pourrait passer commande d’enquêtes et de reportages réalisés par des journalistes professionnels rémunérés. Le projet a été financé notamment par le magazine Wired, l’agence Reuters et d’autres donateurs du secteur [28].
En 2000, le journal en ligne sud-coréen OhmyNews est lancé (22 février 2000) qui articule aussi journalistes et citoyens mais sans subordonner les seconds aux premiers et avec le slogan « Every citizen is a reporter ». Ce journal passe pour l’un des premiers du genre [29]. En 2004 un journaliste spécialisé en technologie, Dan Gillmor, publie en accès ouvert un livre à grande audience dont le titre fait échos aux références philosophiques de la démocratie : « Nous, les médias : Le journalisme de base par le peuple, pour le peuple » [30]. Le titre est explicite et appel à une nouvelle sorte de journalisme. En 2005 son expérience de site collaboratif « Bayosphere » pour San Francisco échouera faute de rentabilité mais donne le ton pour d’autres expériences [31]. La même année, en France, est créée « AgoraVox » dont le fondateur relie directement sa création à la méfiance citoyenne vis-à-vis des journalistes professionnels : « Pour ma part, je suis italien et j’ai connu le phénomène Berlusconi pendant un certain nombre d’années. Ainsi, une certaine méfiance des citoyens s’est installée vis-à-vis des médias traditionnels en raison des connivences supposées ou réelles avec les pouvoirs politiques ou industriels. Le corollaire de cette méfiance est que le citoyen a envie d’être acteur de l’information. » [32] L’idée d’AgoraVox est de permettre à tout citoyen de toute orientation politique de publier des articles comme le ferai un journaliste, avec cependant une « modération » assurée par des journalistes.

Les expressions « journalisme citoyen » ou « citizen journalism » semblent se populariser précisément durant cette période. Si l’on considère les sources de ‘Google Books Ngram Viewer’ elle fond apparaître des usages de telles expressions, dans les livres des années 1990, et montrent que l’usage de cette expression prolifère surtout à la fin des années 2000 et dans la décennie 2010, ce qui correspond à la période d’élévation des taux de connexion à l’internet passant à plus de 50% dans les populations occidentales et s’élevant rapidement dans les populations de Russie, Chine, Afrique et Moyen-Orient. Un spécialiste, Olivier Tredan, observe en 2007 cette « pratique ambiguë qui se diffuse comme une traînée de poudre » [33]. En 2010, Patrice Flichy publie son fameux livre « Le Sacre de l’amateur  » [34].
Du côté des sciences sociales les interprétations sont très diverses. En 2006 Patrick Champagne reflète des espoirs largement partagés : « La concurrence sur la toile est plus forte, et elle a des effets largement positifs. L’internet est peut-être la technologie qui, sous certaines conditions, rendra possible cet « intellectuel collectif » que Pierre Bourdieu appelait de ses vœux. » [35] Une autre critique, de Nicolas Pelissier et Serge Chaudy en 2009, conclue au contraire à un technopopulisme : « En effet, la référence au peuple n’est souvent qu’un prétexte bien commode, un moyen de relégitimation d’une profession en crise. Cette instrumentalisation du peuple sur fond de révolution 2.0 s’inscrit bien dans un technopopulisme (Musso, 2003) dans l’air du temps, si l’on considère le populisme comme une stratégie visant à simplifier les rapports politiques en opposant une élite gouvernante aux gouvernés représentés indistinctement par « le peuple » (Laclau, 2008) et le technopopulisme comme l’adoption dans la vie professionnelle des technologies et usages jusqu’alors réservés à la sphère personnelle. » [36] Et un autre spécialiste, Michel Mathien, analyse le mythe de l’amateurisme : « Avec le phénomène lié à la convergence des techniques de numérisation, émerge à nouveau ce que la profession avait combattu, dans son histoire, en particulier en France, à savoir les amateurs, les occasionnels de l’information et propagandistes en tout genre. » [37] Cette divergence d’interprétation parcours tout le corpus des sciences sociales sur ce domaine thématique.

Surveillances et menaces

La surveillance des journalistes est devenue un business facile qui se développe dès 2011, au moins, avec la première vente connue du logiciel « Pegasus » à l’armée du Mexique. Depuis le logiciel « Predator » et d’autres sont venus s’ajouter à la panoplie des moyens à bas prix. Cette surveillance des journalistes s’intensifie depuis lors. Le consortium de journalistes professionnels « Forbidden Stories » recense déjà 180 journalistes cibles [38].

Cette surveillance bon marché et massive des journalistes, s’intensifie dans la reconfiguration géopolitique mondiale consécutive à l’invasion de l’Ukraine. Plus que les autres, en raison de leur métier, les données personnelles des journalistes sont captées et leur surveillance est généralisée comme l’a confirmé un ancien agent du renseignement français Guilhem Giraud, anciens agents de la DST devenu consultant international [39].

