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Déterminants, caractéristiques et enjeux de la migration sénégalaise

Seydi Ababacar Dieng
Seydi Ababacar Dieng est enseignant-chercheur à la Faculté de Sciences économiques et de Gestion (FASEG) de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar – Sénégal. Il est également chercheur invité au Laboratoire d’Economie de la Firme et des Institutions (LEFI) de l’Université Lumière Lyon 2 – France. Il travaille sur des thèmes relatifs à la problématique du (...)

citation

Seydi Ababacar Dieng, "Déterminants, caractéristiques et enjeux de la migration sénégalaise ", REVUE Asylon(s), N°3, mars 2008

ISBN : 979-10-95908-07-4 9791095908074, Migrations et Sénégal., url de référence: http://www.reseau-terra.eu/article709.html

résumé

Cet article, qui s’appuie essentiellement sur des enquêtes de terrain, propose une analyse des mobiles, des traits caractéristiques et des enjeux – en particulier socio-économiques et financiers – de la migration. Les résultats révèlent, entre autres, la prépondérance des jeunes – majoritairement sans qualification – dans la population migrante. La situation économique défavorable demeure la principale motivation de la migration. Les transferts monétaires des migrants permettent à leur famille d’avoir un niveau de vie relativement correct et contribuent ainsi au maintien de la paix sociale. La migration offre aussi des opportunités de développement économique pour le Sénégal.

Introduction

Il y a migration internationale lorsqu’une personne ou un groupe de personnes quitte son pays d’origine pour s’établir de manière temporaire ou définitive dans un autre pays. La principale difficulté pour mesurer les flux migratoires réside dans l’interprétation des qualificatifs « temporaire » et « définitive ». C’est sur cette difficulté de distinguer ces deux qualificatifs que repose l’opposition sémantique entre les termes immigré et migrant pour qualifier le statut migratoire. Être migrant fait référence à une migration en cours et par conséquent temporaire alors que l’immigré est celui qui a plutôt tendance à s’installer de manière plus ou moins définitive.

La migration est un phénomène universel que l’on retrouve partout et en tout temps avec une intensité variable. Rares sont les populations et les territoires qui n’ont pas été le théâtre de flux migratoires [1]. La migration constitue actuellement une des problématiques majeures de l’économie mondiale. Elle demeure au cœur des débats de politique économique et sociale tant dans les pays de départ que dans les pays d’accueil. En effet, la nature et l’importance des flux migratoires ont un impact différent mais significatif sur les économies des pays concernées. Le phénomène migratoire est donc très complexe et revêt divers aspects économiques, politiques, culturels et sociaux. Il a certes des conséquences économiques mais aussi des implications sociales et culturelles durables tant sur les pays d’accueil que sur les pays d’origine – tensions et coûts sociaux.

Les économistes se sont davantage préoccupés des causes et conséquences de la migration pour les pays d’accueil, caractérisés par un niveau de développement élevé. Les études consacrées aux pays de départ – souvent caractérisés par des taux de chômage et de pauvreté relativement importants – abordent généralement un des multiples aspects de la migration, à savoir les transferts des migrants vers leur pays d’origine.

L’objectif de ce papier est de proposer une analyse sur tous les plans, en particulier, économique, et socioculturel de la migration sénégalaise. Elle s’efforce ainsi d’apporter des éléments de réponses aux interrogations suivantes : quels sont les traits caractéristiques de la migration sénégalaise ? Quels sont les enjeux de cette migration pour les populations et l’économie sénégalaise ?

Cette contribution s’appuie sur différentes enquêtes de terrain que nous avons menées au cours de ces dernières années. Il s’agit d’entretiens de recherche et de questionnaires réalisés au cours de notre travail de recherche doctorale (1998-1999) et de questionnaires récents (2005 et 2007). Nous avons aussi utilisé les statistiques de la Banque mondiale et de la Banque de France ainsi que les études existantes sur les migrants sénégalais.

Ce papier s’articule autour de deux parties. La première partie explicitera les traits caractéristiques des migrants sénégalais. La seconde partie mettra en exergue les enjeux de la migration pour les migrants et leur pays d’origine, le Sénégal.

1. Les traits caractéristiques des migrants sénégalais

Pour caractériser la migration sénégalaise, nous nous intéresserons essentiellement aux raisons qui poussent les Sénégalais à migrer mais aussi à présenter le profil des migrants – qui sont-ils ? Et que font-ils ? Après un bref exposé des mobiles théoriques de la migration (1.1), nous aborderons successivement l’analyse des motivations des migrants sénégalais (1.2) et leur profil (1.3).

1.1 Les mobiles théoriques de la migration

La plupart des modèles explicatifs de la migration – tant nationale qu’internationale - font du différentiel de rémunération la motivation originelle de toute migration. Ces modèles mettent en exergue le rôle des incitations économiques dans la décision de migrer. La migration se caractérise par une diversité de natures et de degrés d’intensité. Les facteurs d’intensité de la migration, c’est-à-dire l’ensemble des éléments susceptibles d’accentuer ou d’atténuer la pression migratoire, sont divers et variés. G.-F. Dumont (1995 : 128-142) en distingue six : la perméabilité des frontières, les choix politiques, les facteurs économiques, l’évolution des transports, les données démographiques et les évolutions géopolitiques. Parmi cet ensemble de facteurs, seuls les éléments économiques nous intéressent ici.

Au niveau national, le développement économique s’accompagne toujours de migrations internes d’actifs qui se font dans la plupart des cas de la campagne vers les villes. Les départs étaient motivés selon les théoriciens par des facteurs strictement économiques. M. P. Todaro (1996 : 138-148), ayant admis la distinction des facteurs d’attraction et des facteurs de répulsion, considère l’exode rural comme le résultat d’une évolution économique favorable en ville ou d’une situation défavorable à la campagne.

Au niveau international, les différences entre les économies et ainsi que leurs divergences de dynamiques sont un facteur essentiel de migration. En effet, lorsqu’un pays n’offre aucune perspective de développement favorable, et ce quelles que soient les raisons – rigidités économiques, mauvais état ou étroitesse des marchés, mauvaise politique économique –, la propension des personnes à émigrer devient très forte. C’est le cas de plusieurs pays en développement dont leur économie tend à s’installer dans un état pathologique durable.

L’analyse néoclassique propose de considérer la migration comme une réponse aux inégalités de salaires existant au sein et entre les espaces économiques nationaux. Ainsi, la mobilité des travailleurs se fonde, selon les néoclassiques, sur l’écart des taux de salaires [2]. Les travailleurs se déplacent des pays à taux de salaires faibles vers ceux où les taux de salaire sont plus élevés. Cette mobilité des travailleurs conduit non seulement à une utilisation plus productive du facteur travail c’est-à-dire une allocation optimale de ce facteur mais et surtout elle contribue à l’égalisation des taux de salaires [3]. Cette égalisation des rémunérations s’opère au travers de variations inverses dans les deux pays des productivités originelles et donc des salaires.

