juin 2016
Fiona MeadowsNomades voyageurs contestataires conquérants infortunés exilés
à lire sur Terra
Préface et Chapitre III.
Actes Sud Beaux Arts L’Impensé Mai, 2016 / 17,0 x 24,0 / 352 pages Coédition Cité de l’architecture et du patrimoine ISBN 978-2-330-06039-8 prix indicatif : 39, 00€
présentation de l'éditeur
Architectures de nomades, de voyageurs, d’exilés, d’infortunés, de conquérants et de contestataires : Habiter le campement interroge le rapport entre la notion d’habitat, qui implique une pérennité, et celle du campement, qui suppose un état provisoire. Des contextes politiques, économiques et environnementaux ont en effet conduit des milliers de personnes à s’établir et à s’organiser de manière durable dans des campements. Plus de 300 photographies.
Collectif sous la direction de Fiona Meadows, https://fr.wikipedia..., commissaire de l’exposition.
à visiter : http://www.citechaillot.fr/fr/
Mots clefs
La préface de Guy Amsellem et le chapitre III. Infortunés avec l’introduction de Fiona Meadows et les textes de Marc Bernardot, Nicolas Fischer et Patrick Bruneteaux sont publiés sur le site de Terra-HN avec l’aimable autorisation de la directrice de l’ouvrage et des Éditions Actes Sud.
Sommaire
HABITER L’INHABITABLE ?, Guy Amsellem
HABITER LE MONDE AUTREMENT, Fiona Meadows
HABITER LE MOUVEMENT, L’EXCEPTION NOMADE, Michel Agier
TANGENTE, Pier Schneider/1024 architecture
DE LA POÉSIE APPLIQUÉE AU RÉEL, Jean Bellorini avec Marion Canelas
CHAPITRE I. NOMADES
1. POUR UNE TYPOLOGIE LÉGÈRE ET PROVISOIRE DES NOMADES ?, Arnaud Le Marchand
2. LE NOMADISME PRÉCAIRE ET CONTRARIÉ DES MARINS DE COMMERCE, Claire Flécher
3. ESPACES, CAMPS ET DÉPLACEMENTS DE NOMADES AU SAHARA ET AU SAHEL, Julien Brachet
PLANCHE TYPOLOGIQUE : LES NOMADES
CHAPITRE II. VOYAGEURS
1. LE CYCLE DE LA ROULOTTE, Saskia Cousin
2. LE CAMPING OU L’HABITER TEMPORAIREMENT LA NATURE, Olivier Sirost
3. LES CAMPINGS DE FESTIVALS : TOPOS ET ETHOS DES FESTIVALIERS, Émilie Da Lage et François Debruyne
PLANCHE TYPOLOGIQUE : LA VILLE ÉPHÉMÈRE DES FESTIVALIERS
CHAPITRE III. INFORTUNÉS
1. CAMPEMENTS D’INFORTUNÉS, FIGURES, TOPIQUES, POLITIQUES, Marc Bernardot
2. LES CENTRES DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE, Nicolas Fischer
3. LES CENTRES D’HÉBERGEMENT D’URGENCE, OU L’INCLUSION PÉRIPHÉRIQUE DES PARIAS DE L’ÉTAT SOCIAL, Patrick Bruneteaux
PLANCHE TYPOLOGIQUE : LE CAMPEMENT DES INFORTUNÉS
CHAPITRE IV. EXILÉS
1. LES TEMPS DES CAMPS : LA GUERRE, LE REFUGE, LA MÉMOIRE, Clara Lecadet
2. ARCHÉOLOGIE DES CAMPS DE TRAVAIL FORCÉ, Garth Benneyworth
3. ARCHITECTURE ET INFRASTRUCTURE DE L’EXIL, Anooradha Iyer Siddiqi
PLANCHE TYPOLOGIQUE : LE CAMPEMENT DES EXILÉS
CHAPITRE V. CONQUÉRANTS
1. EXPLORATEURS, SENTINELLES ET DÉFRICHEURS, Michel Agier
2. À LA GUERRE : LES CAMPEMENTS DE CEUX QUI COMBATTENT, Stéphane Audoin-Rouzeau
3. LES CAMPS DE TRAVAILLEURS : L’ÉTRANGER DEVANT L’ÉTERNEL PROVISOIRE, Alain Morice
PLANCHE TYPOLOGIQUE : LE CAMP MILITAIRE
CHAPITRE VI. CONTESTATAIRES
1. CONTESTATIONS SUR PLACE(S), Michel Lussault
2. LE MOUVEMENT DES PLACES, Olivier Mongin
3. CONSTRUIRE EN CONTRE-FEU. SUR L’ART DIPLOMATIQUE DU PEROU, Sébastien Thiéry
PLANCHE TYPOLOGIQUE : LE CAMPEMENT DES CONTESTATAIRES
CHAPITRE VII. AR(CHI)T CAMP
1. LES ARTISTES CONTEMPORAINS ET LES CAMPEMENTS, Alice Laguarda
2. CAMPEMENT ET ARCHITECTURE : L’URBANISME DE L’URGENCE, Anooradha Iyer Siddiqi
3. LE CAMPEMENT DANS LE CINÉMA, Alfonso Pinto
BIBLIOGRAPHIE REMERCIEMENTS CRÉDITS
HABITER L’INHABITABLE ?