L’exposition est liée à leur métier (notamment sa fonction critique des pouvoirs en place) mais aussi à leur dépendance aux sources et ressources numériques. Cette dépendance apparaît particulièrement dans la faible capacité des journalistes professionnels à parler de ce qu’ils subissent en termes de surveillance, harcèlement en ligne, menaces, intimidations, usurpation d’identité ou pire [40]. Cecilio Piñeda, journaliste mexicain qui enquêtait sur les corruptions au sein de l’État a été assassiné quinze jours après avoir été inscrit dans la base de Pegasus ; la preuve de corrélation est manquante, mais The Washington Post rappelle que cette technologie permet une géolocalisation en temps réel [41]. Et le bilan annuel 2022 de Reporters Sans Frontières mentionne 1787 journalistes tués dans le monde depuis 2000 [42] .

Publications artificielles

La dégradation numérique du travail journalistique professionnel se prolonge aujourd’hui en ce qui concerne la crédibilité des publications lorsque se mettent à proliférer des textes artificiels produit sur commande par des « intelligences artificielles » en 2023 et envahissant l’espace public. Les usages d’IA sont beaucoup plus anciens mais un large public commence à comprendre la puissance des IA depuis la mise en accès ouvert de « ChatGPT » en novembre 2022. Or les entreprises de presse ont été parmi les premières à utiliser des « I.A. » pour produire des articles journalistiques notamment dans les commentaires sportifs plus faciles à automatiser et ce, dès le début des années 2010. Avec la mise en accès ouvert de ces IA génératrices, le phénomène ne fait que s’amplifier comme le montre la récente décision du groupe Amazon de limiter à trois livres par jour et par personne (!) le nombre de livres publiable sur Kindle Direct Publishing… le web se rempli ainsi de textes artificiels (livres, articles, blogs, tchats...) avec un effet cumulatif ou effet « boule de neige artificielle » notamment pour les IA calculant la production de textes nouveaux à partir de leurs bases de données qui se remplissent elles-mêmes de productions artificielles [43], ce que Olivier Ertzscheid nomme justement « web synthétique » [44]. Loin de freiner cette dérive certains patrons de presse l’accompagnent pour en tirer des bénéfices immédiats quitte à hypothéquer ceux à long terme de la profession tout entière. Ainsi, récemment, c’est un groupe de presse, Allemagne, qui contracte avec OpenAI l’accès à ses propres données pour l’entraînement d’une « I.A. » [45]. En France, le journal Le Monde emprunte la même voie isolée de la profession comme l’annoncent Louis Dreyfus (Président du directoire du « Monde ») et Jérôme Fenoglio (Directeur du « Monde ») le 13 mars 2024 : « Cet accord pluriannuel, le premier entre un média français et un acteur majeur de l’IA, permettra à la société de s’appuyer sur le corpus du journal pour établir et fiabiliser les réponses de son outil ChatGPT, moyennant une source significative de revenus supplémentaires. » [46]

Section 2 – Dépendance journalistique aux sources et ressources numériques

Malgré la gravité et l’ampleur de ce que subit la profession des journalistes, les collaborations entre entreprises de presse et entreprises du numérique se prolongent depuis trente ans. Pourquoi ? L’hypothèse de la dépendance, précédemment évoquée, est entendue ici en un sociologique et non pas psychologique.

Elle amène à entrer dans une sociologie du journalisme qui nécessite notamment de distinguer parmi les « journalistes » professionnels ceux qui dirigent des entreprises d’édition de presse, en tant qu’actionnaires et/ou cadres supérieurs eux-mêmes actionnaires ou dépendants de ces actionnaires (nous les regrouperons sous l’intitulé pratique de « patrons de presse ») et les journalistes salariés de ces entreprises.

Nous montrerons que la dépendance sociologique aux sources et ressources numériques renvoie à des réalités complexes tant pour les patrons de presse que pour les salariés du journalisme professionnel. Leurs intérêts ne sont pas nécessairement les mêmes à court terme (gains financiers immédiats) et à long terme (dégradation des conditions de travail de la profession), mais leurs contraintes de situation de travail varient aussi.

Patrons de presse : droits voisins et négociations financières avec les GAFAM+

Les grandes entreprises mondiales de presse ont « préféré » négocier le partage des bénéfices publicitaires (« droits voisins ») avec les entreprises du numériques, notamment les « GAFAM » plutôt que de les combattre judiciairement et politiquement pour défendre le droit d’auteur des journalistes et les conditions d’une concurrence loyale entre entreprises [47]. L’interprétation de cette « préférence » - entre guillemets pour signaler la complexité - est délicate parce qu’elle allie des aspects culturels, des formes d’osmose culturelle entre anciens médias et « nouveaux médias », des aspects financiers, notamment l’intérêt de gains immédiats pour les patrons de presse et des rapports de forces asymétriques [48] entre notamment l’audience que Google apporte à la presse et les éditeurs de presse menacés par Google de fermeture de ses services avec impact sur les revenus publicitaires de ces éditeurs.