Cette analyse semble largement admise en matière d’analyse des causes de la migration internationale. Cependant, elle souffre d’insuffisances patentes, en raison des hypothèses sur lesquelles elle se fonde, et prête à une série de critiques. En particulier, les inégalités économiques ou les différences de richesses entre les pays ne suffisent absolument pas à expliquer les migrations. En effet, des facteurs autres que la dégradation des conditions de vie – sécheresse et famine – poussent les hommes à migrer, en particulier les guerres civiles, la violence et l’insécurité [4].

Les analyses keynésienne et marxiste considèrent le chômage comme une variable essentielle et déterminante de la migration internationale. Cependant, les explications fournies par ces deux analyses sont très différentes.

Le chômage ou la pénurie de la demande de travail et l’écart des revenus sont, chez les keynésiens, les facteurs explicatifs de la migration internationale de la main-d’œuvre [5]. La quête d’un emploi par les chômeurs ne se limite pas à leur espace national. La main-d’œuvre dépourvue de travail est prête à émigrer si elle espère obtenir un emploi à l’étranger. La faiblesse des revenus constitue aussi un puissant facteur d’émigration. Cette analyse suppose implicitement que les mouvements de main-d’œuvre s’effectuent dans un sens unique, des pays dits pauvres vers les pays dits riches ; ce qui est contraire à la réalité. Les statistiques des migrations internationales révèlent l’existence de flux symétriques même si l’intensité de ces mouvements diffère selon le niveau de développement des pays.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’immense majorité des études, qu’elles se fondent sur la théorie néoclassique de l’égalisation des rémunérations des facteurs ou sur celle keynésienne d’écarts de revenus ou d’emplois offerts, ont privilégié l’optique push and pull, facteurs attractifs dans le pays hôte et facteurs répulsifs dans le pays de départ, pour expliquer les phénomènes migratoires.

R.-E. Verhaeren (1990) a proposé une théorie des migrations internationales qui, tout en intégrant les apports de la recherche économique et d’autres disciplines sur la question, se fonde sur l’œuvre de Marx. Il puise dans l’appareil conceptuel marxiste certains concepts tels que l’accumulation primitive, la surpopulation relative pour étayer sa théorie. Chacun de ces concepts a constitué un instrument de compréhension d’une ou de plusieurs des facettes du phénomène migratoire. Il aboutit à deux principaux résultats :

- L’emploi de la main-d’œuvre immigrée constitue pour les capitalistes une opportunité d’accroître le taux d’exploitation de l’ensemble de la force de travail notamment à travers un affaissement de la structure salariale globale, une précarisation des conditions d’emploi [6].

- La force de travail étrangère joue un rôle régulateur vis-à-vis de la conjoncture économique, et vis-à-vis des cycles saisonniers de l’activité. Elle permet d’augmenter la disponibilité de la main-d’œuvre en période d’expansion du capitalisme et d’amortir les effets de la crise sur l’emploi en période de ralentissement conjoncturel ou lors des redéploiements du capital – restructurations ou réaménagements de l’appareil productif.

Ces résultats corroborent ceux établis par C. Mercier (1977) qui considérait l’immigration comme une solution à la rareté tendancielle de main-d’œuvre non qualifiée dans les pays capitalistes développés lors des périodes de croissance extensive. Le manque structurel et permanent de forces de travail non qualifiées pendant les phases d’expansion forte constituant un blocage de l’accumulation du capital, l’immigration contribue ainsi à rétablir la rentabilité du capital.

Aussi, il importe de prendre en considération les qualités intrinsèques du migrant potentiel et ses facultés d’adaptation au cas où il trouverait un emploi ne correspondant pas à sa formation. P. Aydalot (1980) introduit ainsi la technologie [7] comme une variable explicative des comportements migratoires qui peut constituer un frein à la migration.

Dès lors, les distances géographique, socioculturelle, économique et technologique sont autant d’éléments qui peuvent limiter les migrations. En revanche, l’essor continu et irréversible des télécommunications et de l’information exerce théoriquement un effet favorable aux déplacements en élargissant le champ des migrations et en accroissant la mobilité globale des personnes.

Ce bref tour d’horizon des différents modèles économiques explicatifs de la migration montre l’énormité des difficultés à saisir la diversité et la complexité des phénomènes migratoires, très variables selon les espaces géographiques, les époques et les populations. Par ailleurs, nous avons remarqué une certaine parenté entre les différentes analyses – économiques et non strictement économiques – de la migration en ce sens qu’elles fondent – de manière implicite ou explicite – la décision migratoire sur l’arbitrage rationnel entre coûts et avantages (Dieng, 2000). Ce constat révèle l’influence et la prééminence du modèle néo-classique sur les autres analyses explicatives de la migration.

Les mobiles évoqués par les migrants sénégalais pour justifier leur migration doivent être étudiés même si, dans la plupart du temps, ils confortent les analyses théoriques.

1.2 Les motivations des migrants sénégalais [8]

Les motivations qui ont animé les personnes à migrer correspondent presque toujours aux causes même de l’émigration [9]. Or, celles-ci résultent quasi exclusivement de la situation socio-économique et financière des pays d’origine. L’aventure, l’envie de connaître autre chose ont aussi souvent été évoquées par nos informateurs.

L’émigration est une question de survie car pour Abdou émigrer, « c’est quitter un endroit où on ne peut pas satisfaire ses besoins pour aller dans un autre où cela est possible ». L’avantage de migrer réside, nous explique Fodé, dans le fait que « les immigrés arrivent au moins à vivre parce qu’en restant au Sénégal, on ne gagne pratiquement rien. Il n’y a plus d’espoir ».

Le manque d’infrastructures économiques et sociales a poussé nombre de sénégalais et de maliens à aller dans les pays riches où ils espèrent trouver du travail. Plusieurs des migrants interrogés affirment tous avoir envie de réussir leur vie, l’objectif étant pour nombre d’entre eux de pouvoir entretenir leur famille restée au pays et d’aider le plus possible de parents qui en ont besoin. Par ailleurs, certaines personnes ayant un emploi salarié stable parfois très qualifié, ont préféré arrêter leur travail pour émigrer. Elles évoquent encore l’aventure comme argument justificatif de leur acte.