Le drame des réfugiés syriens en Europe montre, une nouvelle fois, l’extension du domaine du campement, reflet d’une expérience du monde qui, pour beaucoup de nos contemporains, s’effectue dans les marges et les frontières.
L’“encampement” du monde, qu’observe Michel Agier [1] à l’issue d’une enquête menée depuis une quinzaine d’années par une équipe de chercheurs, est un “fait social total [2]”. Il invite à étudier l’épaisseur anthropologique des lieux, les parcours de ceux qui y vivent, mais aussi leur matérialité et leur spatialité, la façon dont y sont gérés l’urbanisme, les problèmes de voirie ou d’assainissement.
Les savoirs et les techniques déployés dans la conception, l’organisation et la gestion des camps, sont devenus complexes. Les modules préfabriqués conçus par des architectes ont remplacé les tentes, et les urbanistes sont sollicités pour gérer les flux de populations.
Le camp, au-delà de ses dimensions sociale et spatiale, serait-il devenu un mode de “gouvernementalité [3]” spécifique des migrations contemporaines, étant ainsi, au gouvernement mondialisé, ce que fut le panoptique de Bentham au gouvernement libéral : un système de surveillance et de gestion des mobilités, qui transforme profondément le rapport entre gouvernants et gouvernés ?
Le camp peut-il être considéré comme un laboratoire du devenir du monde contemporain ? Préfigure-t-il notre propre condition d’individus désaffiliés du monde globalisé, “étrangers à nous-mêmes” comme dit joliment Julia Kristeva [4], ou “enfermés dehors” comme l’écrit Michel Agier [5], dans un état de suspension juridique ? N’est-il pas l’expression même de l’espace “hétérotopique” dont parlait Michel Foucault, marqué à la fois par la perte du pays d’origine et la place introuvable dans un pays sans hospitalité.
Les camps anticiperaient ainsi l’expérience du monde dans l’épaisseur des frontières, mais aussi la disparition de l’étranger, remplacé par les nouvelles figures du déraciné, du dépaysé, du délocalisé, avatars modernes d’un entre-deux, dont les multiples déclinaisons (entre deux pays, deux cultures, deux langues ou deux situations juridiques) disent le caractère peu hospitalier du hors-lieu qu’elles désignent.
L’exposition “Habiter le campement”, conçue par Fiona Meadows pour la Cité de l’architecture & du patrimoine, est attentive au regard critique que portent les sciences sociales sur ce paysage global de camps [6] que donne à voir notre monde. Mais elle s’intéresse aussi à l’ambivalence du campement, à son inventivité spatiale, au potentiel de renouvellement qu’il porte : les palettes de manutention s’y muent en planchers, les bouts de moquette en sols, les morceaux de tissu en rideaux, les sacs de riz en portes. Les campements s’urbanisent, interrogeant sans cesse la limite entre la mise à l’écart et l’invention de la ville.