Comme l’observe Antoine Charlet, dans l’un de ces diagnostics annuels : « Au début, dans les années 90, la presse a procédé à une analyse erronée d’une situation qui était totalement nouvelle. Elle a cru que le Web était un simple prolongement de l’imprimé. Dans ces conditions, il suffisait de mettre sur les réseaux la copie du papier, textes et photos, en espérant que la publicité financerait le tout. Comme le coût de transfert de l’imprimé vers le numérique était minime, la gratuité du service paraissait normale. Les journaux pensaient donc qu’ils pourraient augmenter à peu de frais leur lectorat sans remettre en cause leur équilibre économique. » [49] Au cours des années 2000, les agrégateurs de nouvelles en ligne, notamment Google Actualités, ont gagné en importance : il a rapidement agrégé des centaines de milliers d’articles provenant de milliers de sources d’information en ligne à travers le monde. En 2002, Google lance Google News, qui agrège des titres d’actualités provenant de diverses sources en ligne. D’autres entreprises telles que Yahoo News et Bing News ont suivi cette tendance. Le développement des réseaux sociaux accentue le phénomène de retransmissions d’articles : Facebook est créé en 2004 ; Microsoft entre dans son capital en 2007, dans le cadre d’un accord [50] où elle apporte à Facebook l’essentiel de ses revenus publicitaires qui offre à Bing divers types de contenus, notamment des articles de presse retransmis, pour tenter de concurrencer Google. Cette période a également été marquée par des conflits croissants entre les éditeurs de presse et les agrégateurs de nouvelles concernant le droit d’auteur et la rémunération équitable pour l’utilisation du contenu. Les chutes de revenus pour la presse professionnelle entre 2000 et 2010 sont impressionnants. [51]

Si les discussions sur les droits de propriété intellectuelle et les nouveaux défis juridiques posés par l’Internet grand public ont commencé à émerger dans les années 1990 au sujet de la musique notamment [52], c’est la montée en puissance des agrégateurs de nouvelles en ligne comme Google News dans les années 2000 qui intensifie la contestation de l’utilisation de contenus sans rémunération approprié. Certains responsables d’édition de presse cherchent à obtenir de l’argent grâce à leur contenu, tandis que d’autres pensent à des mesures judiciaires. Des procès impliquant Google et d’autres agrégateurs de contenus ont commencé à surgir au cours des années 2010, en particulier en Europe. De ce point de vue, la décennie 2010 apparaît comme une période de révélations aux yeux des journalistes, patrons et salariés, dans ce domaine comme dans celui des révélations relatives au capitalisme de surveillance et d’influence. En 2012, Google a été accusé par des éditeurs français de violation de droits d’auteur en publiant des extraits de leurs articles sur Google News sans leur consentement. Cependant, aucun jugement significatif n’a été rendu dans cette affaire, et Google a finalement conclu des accords de licence avec certains éditeurs français et l’Etat, afin d’éviter tout conflit ultérieur [53]. Un de ces accords créé le « Fonds pour l’innovation numérique de la presse » (FINP). Comme l’observe le journaliste Dan Israel : « Contre 60 millions d’euros, à répartir sur trois ans, Google a réussi à rendre caduque toute idée d’une loi l’obligeant à rémunérer les journaux. En acceptant sans barguigner l’offre, la presse a quant à elle fait la démonstration de son état de faiblesse, dans cette nouvelle ère numérique qui mine chaque jour un peu plus ses ressources financières. » [54] Les éditeurs de presse allemands refusent au contraire la solution française et poussent à l’adoption de règles de droit [55] ce qui aboutira à une nouvelle conception juridique des « droits voisins » en Allemagne [56]. L’initiative allemande a suscité débats et controverses au sein de l’Union européenne sur la régulation des agrégateurs de contenus en ligne. « Lorsque l’Allemagne, par la loi du 7 mai 2013, a adopté un droit voisin au profit des éditeurs de presse, la réaction de Google a été immédiate en refusant de négocier avec le puissant groupe Springer qui mis sur la touche par Google, a fini par concéder au géant américain des licences gratuites pour reprendre des extraits. » [57] En Espagne, une loi obligeant Google à payer les éditeurs pour les extraits de leurs articles est adoptée, mais Google choisit plutôt de fermer son service d’actualités en Espagne [58]. En 2014, les tensions entre Google et les éditeurs de presse européens ont atteint un point culminant, avec des menaces de boycott et des appels à une réglementation plus stricte. Il faudra encore cinq ans de tensions et de préparation pour qu’une nouvelle directive européenne apparaisse, en 2019 sur les droits d’auteur dans le marché unique numérique, qui inclut des dispositions sur les droits voisins [59]. Mais, cinq après, comme l’observe Claudia Cohen pour Le Figaro, rien n’est fixé : « Le feuilleton autour des droits voisins n’en finit plus entre les éditeurs de presse et les géants américains de la tech. Après être parvenus à signer des accords avec Google et Facebook au terme d’une longue et rude bataille, la presse française se heurte désormais au refus catégorique de négocier de la part de Microsoft et de X (ex-Twitter). » [60] De façon générale les éditeurs de presse qui jouent un rôle fondamental dans le pluralisme informationnel des démocraties n’ont été que très peu soutenus par les Etats européens face aux GAFAM et aux entreprises du numériques plus puissantes financièrement et politiquement auprès des ministères, hautes fonctionnaires et parlementaires. Dans cette situation de faiblesse où a été laissée la presse, les négociations et les délibérations politiques ont porté presque exclusivement sur les partages de revenus publicitaires et presque jamais sur les conséquences des rediffusions d’articles pour la société, sur l’agenda politique, la crédibilité des sources, la confiance dans l’espace public…

Journalistes salariés : internet comme outil de travail et public personnalisé

On a aperçu la complexité des situations des patrons de presse voyant leurs revenus publicitaires fondre face au géant de l’audience Google et à l’asymétrie des rapports de forces dans les négociations où ces entreprises n’ont été que très peu soutenues par les Etats européens face aux nouveaux monopoles américains. La complexité concerne également la situation des salariés de presse, dont les emplois fondent aussi à la vitesse des revenus de leurs entreprises et, plus récemment, de l’arrivée des « intelligences artificielles » capables de produire des articles dans certains domaines comme le commentaire de résultats sportifs.