Djiby était agent commercial technico-agricole à Dakar. Il affirme avoir eu « un peu soif d’aventure et particulièrement la curiosité d’approfondir surtout mes connaissances, ce qui m’a poussé d’une part à arrêter cette activité professionnelle pour venir en France ». Deux autres migrants se trouvent dans la même situation. L’un sénégalais Ousmane, était employé dans une société qui s’occupait d’agro-alimentaire et du bâtiment dans l’espace sous-régional ouest-africain. L’autre, malien, était électricien à Bamako. La raison avancée peut à première vue sembler idéaliste mais la réalité est tout autre. En effet, la raison profonde est d’ordre financière.

Derrière le mot « aventure » se cache la véritable motivation, sous-jacente, à savoir la recherche de moyens financiers suffisants pour réaliser leurs propres désirs. Ces personnes étaient des soutiens de familles. Elles ne pouvaient pas satisfaire leurs besoins propres à partir de leurs revenus – composé essentiellement voire exclusivement de salaires – à cause de la solidarité familiale. Par exemple, au Sénégal, on trouve facilement plus d’une dizaine de personnes dans une maison dont une ou deux personnes seulement travaillent et souvent pour des salaires modestes. Celles-ci assument alors généralement toutes les charges financières du ménage. Elles sont donc contraintes à limiter leurs désirs et à différer, malheureusement de manière souvent persistante, la réalisation de leurs projets. La contrainte budgétaire est pour ainsi dire un facteur de blocage pour ces derniers. Il sera plus facile, pensent-ils, d’aller dans un pays développé où le pouvoir d’achat est beaucoup plus élevé et l’épargne plus facile à constituer.

Ainsi, nous confie un de nos interviewés, « c’est plus facile pour moi de réaliser mes projets dans un pays européen que dans un pays africain ». L’idée implicite qui en découle est qu’il considère, comme bien d’autres personnes d’ailleurs, que la famille est synonyme de parasites, de « prédatrice financière ». A cet égard, l’immigration constitue pour certains un moyen de diminuer progressivement – voire de faire disparaître – la pression familiale.

En définitive, nous pensons qu’il existe trois types de motivations à l’émigration des sénégalais (Dieng, 1998 : 104).

L’aventure, certaines personnes avaient envie de découvrir la culture occidentale, par curiosité ou par aspiration profonde. L’image magnifique que les populations africaines reçoivent de l’Occident en général, à travers les médias, les a beaucoup influencés. « La vision qu’on a de l’Europe, estime Ousmane, est vraiment une vision fantastique. C’est-à-dire qu’on nous montre que les points roses, que ce soit à travers la télévision, le cinéma, les journaux. On ne voit que du bien.... donc c’est ce qui nous pousse vraiment à s’émigrer ».

La survie économique ou la satisfaction des besoins vitaux. Des chômeurs sans revenu et souvent sans espoir de retrouver une situation stable et correcte dans leur pays ont préféré migrer vers les pays développés où ils espèrent trouver un travail.

La survie financière ou la recherche de l’autonomie financière suffisante pour être à même de pouvoir réaliser des projets. Il s’agit de migrants qui avaient délaissé leur travail à cause d’insuffisance de leur revenu salarial. Celui-ci ne leur permettait pas simultanément d’assurer l’aide familiale et de subvenir à leurs propres besoins.

Il y a aussi un effet d’entraînement dû aux retours réussis de certains immigrés qui vivent dans de très bonnes conditions. Ils se font une bonne image sociale dans leur entourage. Cette situation incite beaucoup de gens à s’expatrier puisqu’ils constatent, comme Boubacar, que l’immigré a réalisé beaucoup de choses : « il est parti, il est revenu, il a tout, maison, voiture, bref disons qu’il a des sous grosso modo ». Cette motivation n’est jamais explicitée par les immigrés que nous avons rencontrés mais elle n’apparaît souvent qu’implicitement dans leurs discours. Ainsi, Abdou se dit influencé par son père qui a réussi sa vie en France ; « il a subvenu aux besoins de sa famille et a réalisé beaucoup de choses  », poursuit-il. Un autre s’était inspiré de son frère migrant qui lui a donné une envie de s’expatrier. Il affirme avoir « une motivation en fonction de ce que son frère a amené (argent, matériels), de ce qu’il est devenu (nouveau statut social), ainsi de suite… ».

Pour ce qui concerne les raisons du choix du pays d’accueil, la proximité linguistique a été le facteur le plus déterminant. Les personnes étaient très sensibles aux territoires des ex-colonisateurs. L’itinéraire de migrants proches, parents ou voisins, influe aussi sur le choix de la destination des candidats au départ. « C’est par référence à nos parents, par coutume, que je suis venu en France », nous précise un migrant.

Les motivations profondes initiales de l’émigration déterminent en grande partie le comportement financier des migrants. En effet, le migrant qui a quitté son pays à la quête d’un travail pour satisfaire des besoins précis – réaliser un projet, entretenir sa famille – ne se comporte pas de la même manière qu’un autre motivé par l’aventure, l’envie de découvrir autre chose. Ce dernier est beaucoup moins sensible aux sollicitations familiales et se préoccupe d’abord de réaliser ses propres projets. Aussi, la connaissance du profil des migrants est cruciale car elle permet de mieux comprendre les enjeux de la migration.

1.3 Le profil des migrants sénégalais

Cette section s’appuie sur les résultats d’une enquête par questionnaires réalisée entre septembre et décembre 2007 dans la région de Dakar, capitale du Sénégal. Cette enquête, qui a comme population de référence les ménages ayant au moins un membre de leur famille émigré, comporte trente six questions (Serageldin, Lee-Chuvala et Guerra, 2007).

L’exploitation des données de l’enquête révèle que 88 % des migrants sont des hommes et 12 % des femmes. L’âge des migrants est compris entre 18 ans et 69 ans, avec une moyenne de 36 ans et demi. L’âge médian est de 35 ans. Plus de la moitié des migrants appartiennent à la classe d’âge 26 – 40 ans. Le tableau 1 ci-dessous donne la répartition des migrants selon leur religion. Les migrants musulmans représentent 96,4 % contre 3,6 % de chrétiens. Cette répartition est assez proche de celle de la population sénégalaise dans son ensemble.

Tableau 1 : Religion des migrants

Religion Nombre de citation Fréquence

(en %)

Christianisme 8 3,6
Islam 212 96,4
Total 220 100

La composition ethnique de l’échantillon est assez diversifiée ; presque toutes les ethnies y sont représentées avec cependant une prédominance des Wolof, qui constituent près de la moitié des personnes interrogées (48,6 %) [10].