L’exposition de la Cité de l’architecture observe avec intérêt le développement, ces dernières années, de manifestations politiques dans l’espace public – des
“Indignés” de la Puerta del Sol à Madrid à “Occupy Wall Street” à New York – qui se rejoignent dans l’usage du campement, la revendication égalitaire, la capacité à fabriquer un territoire imaginé, soutenu par l’espace de l’occupation et les pratiques de cet espace.
Le campement redonne alors, comme l’écrit Michel Lussault, une capacité à “partager spatialement l’expérience sociale [7]”. Il manifeste l’émergence, à l’ère de l’Anthropocène, d’une autre présence au monde, fondée sur la conviction qu’une certaine frugalité est désormais nécessaire, dans le rapport qu’entretiennent les humains avec des écosystèmes qu’ils ont largement mis à mal. Le campement peut alors exprimer la recherche de nouvelles manières de faire société, de réinventer le partage et la solidarité.
Est-il possible, pour autant, d’habiter un campement ?
Le camp fut d’abord militaire. Cette même origine martiale se retrouve dans le logement, qui désignait les lieux réquisitionnés pour les troupes de passage, et fut donc l’apanage des armées, avant de devenir l’attribut des civils. Qu’il s’agisse du camp ou du logement, la question de l’habitat se pose avec l’installation de l’homme sur le sol.
Habiter, c’est bien plus que s’abriter, observe Bernard Salignon [8].
Habiter, c’est investir un lieu, le charger de projets, de subjectivité. L’habitat crée des habitudes. L’investir, c’est un peu s’en vêtir : l’habitat renseigne sur celui qui l’occupe autant que l’habit sur celui qui le porte. Il participe de l’habitus dont parle la sociologie.
Habiter, c’est se sentir chez soi, c’est partager avec d’autres une histoire intime.
Pour qu’il y ait partage, il faut qu’il y ait un autre. Un autre, que l’on accueille.
Car accueillir, c’est accueillir des différences. Avec ou sans condition. L’hospitalité absolue, inconditionnelle – “j’invite chez moi qui je veux” –
qu’évoque Jacques Derrida [9] s’oppose aux lois juridiques de l’hospitalité, qui fixent des conditions, des normes, des droits et des devoirs. Mais l’une est inséparable des autres.
L’étranger est aussi un hôte : l’étymologie du mot xenos exprime le caractère indissociable de ces deux facettes. L’hôte (hostis) est à la fois l’arrivant et l’ennemi, l’invité et l’hostile. Cette ambivalence de l’hospitalité – que Derrida désigne par le néologisme “hostipitalité” – conditionne la possibilité d’habiter le pays d’accueil.
Peut-on habiter sans sa langue et sans ses morts ?
“Les « personnes déplacées », les exilés, les déportés, les expulsés, les déracinés, les nomades ont en commun deux soupirs, deux nostalgies : leurs morts et leur langue [10]”, écrit Derrida.
La langue résiste à toutes les mobilités, parce qu’elle se déplace avec celui qui la parle.
La mort, quant à elle, suppose un lieu de deuil. Sophocle, dans Œdipe à Colone, met en scène son héros éponyme, devenu étranger dans la terre qui l’accueille, demandant à Thésée de ne jamais révéler le lieu de sa tombe. Il empêche ainsi ses filles, Antigone et Ismène, de faire leur deuil, ne leur laissant qu’un mort sans tombeau, sans lieu de deuil localisable.
Si exister c’est, comme le dit l’étymologie, se tenir hors de soi, alors habiter le campement c’est exister, c’est-à-dire faire l’expérience de la présence en un lieu.
GUY AMSELLEM, président de la Cité de l’architecture & du patrimoine.
Les infortunés habitent le “campement de fortune”, l’abri précaire, le refuge de survie. Ils transitent également dans des camps de “rétention”, aux allures carcérales. Laissés-pour-compte du système, ultrapauvres, victimes des crises économiques locales et mondiales, les “infortunés sans le sou” sont plus souvent nommés “sans-domicile fixe”. Pourtant, ils n’habitent pas la mobilité comme les nomades ou les voyageurs : sédentaires trop pauvres pour accéder au logement, ils vivent au cœur des riches métropoles. La nuit, ils se réfugient sur une bouche de métro, un banc public, dans un parc, installent quelques cabanes dans le bois de Vincennes, un bidonville dans les friches ou les “délaissés urbains”. Ils parviennent, parfois, pour quelques heures ou quelques mois, à investir un squat.