La dépendance sociologique des journalistes salariés à l’internet provient des transformations de pratiques professionnelles quotidiennes, des collaborations entre journalistes au sein des rédaction jusqu’aux outils de travail ; l’internet et le web en particulier leur offre un gisement de sources d’information et des substituts gratuits ou pseudo-gratuits (monétisation des données personnelles de journalistes) aux méthodes d’investigations classiques plus coûteuses (enquêtes, sondages, micro-trottoires…) ; les réseaux sociaux et les blogs individuels de journalistes créent des publics personnalisés qui n’existaient pas à l’époque où le public était essentiellement celui du journal.

Dès le premier tournant numérique de 1995, le travail des journalistes professionnels (conditions de travail, outils d’enquête, formes d’investigation …) est impacté et plus fortement encore après 2001 : « Les journalistes deviennent en peu de temps une profession particulièrement connectée, mais peinent à saisir l’ampleur du phénomène » note Romain Badouard [61], Les outils numériques (blogs, réseaux sociaux, plateformes de révélations publiques…) sont devenus des outils de travail dans les pratiques journalistiques les plus quotidiennes d’échanges et de collaborations entre journalistes eux-mêmes, au sein des rédactions. Comme au sein d’autres entreprises qui voient dialoguer leurs salariés, à quelques mètres de distance, dialoguer par tchat, sms, groupes réticulaires, mais probablement avec une agilité numérique plus précoce chez ces professionnels de l’information, les journalistes travaillent avec des outils numériques. Cela les inscrits dans l’éco-système numérique. Les blogs individuels leur permettent de publier des textes longs, souvent précieux, qui ne passent pas en taille dans le journal et donnent aux journalistes une nouvelle autonomie d’expression à l’égard de leur Rédaction. Et il n’est pas rare pour un professeur de science politique de devoir expliquer aujourd’hui aux étudiants en journalisme les différences entre « blogueur » et « journaliste » [62]

Les réseaux sociaux les alertent sur des sujets émergents et des sources d’informations, le repérages d’acteurs sociaux notamment. Les plateformes de fuites massives de données et de relais des lanceurs d’alerte, leur offrent d’immenses gisements d’informations, comme Wikileaks créée en 2006 mais médiatisée à partir de 2010 et participant ainsi à l’ouverture de la période des révélations du capitalisme de surveillance et d’influence. Au-delà de ces plateformes très spécialisées, c’est l’immensité du web en accès ouvert qui devient un gisement apparemment infini et inépuisable de sources d’informations relativement faciles d’accès ou de moyens d’identifier des sources, ce qui renforce une dépendance fonctionnelle. Le numérique devient ainsi pour les journalistes un milieu social très addictif comme le reconnaissent Matthieu Goar et Nicolas Chapuis journalistes au Monde : « Mettre l’oiseau bleu en sourdine ? Plus facile à dire qu’à faire tant ce réseau génère une addiction, à laquelle sont sensibles les responsables politiques et les journalistes, habitués à dénigrer Twitter tout en rafraîchissant frénétiquement leur fil. » [63]

Les réseaux sociaux, leurs groupes « privés » mais non fermés et surtout leurs « hashtags » crée des substituts pseudo-gratuits aux méthodes d’investigation classiques, beaucoup plus coûteuses, en temps et en moyens, tels les « micros-trottoirs », les sondages d’opinion et les enquêtes au long cours, ce qui ajoute une dépendance financière aux dépendances fonctionnelles. D’abord simple outil de classement et de regroupements de posts [64], le hashtag devient un phénomène social et socio-politique dont la sociologie politique se fait attendre mais dont le marketing s’empare comme moyen d’influence [65]. Et l’on peine aujourd’hui à trouver une télévision qui ne sous-titre pas ces sujets d’actualité par référence à un hashtag, interprété implicitement comme un courant d’opinion publique.

Enfin, les « médias sociaux » créent pour chaque journaliste un public personnalisé qui n’existait pas ou peu avant le tournant numérique, au temps des « courriers des lecteurs », et qui est parfois quantitativement plus important que le public du journal lui-même, ce qui crée une dépendance personnelle voire addictive, des journalistes à l’égard des communications numériques. Sur cet aspect seulement, la dépendance sociologique prend une tournure plus psychologique, les journalistes étant logés à la même enseigne que le commun des internautes quand il s’agit d’analyser la relation entre narcissisme et intensité d’utilisation des réseaux sociaux [66]. Et cette dépendance semble augmenter les violences publiques dont sont victimes les journalistes [67].