Le tableau 2 montre que les migrants occupent essentiellement des emplois moins qualifiés et subalternes dans les secteurs industriel (39 %) et tertiaire (43 %). L’agriculture attire très peu de migrants (1 %) car ce secteur, contrairement aux autres, offre généralement des emplois saisonniers. Les migrants qui fréquentent l’enseignement supérieur sont peu nombreux (4 %) : ils sont souvent étudiants-travailleurs, ce qui leur permet de couvrir leurs frais de scolarité et de subvenir à leurs divers besoins. Les professions de cadres et cadres supérieurs, regroupés ici sous le vocable d’emploi qualifié, sont exercés par 13 % des migrants, témoignant ainsi l’importance relative du phénomène de la « fuite des cerveaux ». Ces résultats corroborent ceux obtenus en 2006 (Dieng, 2006).

Tableau 2 : Profession des migrants

Profession Nombre de citation Fréquence

(en %)

Agriculture 2 1
Industrie 62 39
Services 68 43
Emploi qualifié 20 13
Etudiant 6 4
Total 158 100

Les moyens de transport les plus utilisés par les sénégalais pour émigrer sont l’avion (89 %) et la pirogue (6,6%). La quasi-totalité des émigrés sénégalais, soit environ 95,7 %, ont choisi ces deux modes de transport. Les candidats à l’émigration ayant emprunté les modes de transport autres que l’avion sont, pour leur très grande majorité, voire tous, des clandestins.

Tableau 3 : Mode de transport utilisé pour migrer

Moyen de transport Nombre de citation Fréquence

(en %)

Avion 188 89
Pirogue 14 6,6
Train/route/bateau 9 4,4
Total 211 100

Le choix des pays d’accueil par les migrants prend en compte des caractéristiques, en particulier comme la distance culturelle et la distance linguistique. On devrait théoriquement s’attendre à ce que la France soit le premier pays de destination des migrants sénégalais.

Mais c’est l’Italie qui est la première terre d’accueil des migrants sénégalais (39,3 %), suivie de la France (21,4 %). L’Italie offre plus de possibilités en termes d’emplois en particulier dans le secteur tertiaire – le commerce – et dans l’industrie, pourvoyeuse de main-d’œuvre faiblement qualifiée. Les pays d’Afrique ont reçu 8,2 % des migrants sénégalais dont 3,2 % ont choisi le Gabon comme terre d’accueil. Les migrants sénégalais installés en Espagne (16,4 %) sont deux fois plus nombreux que ceux qui ont préféré le continent africain comme destination. Le tableau 4 donne la répartition en termes absolus et relatifs des migrants sénégalais selon leur pays d’accueil.

Tableau 4 : Pays d’accueil des migrants sénégalais

Pays d’accueil Nombre de citation Fréquence

(en %)

Italie 86 39,3
France 47 21,4
Espagne 36 16,4
Etats-Unis 26 11,9
Gabon 7 3,2
Portugal 5 2,3
Autres 12 5,5
Total 219 100

Toute migration comporte des coûts de nature différente. Le coût économique est étroitement lié à la distance géographique car tout déplacement requiert des frais de transport, des dépenses de réinstallation. Le coût sociologique correspond aux efforts psychologiques que doit fournir le migrant quittant ses proches, efforts d’autant plus difficiles que la distance culturelle entre les espaces de départ et d’accueil est importante. Le coût du voyage est très élevé, voire parfois très exorbitant car nombreux sont les candidats à l’émigration qui sollicitent des intermédiaires ou « passeurs » pour obtenir un visa européen ou américain. Ainsi, le coût moyen d’un voyage – visa et billet – s’établit en moyenne à 1 458 389 francs CFA. Le coût du voyage le plus onéreux s’élève à 4,5 millions de francs CFA. Quant aux migrants ayant voyagé par pirogue, ils ont déboursé en moyenne 563 636 francs CFA. Le tableau suivant présente, sous forme d’intervalles, le montant du coût du voyage des migrants sénégalais.

Tableau 5 : Montant en francs CFA du coût du voyage des migrants sénégalais

Coût du voyage Nombre de citation Fréquence

(en %)

Moins de 500 000 60 36,8
[500 000 – 1 000 000[ 26 15,9
[1 000 000 – 2 000 000] 34 20,9
Plus de 2 000 000 43 26,4
Total 163 100

Trois migrants sur quatre ont répondu à la question relative au coût de leur voyage à l’étranger. Parmi ces derniers, 52,7 % ont dépensé moins d’un million de francs CFA pour émigrer tandis que près de 26 % ont payé plus de deux millions de francs CFA pour pouvoir se rendre aux Etats-Unis ou en Europe. L’énormité des fonds mobilisés ainsi que les risques – parfois inconsidérés (recours à la pirogue comme moyen de transport pour aller en Europe) – pris par les candidats à l’émigration révèle en même temps l’importance des enjeux de la migration.

2. Les enjeux de la migration

La migration comporte naturellement des avantages et des inconvénients qu’il importe de bien expliciter. Les enjeux économiques et financiers (2.1) sont généralement les plus étudiés par les auteurs, en particulier les économistes. Cependant, les enjeux sociaux (2.2) et les enjeux politiques et culturels (2.3) sont au moins aussi importants que les premiers.

2.1 Les enjeux économiques et financiers

L’appréciation des conséquences – positives et négatives – sur les plans économique et financier de la migration pour le Sénégal peut se faire en considérant les migrants et leur famille, d’une part, et la collectivité nationale, d’autre part.

L’impact positif de la migration réside de prime abord dans les opportunités de développement offertes au Sénégal. Dans les pays d’accueil, la plupart des migrants sénégalais font partie de structures collectives – associations de nature et d’objectifs divers et tontines. Cependant, seules les associations de développement local réalisent ou participent financièrement à la réalisation des infrastructures publiques au Sénégal. Ces associations jouent à la fois un rôle économique – les infrastructures sanitaires et éducatives ont un impact certain sur la croissance économique à moyen et long terme – et financier – apport de fonds nécessaires à la réalisation de ces infrastructures.

La migration permet aussi de résoudre l’équation du chômage massif que connaissent les jeunes sénégalais, conséquence d’une surpopulation relative par rapport aux possibilités économiques réelles du pays. L’émigration de ces derniers constitue l’une des solutions à la faiblesse des revenus salariaux et à la rareté tendancielle de l’emploi dans le pays. Elle pallie – même de manière temporaire – le manque structurel de gisements d’emplois crédibles et permanents pendant les phases d’expansion – comme c’est le cas actuellement. La migration contribue ainsi à palier une croissance économique sénégalaise instable [11] et surtout très peu créatrice d’emplois.

Les flux de revenus générés par la migration permettent aux migrants, par le biais des transferts monétaires, d’assurer l’entretien de leur famille et d’apporter une assistance financière à des parents proches. La satisfaction des besoins de la famille demeure une préoccupation primordiale pour les migrants dans la mesure où nombre d’entre eux avaient bénéficié d’une aide financière et morale de la part de leurs parents.