Comme le souligne l’étude Cision : « L’objectif 1er des journalistes est de promouvoir leurs propres contenus. Arrivent ensuite la veille puis les interactions avec leur public »« 46 % des journalistes déclarent ne plus pouvoir se passer des réseaux sociaux pour exercer leur métier. » [68]

Conclusion

Pour conclure, l’article met en lumière le paradoxe du journalisme professionnel dans l’ère numérique, illustré par le néologisme « collution ». Ce phénomène combine collusion et dilution, résultant en un paysage médiatique où les productions journalistiques de qualité se perdent parmi les contenus numériques générés par des acteurs non professionnels et des intelligences artificielles (IA). L’évolution rapide des technologies numériques a plongé les journalistes dans une dépendance vis-à-vis des plateformes numériques, des moteurs de recherche et des réseaux sociaux. Cette dépendance se manifeste à travers une collaboration tacite entre les journalistes et ces plateformes, au détriment du journalisme traditionnel.

Les dégradations numériques subies par le journalisme professionnel sont nombreuses. Parmi elles, le transfert massif d’articles sur les réseaux sociaux, souvent sans paiement ni reconnaissance appropriée, a érodé la rentabilité des médias traditionnels. Les revenus publicitaires se sont également déplacés vers les plateformes numériques, qui utilisent des systèmes d’IA pour cibler les utilisateurs individuellement. La prolifération du concept de « journalisme citoyen » a ouvert la porte à des acteurs non professionnels, ce qui a intensifié la collision entre journalisme traditionnel et contenu numérique amateur.

L’émergence de contenus artificiels créés par les IA a ajouté une couche supplémentaire de dilution et de complexité. Les journalistes professionnels, quant à eux, restent vulnérables à cette évolution rapide, car ils sont pris entre la nécessité d’adopter ces nouvelles technologies et la volonté de maintenir leur intégrité éditoriale.

En guise de perspectives de recherche, il serait prioritaire d’explorer les stratégies permettant aux journalistes de s’émanciper de cette dépendance numérique tout en adoptant les avancées technologiques. La question de la formation des journalistes pour maîtriser ces nouveaux outils doit également être abordée, tout comme le développement de modèles économiques viables qui peuvent contrer la prédominance des plateformes numériques dans la diffusion de l’information. La recherche pourrait également se pencher sur le rôle de la régulation et des politiques publiques pour équilibrer les forces en présence et protéger l’intégrité du journalisme professionnel face à ces défis numériques.

Sur le plan de l’agenda politique, les médias professionnels sont de plus en plus influencés par les réseaux sociaux. Ces derniers, en tant que nouveaux vecteurs de l’information, orientent souvent les priorités éditoriales des médias traditionnels, modifiant parfois l’angle de traitement des informations pour s’adapter aux dynamiques de l’attention en ligne. Cette réalité appelle des études approfondies sur comment et dans quelle mesure les réseaux sociaux modulent l’agenda des médias professionnels.

Par ailleurs, l’ambivalence du journalisme professionnel se manifeste dans sa capacité à révéler des scandales, comme ceux liés au capitalisme de surveillance, tout en présentant parfois ces phénomènes de manière euphémisée. Le journalisme joue un rôle crucial dans la mise en lumière des actions des lanceurs d’alerte, mais il peut également minimiser l’impact de ces révélations, en fonction des alliances et des intérêts économiques des entreprises de presse. Des recherches supplémentaires sont nécessaires sur ce sujet.

Enfin, il est essentiel de mener des recherches méso- et microsociologiques sur les différentes manifestations de la collution dans les configurations variées du journalisme professionnel. Ces études permettraient de comprendre les interactions complexes entre les journalistes, les institutions médiatiques, les technologies numériques et les publics dans des contextes spécifiques, éclairant ainsi les nuances de la pratique journalistique dans l’ère numérique.

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ZUBOFF Shoshana, L’âge du capitalisme de surveillance – Le combat pour un avenir humain face aux nouvelles frontières du pouvoir (2018), Zulma, 2022.

NOTES

[1] REBILLARD Franck et SMYRNAIOS Nikos, « Quelle « plateformisation » de l’information ? Collusion socioéconomique et dilution éditoriale entre les entreprises médiatiques et les infomédiaires de l’Internet », Tic & Société, Vol. 13, N° 1-2 | 1er et 2ème semestre 2019 : http://journals.openedition.org.ezp...

[2] GIRET Vincent, "La crise de l’information, enjeu existentiel de nos démocraties, Les Échos, Publié le 22 novembre 2018 à 18h40, https://www.lesechos.fr/idees-debat...

[3] FEYEL Gilles, « Le journalisme au temps de la Révolution : un pouvoir au service des citoyens », Annales historique de la révolution française, 2003, 333/1, pp. 21-44 : https://www.persee.fr/doc/ahrf_0003... et LEMIEUX Cyril, « La Révolution Française et l’excellence journalistique au sens civique. Note de recherche », Politix, vol. 5, n° 19, 1992, pp. 31/36 : https://www.persee.fr/doc/polix_029...

[4] LE GALLIC Stéphanie, Vendre l’Internet et le Web à l’écran dans les années 1990 In : Temps et temporalités du Web, Nanterre : Presses universitaires de Paris Nanterre, 2018 : http://books.openedition.org/pupo/6053

[5] MILLS Charles Wright, L’imagination sociologique (1959), Paris : La Découverte, 2006, p.68.

[6] PELISSIER Nicolas, « Un cyberjournalisme qui se cherche », Hermès, La Revue 2003/1 (n° 35), pages 99 à 107 : https://www.cairn.info/revue-hermes...

[7] ERTZSCHEID Olivier, « Intelligence artificielle : « Nous sommes passés du rêve d’un Web sémantique à la réalité d’un Web synthétique » », Le Monde, 7 oct. 2023 : https://www.lemonde.fr/idees/articl...

[8] ALCARAZ Marina, « Google prêt à mettre une IA au service de grands journaux américains - Google est en train de proposer un nouvel outil à des médias américains, dont le « New York Times », pour écrire des papiers. Une source d’espoirs et d’inquiétudes. », Les Echos, le 20 juil. 2023 : https://www.lesechos.fr/tech-medias...

[9] ALCARAZ Marina, « Axel Springer inaugure avec OpenAI un nouveau type d’accords avec la presse - Le propriétaire de « Bild », Politico et Insider va fournir des données d’entraînement à la maison mère de ChatGPT contre une belle rémunération. Et le robot conversationnel permettra un accès facilité aux médias du groupe. » Les Echos, 13 déc. 2023 : https://www.lesechos.fr/tech-medias... et LOIGNON Stéphane, « Le groupe Axel Springer remet son agrégateur Upday entre les mains de l’IA », Les Echos, 11 déc. 2023 : https://www.lesechos.fr/tech-medias...

[10] Louis Dreyfus (Président du directoire du « Monde ») et Jérôme Fenoglio (Directeur du « Monde »), "Intelligence artificielle : un accord de partenariat entre « Le Monde » et OpenAI", Le Monde, 13 mars 2024 : https://www.lemonde.fr/le-monde-et-...

[11] Cf. : J. Valluy, « 2.4 Révélations Snowden de 2013 : le « système NSA & GAFAM » (SNG) », in : Humanité et numérique(s), op.cit., p.74 et s. : www.reseau-terra.eu/IMG/pdf/...

[12] ZUBOFF Shoshana, L’âge du capitalisme de surveillance – Le combat pour un avenir humain face aux nouvelles frontières du pouvoir, « Chapitre 13 « Big Other et l‘essor du pouvoir instrumentarien », p.550 et s.

[13] OUAKRAT Alan, « Négocier la dépendance ? Google, la presse et le droit voisin », Sur le journalisme - About journalism - Sobre jornalismo - Vol 9, n°1 – 2020, p.52 : https://revue.surlejournalisme.com/...

[14] Émile Durkheim, Le Suicide : Étude de sociologie, Paris, Félix Alcan, 1897, 462 p. : https://gallica.bnf.fr/ark :/12148/b...

[15] Cision, « Journalistes et réseaux sociaux – Les grandes tendances. Etude menée auprès de 1787 journalistes en France, Allemagne, Finlande, États-Unis, Canada et au Royaume-Uni », Cision et Canterbury Christ Church University, 2017 : https://www.cision.fr/content/dam/c...

[16] COLLARD Victor, « L’addiction au prisme de la perspective sociologique », Implications philosophique, 27 mars 2017 : https://www.implications-philosophi...

[17] LEMANN Nicholas, "Can Journalism Be Saved ?", New York Review of Books, February 27, 2020 issue : https://www.nybooks.com/articles/20...

[18] COUTURIER Brice « La presse écrite survivra-t-elle au tsunami numérique ? », Radio France, Mardi 3 mars 2020, https://www.radiofrance.fr/francecu...

[19] DUPONT Françoise « Les lecteurs de la presse : une audience difficile à mesurer », Le Temps des médias 2004/2 (n° 3), pages 142 à 150 : https://www.cairn.info/revue-le-tem...

[20] CALMETTE Marie-Françoise, CAVAGNAC Michel, CRAMPES Claude. « La tarification des publications périodiques ». In : Revue d’économie industrielle, vol. 70, 4e trimestre 1994. pp. 73-94 : www.persee.fr/doc/rei_0154-3...

[21] Cision Ltd. (Îles Caïmans, siège à Chicago, société de logiciels de relations publiques, lobbying et médias, ainsi que fournisseur de services notamment aux entreprises de presse), « Journalistes et réseaux sociaux – Les grandes tendances. Etude menée auprès de 1787 journalistes en France,Allemagne, Finlande, États-Unis, Canada et au Royaume-Uni », Cision et Canterbury Christ Church University, 2017 : https://www.cision.fr/content/dam/c...

[22] (Rédaction) « Les audiences du « Monde ». », Le Monde, 21 janv. 2021 : https://www.lemonde.fr/le-monde-et-...

[23] MIRA, J. M. (2008). « Symbols versus connections : 50 years of artificial intelligence ». Neurocomputing, 71(4), 671-680. https://doi.org/10.1016/j.neucom.20...

[24] GILLOT Marion, « Happy birthday, Le Monde des ados ! », Le Monde Des Ados, 31/12/2020 : https://www.lemondedesados.fr/happy...

[25] BELLOIR Philippe, « Droit pénal et publicité subliminale », Legicom, 1995/4, n° 10 : https://www.cairn.info/revue-legico...

[26] IOSIFIDES, P. (1999). « Diversity versus Concentration in the Deregulated Mass Media Domain. » Journalism & Mass Communication Quarterly, 76(1), 152-16 : https://doi.org/10.1177/10776990990...

[27] ROSEN Jay, Getting the Connections Right Public Journalism and the Troubles in the Press, New York : Twentieth Century Fund, 1996, 101 p.