La rareté des emplois salariés stables et bien rémunérés montre à quel point les transferts monétaires des migrants sont importants pour les familles bénéficiaires, ceux-ci pouvant représenter entre 30 % et 80 % du budget des familles restées sur place (Condé et Diagne éd. 1986 : 118). Les transferts d’argent permettent donc de parer aux difficultés économiques et financières d’une partie de plus en plus croissante de la population sénégalaise. Qui plus est, ils renforcent la demande solvable interne, un des moteurs de la croissance économique. Les récents résultats d’enquête révèlent que 78,4 % des migrants sénégalais envoient mensuellement et en moyenne 162 435 FCFA. Ces derniers utilisent à 90,9 % les réseaux de transferts formels tels Western Union, Money Gram et la Poste. Ces transferts effectués par les migrants en faveur de leurs parents, ou lors de leur retour définitif au Sénégal, sont certes conséquents mais très difficilement quantifiables au niveau macroéconomique.

Les estimations des flux monétaires à partir de la balance des paiements, tant des pays de départ que des pays d’accueil, témoignent de leur importance. Ces transferts pèsent fortement dans la balance des paiements des pays de départ, leur poids pouvant dépasser le montant total du solde des transactions courantes – c’est le cas pour les années 2001 et 2004 (voir tableau 6 ci-joint). Le poids relatif des transferts par rapport au solde des paiements courants se caractérise par une forte volatilité d’une année sur l’autre. Cette volatilité s’explique à la fois par la variabilité des fonds envoyés et surtout par l’instabilité accrue de l’activité économique du Sénégal. Nous avons construit et regroupé, dans le tableau suivant, les indicateurs dits de transferts. Les calculs s’appuient sur les données disponibles relatives à l’ensemble des transferts des migrants sénégalais, quel que soit leur pays d’accueil, et aux données macroéconomiques du Sénégal sur les cinq dernières années, c’est-à-dire la période 2000-2004.

Tableau 6 : Quelques indicateurs de transferts

Année Transferts des migrants* Transferts/Solde de la balance commerciale Transferts/Solde des comptes courants Transferts/

Crédit à l’économie

Transferts/Epargne intérieure brute
2000 131 44,15 55,37 20,96 37,36
2001 190,8 61,19 106,00 29,11 59,80
2002 191,1 51,03 86,55 27,84 106,38
2003 239,3 50,93 94,32 30,50 77,27
2004 275 52,77 101,44 32,09 67,95

*En milliards de FCFA, conversion à partir du taux de change euro/dollar (voir annexe).

Tous les calculs d’indicateurs sont faits par nous (voir annexe pour les données de base sur lesquelles reposent ces calculs).

Nous avons calculé le « coefficient de dépendance migratoire » qui exprime, pour le pays d’origine, le rapport entre les transferts effectués par les forces de travail migrantes et la valeur absolue du déficit de la balance commerciale. La balance commerciale sénégalaise est déficitaire sur toute la période 2000-2004 avec un montant du déficit de plus en plus élevé. Le coefficient de dépendance calculé sur la période étudiée est relativement important et se stabilise en moyenne autour de 52 %. Il a toutefois tendance à s’accroître graduellement au cours du temps. Pour l’année 2001, les envois de fonds des migrants sénégalais ont couvert plus de 61 % du déficit commercial.

Nous constatons que les transferts des migrants ne permettent pas de rééquilibrer la balance commerciale mais ont plutôt tendance à rééquilibrer la balance des paiements courants. Le Sénégal se trouve dans une situation de dépendance relative. Cela signifie que la « production et l’exportation » de forces de travail génère un gain certain mais de moitié inférieur à la production et à l’exportation de biens et services. Cela peut logiquement pousser le pays à favoriser l’expatriation de ses travailleurs de sorte à en tirer le maximum de profit financier.

Le rôle des transferts des migrants dans l’équilibre de la balance des paiements peut ainsi inciter certains pays d’émigration à retarder la nécessaire mise en place d’une politique adéquate de plein-emploi. Actuellement, les politiques de limitation des flux d’immigration menées par les pays d’accueil – conduisant à un tarissement progressif d’une des principales sources de revenus des pays d’émigration – va vraisemblablement les y contraindre.

L’importance des transferts financiers pour les pays d’origine peut aussi s’apprécier au travers d’autres indicateurs tels que les rapports (ou ratios) transferts sur épargne intérieure brute et transferts sur crédit à l’économie (cf. tableau 6 ci-dessus). Sur la période étudiée, le ratio transferts sur épargne intérieure brute est très élevé puisqu’il varie entre 37 % et 106 %. Ce rapport est très fluctuant mais il tourne autour de 70 % en moyenne sur la période spécifiée. Le montant des transferts excède celui de l’épargne intérieure brute en 2002, qui demeure une année est très exceptionnelle.

Les transferts financiers des migrants étant généralement affectés à des dépenses de consommation courante [12] ou, dans une moindre mesure, au financement d’exploitation de projets déjà réalisés dans le pays d’origine, il est non moins intéressant de comparer ces transferts aux crédits à l’économie dont la finalité est justement de satisfaire les besoins de consommation courante des particuliers et de financement des entreprises. Sur la période étudiée, le poids relatif des transferts par rapport aux crédits à l’économie est volatile et se situe entre environ 21 % et 32 %. Ce pourcentage a tendance à s’accroître dans le temps à partir de 2002.

Ces deux derniers ratios indiquent l’importance du rôle financier des transferts des migrants. Une partie significative de ces transferts pourrait être mobilisée pour appuyer le financement des petites et moyennes entreprises. La mise en place de conditions incitatives adéquates devrait permettre une utilisation beaucoup plus efficiente des transferts des migrants (Goirand et Chatterji, 2007).

Quant aux effets néfastes, la « fuite des cerveaux » (brain drain) [13] et la dépendance de certaines familles aux transferts monétaires nous semblent particulièrement intéressantes. Dans un contexte économique de plus en plus difficile, la dépendance aux transferts et donc à la migration est devenue structurelle pour nombre de familles de migrants [14]. Bien qu’étant un instrument de lutte contre la paupérisation des populations des localités d’origine, les transferts n’échappent pas à une utilisation improductive puisque des logiques de consommation ostentatoire ont de plus en plus envahi certaines familles bénéficiaires de ces transferts. Les transferts ont aussi des implications au niveau de la société sénégalaise.