[28] NOISETTE Thierry, « NewAssignment, projet de journalisme "open source" soutenu par Reuters », ZDnet, 30 nov. 2006 : https://www.zdnet.fr/actualites/new...

[29] PELISSIER Nicolas, CHAUDY Serge, « Le journalisme participatif et citoyen sur Internet : un populisme dans l’air du temps ? », Quaderni, 70 | 2009, 89-102 : https://journals.openedition.org/qu...

[30] (notre traduction) GILLMOR Dan, « We the Media : Grassroots journalism by the people, for the people », O’Reilly Media, 2004, 299 p . : https://library.uniteddiversity.coo...

[31] PELISSIER Nicolas, CHAUDY Serge, « Le journalisme participatif et citoyen sur Internet : un populisme dans l’air du temps ? », Quaderni, 70 | 2009, 89-102 : https://journals.openedition.org/qu...

[32] REVELLI Carlo, « Le cas d’AgoraVox, le média citoyen - Une politique éditoriale et un comité rédactionnel inédits », Legicom 2008/1 (N° 41), pages 73 à 76 : https://www.cairn.info/revue-legico...

[33] TREDAN Olivier, « Le « journalisme citoyen » en ligne : un public réifié ? », Hermès, La Revue, 2007/1 (n° 47), p. 115-122 : : https://www-cairn-info.ezpaarse.uni...

[34] FLICHY Patrice, Le Sacre de l’amateur - Sociologie des passions ordinaires à l’ère numérique, Seuil, La République des idées, 2010, 112 p.

[35] CHAMPAGNE Patrick, « À propos du champ journalistique - Dialogue avec Daniel Dayan », Questions de communication 2006/2 (n° 10), pages 197 à 210 : https://www.cairn.info/revue-questi...

[36] PELISSIER Nicolas, CHAUDY Serge, « Le journalisme participatif et citoyen sur Internet : un populisme dans l’air du temps ? », Quaderni, 70 | 2009, 89-102 : https://journals.openedition.org/qu...

[37] Michel MATHIEN, « "Tous journalistes" ! les professionnels de l’information face à un mythe des nouvelles technologies », Quaderni, 72 | 2010, 113-125.

[38] RUECKERT Phineas, « Pegasus : la nouvelle arme mondiale pour faire taire les journalistes », Fobieendstories.org, 18 juillet 2021 : https://forbiddenstories.org/fr/peg... et Reporters Sans Frontières, « Censure et surveillance des journalistes : un business sans scrupules », Rsf.org, 11 mars 2017 : https://rsf.org/fr/censure-et-surve...

[39] GIRAUD Guilhem, Confidences d’un agent du renseignement français, éditions Robert Laffont, 2022 (extraits : https://www.google.fr/books/edition... )

[40] Conseil de l’Europe, « Défendre la liberté de la presse en période de tension et de conflit », Rapport annuel des organisations partenaires de la Plateforme du Conseil de l’Europe pour renforcer la protection du journalisme et la sécurité des journalistes, 2022 : https://edoc.coe.int/fr/module/ec_a... et Alexandre Chatel, Silence, on surveille les journalistes. Ce que le logiciel espion Pegasus dévoile des dangers de la surveillance et des attaques en ligne des reporters, ou les enjeux d’une dépendance structurelle au numérique., Mémoire Master science poltique, dir. J.Valluy, 2023.

[41] PRIEST Dana, TIMBERG Craig, MEKHENNET Souad, « Private Israeli spyware used to hack cellphones of journalists, activists worldwide NSO Group’s Pegasus spyware, licensed to governments around the globe, can infect phones without a click - An investigation by a consortium of media organizations found Israeli firm NSO Group’s Pegasus spyware was used to hack smartphones of journalists and others. (Jon Gerberg/The Washington Post) » July 18, 2021 : https://www.washingtonpost.com/inve...

[42] The Washington Post, “Private Israeli Spyware used to hack cellphones of journalists, activists, worldwide”, The Washington Post, le 18 juillet 2021 : https://www.washingtonpost.com/inve... et Amnesty International, « Forensic Methodology Report : How to catch NSO Group’s Pegasus », Report, July 18, 2021 : https://www.amnesty.org/en/latest/r... et Reporters Sans Frontières, bilan « Des journalistes détenus, tués, otages et disparus dans le monde », 2022 : https://rsf.org/sites/default/files...

[43] VULSER Nicole "Amazon confronté à une déferlante de « faux livres » générés par intelligence artificielle ", Le Monde, le 12 déc. : https://www.lemonde.fr/economie/art...

[44] ERTZSCHEID Olivier, « Intelligence artificielle : « Nous sommes passés du rêve d’un Web sémantique à la réalité d’un Web synthétique », Le Monde, 7 octobre 2023 : https://www.lemonde.fr/idees/articl...

[45] PIQUARD Alexandre « Intelligence artificielle : OpenAI, le créateur de ChatGPT, annonce un accord inédit avec le groupe de médias Axel Springer » Le Monde, 13 décembre 2023 : https://www.lemonde.fr/economie/art...

[46] DREYFUS Louis, FENOGLIO Jérôme, "Intelligence artificielle : un accord de partenariat entre « Le Monde » et OpenAI", Le Monde, 13 mars 2024 : https://www.lemonde.fr/le-monde-et-...