2.2 Les enjeux sociaux

Au Sénégal, comme presque partout en Afrique, les gens sont, en général, constamment en famille. Le mode de vie est complètement différent de celui des pays développés, principales terres d’accueil des migrants sénégalais. La primauté du groupe sur la personne est très souvent de règle. Or, la migration est synonyme d’éclatement et de multipolarisation de la famille. Ainsi, l’éloignement avec la famille n’est pas une chose simple à vivre ; il génère des effets néfastes sur la cohésion de certaines familles de migrants. La permanence du contact avec la famille, les envois d’argent et les dons en nature ainsi que les échanges réguliers de nouvelles ne font qu’atténuer ces conséquences négatives. Les inconvénients de la migration peuvent être compensés, au moins en partie, par les avantages qu’elle engendre tant pour les familles de migrants que pour le pays d’origine.

L’état relativement satisfaisant des indicateurs macroéconomiques du Sénégal – réduction sensible des déséquilibres financiers courants ainsi qu’une maîtrise des taux d’inflation qui se sont stabilisés – masque de grandes disparités entre zones rurales et zones urbaines et entre les personnes. La croissance économique ne profite en réalité qu’à une frange de plus en plus restreinte de la population. Elle tend plutôt à accroître les inégalités économiques et sociales. La croissance économique ne peut donc suffire à éradiquer la pauvreté.

La hausse substantielle du chômage combinée avec la faiblesse relative des dépenses sociales et l’absence de système public de protection sociale [15] n’ont fait qu’aggraver la pauvreté. Ainsi, la majeure partie de la population sénégalaise connaît de grandes difficultés financières et ne parvient donc pas à satisfaire les besoins élémentaires essentiels. Ces difficultés financières conduisent inéluctablement à des difficultés économiques et sociales puisque, comme dans toute économie « monétarisée », l’argent régit les relations et les activités sociales. Ce rôle crucial de l’argent s’explique par une « marchéisation » de plus en plus accrue des activités et services traditionnellement non marchands. Par exemple, aujourd’hui la solidarité reste un vain mot si elle n’est pas effective c’est-à-dire si elle ne se traduit pas par une action concrète. Or, pour réaliser une action concrète il faut des moyens financiers et par conséquent l’argent demeure incontournable.

Ainsi, dans ce contexte de « marchéisation » croissante des activités humaines la vraie solidarité, celle qui est effective, requiert donc de l’argent. En s’inscrivant dans cette perspective d’analyse, les liens financiers unilatéraux qu’engendrent les transferts d’argent ne créent pas des liens sociaux mais ils permettent plutôt aux migrants de consolider et de densifier leurs réseaux de relations familiales et sociales existantes. Les transferts monétaires peuvent s’interpréter comme une stratégie sociale permanente de mise en dépendance et de dette. Les transferts sont considérés comme des créances si le migrant n’avait reçu aucune aide de la part des destinataires lors de son départ du pays d’origine et comme un remboursement de dette dans le cas contraire.

La spécificité de cette analyse réside dans le fait que l’aide financière reçue par le migrant tout comme les transferts qu’il effectue ne s’apprécient pas en termes monétaires, même si l’on peut parfaitement connaître les montants de l’aide financière et des transferts. A l’instar des échanges marchands, la monnaie joue ici un rôle neutre car il facilite les échanges sociaux – entretien et élargissement des liens sociaux. Pour autant, la monnaie est ici, contrairement à l’idée walrasienne de neutralité, désirée pour elle-même puisque, comme évoqué ci-dessus, elle est au cœur des relations sociales.

Les transferts monétaires peuvent aussi s’analyser comme la contrepartie du manque à gagner engendré par l’absence des migrants aux champs. Ainsi, « l’absence de grains en période de soudure est due à l’absence des jeunes en période de culture » (Quiminal, 1991 : 127). Cette absence les rend responsables de tous les maux du village – amendes pour routes non entretenues, feux de brousse tardivement éteints, insubordination des cadets à l’égard de leurs aînés (Quiminal, 1991 : 131). Les envois d’argent des migrants constituent pour les villageois le seul remède à tout cela.

Dans cette perspective, les transferts monétaires constituent une dette-devoir, une compensation. « Le devoir est dette quand il est obligation non de faire, ni même de donner, mais de rendre. Il y a dette quand la tâche ou la dépense ou le sacrifice que le devoir exige est présenté, pensé comme une restitution, un retour, une compensation » (Malamoud, 1988 : 9). Les transferts monétaires en tant que dette [16] sont un organisateur de la vie sociale villageoise en ce sens qu’ils permettent le tissage de réseau de liens sociaux. Ces transferts monétaires recèlent des enjeux, en particulier, sur le plan politique [17] – dans le sens de l’organisation et de la gestion des localités d’origine.

2.3 Les enjeux politiques et culturels

La migration, en tant que médiation entre deux espaces, constitue un moyen privilégié d’échange de biens et surtout de valeurs culturelles – modes de vie et d’organisation sociale. Ces échanges, appelés transferts culturels par C. Daum (1993), ne sont pas toujours considérés comme positifs bien qu’ayant souvent une influence positive déterminante dans la vie des populations des pays d’origine. Nous pensons en particulier aux différents savoir-faire acquis au cours de l’expérience migratoire et à la nouvelle conception du rôle et de l’importance de la prévention sanitaire et de l’éducation scolaire. Les multiples réalisations d’infrastructures scolaires et sanitaires en sont une parfaite illustration.

La plupart des migrants connaissent des difficultés d’intégration – problèmes d’adaptation climatique, d’insertion culturelle et linguistique – de racisme également pouvant par ailleurs affecter leur productivité. Ce qui les incite à se retrouver autour de structures collectives. Le besoin de se rencontrer s’explique aussi par la spécificité même de la « personnalité africaine » qui fait que « l’individu ne se réalise qu’à travers un groupe qui, en retour, lui garantit son unité » (Barou, 1978 : 8). Ce recours au groupe communautaire pour faire face à l’hostilité du milieu d’accueil est qualifié par Jacques Barou « d’hyper-tribalisation » (1978 : 9). A l’inverse, la notion de « détribalisation » se réfère aux migrants qui tentent de s’intégrer en annihilant certaines de leurs pratiques et mœurs culturels. Cependant, les migrants naviguent sans cesse entre ces deux tendances au gré de l’action des circonstances extérieures.

Les structures collectives des migrants – associations et tontines – trouvent ainsi leur essence dans le désir de reconstituer l’architecture de la vie communautaire originelle. En effet, les sociétés traditionnelles africaines reposaient fondamentalement sur le principe de prééminence du collectif sur l’individuel. Chaque individu est entièrement défini par rapport à son identité culturelle, ethnique et finalement par rapport à un groupe communautaire. La reconnaissance de cette conscience collective et la contrainte d’appartenance constituent une obligation morale de participer à ces organisations, quel que soit l’endroit où l’on se trouve.

Au fond, la tontine et les associations ne sont qu’un outil de perpétuation des habitudes culturelles. Pour autant, ceux qui n’en font pas partie ne peuvent pas être incriminés d’égoïsme ou d’individualisme, nombreux sont ceux, parmi eux, qui envoient de l’argent à leurs parents ou amis restés au pays. L’exemple de ce Malien illustre bien cette catégorie de migrants : il ne fait partie d’aucune association ni tontine et pourtant il fait des transferts régulièrement.

Ainsi, l’épargne migratoire destinée aux familles et aux localités d’origine constitue à la fois un révélateur pertinent de la permanence, de l’étroitesse et de l’intensité des relations qui lient les migrants avec leur pays d’origine. Cet attachement à la communauté et au pays d’origine explique ce que J. Barou (1978) appelle « la volonté de reconstituer un univers social » en France notamment au travers de structures associatives dont la finalité ultime étant la recherche d’une harmonie socioculturelle. Dans cette optique d’analyse, les structures collectives des migrants – associations et tontines – sont l’expression d’un comportement culturel.

Les migrants et leurs associations entretiennent des relations symétriques avec les villageois, lesquelles reposent sur une concertation dont l’issue permet de définir à la fois les besoins urgents et les modalités de leur résolution. Ce rapport de proximité facilite l’adhésion et la participation de tous aux différents projets à réaliser. Cependant, il va de soi que ce dialogue permanent entre les villageois et les migrants peut buter parfois sur des obstacles.

Étudiant le fonctionnement des associations de migrants Haalpular et Soninké, S. Bredeloup (1994 : 179-188) a montré que celles-ci sont autant de « lieux de confrontations et de conflits de pouvoir que (d’) espaces d’initiatives et d’innovations ». Ces conflits opposent généralement les cadets aux aînés, les partisans et les opposants à la primauté de la hiérarchie sociale traditionnelle et par conséquent entre ceux qui acceptent et ceux qui réfutent une gestion paternaliste de l’association et de ses ressources financières.

Au-delà de ces affrontements internes, les projets collectifs ont souvent engendré deux types de conflits. Le premier type oppose les migrants et leur village à l’État. En effet, il existe souvent un problème d’adéquation entre les besoins des villageois et la politique de l’État notamment dans le domaine de l’éducation et de la santé. Disposer d’infrastructures éducatives ou sanitaires n’est donc nullement synonyme de leur utilisation effective par les bénéficiaires. Ainsi, par exemple, des villageois ont attendu deux années pour avoir un infirmier à leur dispensaire (Ba et Coquet, 1994 : 166-171). Le second type de conflit peut être qualifié de politique car il s’agit d’une revendication implicite de l’initiative et du contrôle des actions de développement. Les migrants ont acquis à travers leur pouvoir financier – contribution financière au développement – une légitimité auprès des villageois et subséquemment un droit de regard et de décision sur tout ce qui se fait – ou va se faire – au village.

Ce droit de regard et de décision place les migrants en concurrence plus ou moins directe avec les autorités publiques locales et les chefs de villages. La lutte possible de contrôle des actions du développement risque de compromettre le dynamisme de développement local déjà bien enclenché au grand dam des populations villageoises. Aussi, importe-il de remarquer avec P. Lavigne Delville (1991 : 117-139) que « les actions communes à plusieurs villages sont très rares dans la région (du fleuve Sénégal). Les concurrences entre villages, les rivalités pour le leadership entre les responsables des associations de migrants rendent la fédération des actions difficile  ». Cette fédération des actions est d’autant plus nécessaire qu’on assiste à une prolifération désordonnée de réalisations d’infrastructures. La concertation demeure ainsi nécessaire pour rationaliser les investissements.

Ces conflits sont révélateurs du déficit voire de l’absence de concertation entre les associations de migrants, l’État et les Organisations de Solidarité Internationale. Cette carence de dialogue a conduit à des investissements surdimensionnés ou économiquement inefficaces car ne s’inscrivant dans aucune approche globale de développement local.

La concertation avec les migrants est d’autant plus nécessaire qu’ils mobilisent beaucoup mieux que les États l’adhésion et la participation active des villageois aux processus de développement. Il est donc souhaitable et impératif, peut-être à partir des opportunités qu’offre le codéveloppement, de réfléchir sur les modalités concrètes de mise en œuvre d’une réelle coopération entre les différents acteurs du développement local. Cette coopération permet de s’assurer de l’inscription effective des projets collectifs dans le plan général de la politique étatique de développement territorial.

Conclusion

La plupart des modèles explicatifs de la migration internationale considèrent le différentiel de salaire comme cause originelle de toute migration. Ces modèles – économiques et non strictement économiques – mettent en exergue le rôle des incitations économiques dans la décision de migrer. La décision de quitter son pays pour un autre repose donc sur l’arbitrage rationnel entre les coûts et les avantages. Cela montre la prééminence de la théorie néo-classique sur les autres analyses de la migration. La survie économique et financière, et l’aventure dans une moindre mesure, sont les principaux mobiles de la migration des jeunes sénégalais. Ces derniers occupent généralement des emplois moins qualifiés et subalternes dans les secteurs industriel et tertiaire. L’Italie est le premier pays d’accueil des migrants sénégalais.

Sur le plan économique et financier, la migration ouvre des opportunités de développement au Sénégal. D’abord, elle apporte une réponse – certes partielle mais significative – au problème du chômage massif des jeunes sénégalais. Ensuite, plusieurs associations de migrants s’impliquent activement dans la réalisation d’infrastructures sanitaires et éducatives dans les localités d’origine. Ces actions ont naturellement un impact significatif sur la croissance économique à moyen et long terme du pays.

Les flux de transfert monétaires permettent aux migrants d’entretenir leur famille et de consolider leur réseau de liens sociaux. Les échanges culturels, qu’autorise la migration, exercent des effets positifs sur l’organisation et la gestion des localités d’origine. Par ailleurs, la « fuite des cerveaux » et la dépendance de certaines familles aux transferts monétaires demeurent les principales conséquences néfastes de la migration internationale.

Les perspectives de la migration sénégalaise sont relativement sombres. En effet, le Sénégal est confronté à un chômage important et à une progression de la misère. Ce qui pousse nombre de jeunes à considérer la migration internationale comme une nécessité, une « solution économique de rechange ». Or, la précarité de l’emploi et la montée du chômage depuis la fin des années soixante ont conduit les pays développés à restreindre fortement – par des contrôles partiels et des procédures de sélection très strictes – les flux migratoires de travailleurs. Ce comportement des pays d’accueil leur permet à la fois de protéger les emplois nationaux et d’atténuer, voire d’enrayer la montée des – éventuelles – tensions culturelles. Cette situation demeure la principale cause explicative de l’incertitude sur l’ampleur et la régularité des futurs flux de transferts monétaires vers le Sénégal.