[47] OUAKRAT Alan, « Négocier la dépendance ? Google, la presse et le droit voisin », Sur le journalisme - About journalism - Sobre jornalismo - Vol 9, n°1 – 2020 : https://revue.surlejournalisme.com/...

[48] SONNAC Nathalie, « La puissance des Gafam. Les transformations économiques de l’espace médiatique contemporain », Esprit, 2022/9 (Septembre), p. 37-52 : https://www.cairn.info/revue-esprit...

[49] DE TARLé Antoine, « Journaux et internet. Enjeu économique, enjeu démocratique », Études, 2014/3 (mars), p. 41-51, §8 : https://www.cairn.info/revue-etudes...

[50] « Microsoft investit 240 millions de dollars dans Facebook, valorisé à 15 milliards » - AFP, 25 octobre 2007 : https://archive.wikiwix.com/cache/i...

[51] GAUDRIC Paul, MAUGER Gérard et ZUNIGO Xavier, II. La presse à l’heure du numérique In : Lectures numériques : Une enquête sur les grands lecteurs. Paris : Éditions de la Bibliothèque publique d’information, 2016 : http://books.openedition.org/bibpom...

[52] BARBRY Éric, ATELLIAN Frédéric, « Droits d’auteur et droits voisins en matière musicale : panorama général », LEGICOM, 1997/1 (N° 13), p. 5-16 : https://www-cairn-info.ezpaarse.uni...

[53] M.G., « Accord Google : 60 M€ pour la transition numérique de la presse », Le Monde Informatique, 4 fev. 2013 : https://www.lemondeinformatique.fr/...

[54] ISRAEL Dan, « Google et la presse : la raison du plus fort. Comment les journaux français ont fondu face au géant américain », Revue du Crieur, 2015/1 (N° 1), p. 66-81 : https://www.cairn.info/revue-du-cri...

[55] SEIDEL Anne, « En Allemagne, les éditeurs défendent la lex Google », CUEJ.info, 6 fev. 2013 : https://www.cuej.info/web-en-contin...

[56] BOUTELET Cécile (Berlin, correspondance) et PIQUARD Alexandre « Droits d’auteur : en Allemagne, Google défie les éditeurs de presse », Le Monde, 26 juin 2013 : https://www.lemonde.fr/economie/art...

[57] LEBOIS Audrey, « Google et le droit voisin des éditeurs de presse », Recueil Dalloz, 2019 : https://hal.science/hal-02435507/document

[58] DE TAILLAC Mathieu, « La presse espagnole se bat contre Google depuis 2014 », Le Figaro, 24 oct. 2019 : https://www.lefigaro.fr/medias/la-p...

[59] GUISSART Élisabeth, « Directive 2019/790 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique : tour d’horizon », Pin Code, 2019/1 (N° 1), p. 13-17 : https://www-cairn-info.ezpaarse.uni... ; RICHIR Camille, FAURE Agnès, OLIVIER Arthur, « Qu’est-ce que la directive européenne sur le droit d’auteur ? », Toute l’Europe – Comprendre l’Europe, 6 juillet 2021 : https://www.touteleurope.eu/economi...

[60] COHEN Claudia, « Presse et Gafam : une proposition de loi a été déposée pour muscler la législation sur les droits voisins », Le Figaro, le 29 janv. 2024 : https://www.lefigaro.fr/medias/pres...

[61] BADOUARD Romain, Le désenchantement de l’internet, op.cit., p.27.

[62] Observations issues d’échanges avec des étudiants du Centre de Formation des Journalistes, en master de science politique.

[63] GOAR Matthieu, CHAPUIS Nicolas, « Présidentielle 2022 : faut-il se couper de Twitter, huis clos politique devenu hostile ? », Le Monde, 31 mars 2022 ; URL : https://www.lemonde.fr/politique/ar...

[64] PARKER Ashley, « Twitter’s Secret Handshake », The New York Times,‎ 12 juin 2011 : https://www.nytimes.com/2011/06/12/...

[65] GANI Muriel, « Outil 40. Les hashtags », dans : La boîte à outils Écrire pour le Web. sous la direction de GANI Muriel. Paris, Dunod, 2022, p. 132-133 : https://www-cairn-info.ezpaarse.uni...

[66] BRAILOVSKAIA Julia, Hans-Werner BIERHOFFB, Elke ROHMANN, Friederike RAEDER, Jürgen MARGRAF, « The relationship between narcissism, intensity of Facebook use, Facebook flow and Facebook addiction », Addictive Behaviors Reports, (pre-print) feb. 2020 : https://www.kli.psy.ruhr-uni-bochum...

[67] LE CAM Florence, Fábio Henrique PEREIRA, Denis RUELLAN, « Violences publiques envers les journalistes et les médias », Sur le journalisme, About journalism, Sobre jornalismo [En ligne, online], Vol 10, n°1 - 2021, 15 juin : https://revue.surlejournalisme.com/...

[68] Cision, « Journalistes et réseaux sociaux – Les grandes tendances. Etude menée auprès de 1787 journalistes en France, Allemagne, Finlande, États-Unis, Canada et au Royaume-Uni », Cision et Canterbury Christ Church University, 2017 : https://www.cision.fr/content/dam/c...