L’utilisation improductive des transferts monétaires diminue de plus en plus au profit d’une allocation productive ou d’emplois alternatifs efficients. Les migrants et les émigrants potentiels se préoccupent davantage de leur sort et par conséquent se tournent vers l’entrepreneuriat privé. L’esprit d’entreprise guette ainsi de plus en plus les jeunes sénégalais et devient un moyen pragmatique de recouvrer ou d’atteindre un niveau de vie et de santé décent. Cet engouement aux affaires est moins l’expression d’un comportement entrepreneurial spontané que la manifestation d’une prise de conscience quasi généralisée dans un contexte d’incertitude et de précarité économiques.

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Annexe

Tableau 1 : Transferts, épargne brute et taux de change euro/dollar

Année Transferts des migrants en USD (a) Épargne intérieure brute en USD (a) Taux de change euro/dollar*
2000 179 223 664 479 742 240 0.897316
2001 259 618 016 434 158 784 0.892372
2002 296 700 864 278 900 224 1.018255
2003 448 229 280 580 083 840 1.228562
2004 563 119 620 828 726 016 1.340761

(a) Source : Données en dollars courants, Africa Data Base, Banque Mondiale, 2006.

*Cours de change de l’euro contre dollar des Etats-Unis (USD) - moyenne mensuelle, décembre de la même année.

Source : Banque de France, principaux cours moyens mensuels de l’euro : http://www.banque-de-france.fr/fr/poli_mone/taux/html/4.htm

Tableau 2 : Soldes des balances commerciale et courante, en valeurs absolues et crédit à l’économie

Année Solde de la balance commerciale Solde des comptes courants Crédit à l’économie
2000 296,7 236,6 625,1
2001 311,8 374,5 469,9 521,1 180 655,5
2002 374,5 220,8 686,4
2003 469,9 253,70 784,60
2004 521,1 271,1 856,9

Source : Banque de France, Rapport Zone franc 2006, Statistiques du Sénégal

http://www.banque-de-france.fr/fr/eurosys/zonefr/page8.htm

NOTES

[1] L’histoire de la migration est très ancienne. Elle date d’il y a trois millions d’années à l’époque où les préhominiens du Rift africain ont commencé à s’installer sur les terres émergées. Voir Dumont, Gérard-François. 1995. Les migrations internationales : les nouvelles logiques migratoires, Paris, Collection Mobilité spatiale, SEDES.

[2] Rappelons que la mobilité du facteur capital s’explique par l’écart des taux de profit et d’intérêt. Ainsi, chez les néoclassiques, les motivations de la mobilité résident uniquement dans l’écart des prix des facteurs, travail (salaire) et capital (taux de profit et d’intérêt).

[3] Se pose naturellement la question de savoir s’il faut s’en tenir à la rémunération stricte du facteur travail ou s’il faut tenir compte des avantages sociaux tels que la protection sociale et les conditions de travail, autrement dit du salaire indirect.

[4] D’autres modèles théoriques non strictement économiques – les modèles de gravité, les modèles d’opportunités et les modèles de contraintes et de connaissance – ont aussi été proposés pour expliquer le phénomène migratoire. Voir Dieng, Seydi Ababacar. 2000. « Epargne, crédit et migration : le comportement financier des migrants maliens et sénégalais en France », Thèse nouveau régime de Sciences économiques, Université Lumière Lyon 2.

[5] En revanche, les mouvements de capitaux se justifient par les déséquilibres de l’épargne, excès ou insuffisance de l’épargne.

[6] R.-E. Verhaeren (1990) y voit une occasion pour la classe des exploités de s’unir pour revendiquer une rémunération plus juste de la force de travail.

[7] P. Aydalot (1980 : 176) définit la technologie comme « dose de connaissance et de qualification intégrée dans les fonctions de production, et structure des fonctions de consommation ». Voir Aydalot, Philippe. 1980. Dynamique spatiale et développement inégal, 2e édition, Paris, Économica.

[8] Cette section reprend les principaux résultats des entretiens de recherche réalisés au cours de notre recherche doctorale. Pour de plus amples informations, voir Dieng, S. A. (2000).

[9] L’analyse néoclassique considère le différentiel de rémunération entre les nations, conséquence d’une division internationale de travail inachevée, comme la cause de la migration. Pour les autres théories explicatives de la migration internationale, les causes, l’ampleur et la configuration des mouvements internationaux de personnes doivent être recherchées dans l’évolution même du système capitaliste.

[10] Pour M. Cissé (2005 : 101), les Wolof représentent près de 43,7 % de la population sénégalaise. M. Cissé (1980 : 103) affirme que le wolof est parlé par près de 80 % des Sénégalais, comme première ou seconde langue, ce qui fait de lui la langue véhiculaire du Sénégal. Voir Cissé, Mamadou. 2005. « Langues, Etat et société au Sénégal », Sudlangues, n° 5 : 99-133.

[11] Le taux de croissance économique du Sénégal, en termes réels est respectivement de 5.9 %, 5.6 % et 2.3 % en 2004, 2005 et 2006. Voir Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD). 2007. Note d’analyse des comptes nationaux provisoires de 2006, octobre, p.4.

[12] Ce constat se vérifie aussi pour les familles de migrants maghrébins. Voir Charef, Mohammed. 1981. « Les transferts d’épargne des émigrés marocains en France : évaluation de leur importance et de leurs effets », Annales de l’Afrique du Nord, tome XX : 217-227 ; et aussi Mezdour, Salah 1993. « L’émigration maghrébine en Europe : passé, présent et avenir », Revue du Marché commun et de l’Union européenne, n° 366 : 237-241.

[13] Pour de une analyse de ce sujet, on peut lire avec intérêt Abraham-Frois, G. 1964. « Capital humain et migration internationale », Revue d’Économie Politique, n° 2 : 526-554.

[14] Pour Christophe Daum (1993), « dans les réalités quotidiennes (de certains villages du fleuve Sénégal), cette dépendance (à la migration) est accentuée par toute une série de pressions sociales qui poussent au départ. A la naissance d’un garçon, on fait par exemple le vœu qu’il émigre lorsque son tour sera venu. Les jeunes filles se moquent des garçons ‘qui ne sont pas partis’ en leur chantant qu’ils ne pourront les épouser ».

[15] Seuls les fonctionnaires et les travailleurs des entreprises du secteur formel bénéficient d’une protection sociale.

[16] La dette est « un filet qui emprisonne (l’homme) en même temps qu’il le soutient » (Malamoud, 1988 : 14).

[17] Il est évident que la stabilité politique dépend de l’état de l’environnement social. En ce sens, l’enjeu social des transferts monétaires est aussi éminemment un enjeu politique.