Les “infortunés sans papiers” sont en circulation, passant d’un territoire, d’une frontière à l’autre. Ils cherchent à s’installer temporairement ou définitivement quelque part. La migration, souvent longue et dangereuse, nécessite l’édification d’abris et de campements aux formes proches des infortunés sans le sou. Lorsque la migration est entravée, les campements grandissent et se transforment en jungle comme à Calais ou Melilla. Ces infortunés connaissent également les camps de rétention administrative : Villawood en Australie, Lampedusa en Italie, Tweisha Camp en Libye ou Vincennes en France. La plupart de ces camps ne figurent sur aucune carte : non-lieux pour des non-citoyens… Pour beaucoup de ceux qui sont “retenus”, le passage dans ces camps-prisons signifie l’expulsion et le retour à la case départ. Les plus “chanceux” des sans-papiers passeront à l’étape suivante, celle des infortunés sans le sou, voire celle des réfugiés, des exilés.
Fiona MEADOWS
Marc BERNARDOT
Au commencement était le campement, l’abri de fortune érigé à la va-vite pour parer au plus pressé, se mettre au sec lorsque l’orage menace, quand la fatigue fait tituber, que les poursuivants se sont lassés ou que l’on est égaré. Quelques branches, une peau ou une toile, trois, quatre pierres pour assurer la survie immédiate et tout le reste devient luxe, confort, protection supplémentaire contre le froid ou la chaleur, le regard des prédateurs. Un feu si l’on peut et la grotte, le pont, la buse, la hutte
deviennent lieux, pour quelques heures, quelques jours… Mais tout ancestrale que soit cette condition du naufragé et du fuyard en quête d’un gîte pour faire face à l’urgence, elle est toujours bien contemporaine, sur les trottoirs, dans les interstices et les terrains vagues des mégalopoles, le long des routes des exodes et le long des frontières.
Le campement d’infortune est un lieu mobile. C’est un habitat si fragile qu’il semble en mouvement. Ses habitants sont si précaires qu’ils doivent être prêts à circuler à tout moment. Ceux-ci peuvent être des dépossédés, des fuyards, des condamnés. Mais ces mots sont bien labiles et se superposent selon les situations.
Dans cet ensemble de sous-prolétaires et de subalternes, c’est la pauvreté qui domine. S’y ajoutent des saisonniers, des travailleurs pauvres et mobiles, des paysans sans terre, des migrants illégitimes, des victimes en tout genre. Poussés par la nécessité, faute de moyens et de temps, en l’absence de statuts protecteurs, ils doivent se loger dans l’urgence et de manière improvisée. L’individu ou la famille, tels des animaux de bât, portent parfois sur eux des éléments de base de leur abri et se mettent en quête des morceaux complémentaires lorsqu’ils s’installent. Le campement n’est jamais le même et peut prendre différentes formes selon les circonstances et la trajectoire : un hébergement chez l’habitant, des ruines sommairement aménagées, un bâtiment vacant détourné de sa fonction originelle, un véhicule immobilisé ou une épave, une bâche bien usée, quelques palettes. Une berge, un fossé, un pont, un contrebas quelconque feront aussi l’affaire. L’infortuné se fait, tout à tour, dormeur à la belle étoile, troglodyte, squatteur ou hobo (nom des vagabonds américains qui, au xixe siècle, traversaient les États-Unis de la côte est à la côte ouest), hébergé de camps d’urgence, relogé en hôtel borgne, passager clandestin. Il doit anticiper sans cesse la traque policière, l’assaut de malfaisants qui cherchent à lui prendre le peu qu’il a. Il doit s’adapter aux opportunités de glanage, aux aléas de la location de ses bras, selon les saisons, qui le soumettent au bon vouloir du patron, du propriétaire et de leurs chiens de garde.
Ce pauvre hère, mais pas sans noblesse, partage bien des choses avec le fuyard, le chassé, l’expulsé. Celui-là n’a eu que quelques minutes pour quitter son toit, à potron-minet, pour échapper à la soldatesque ou à la milice de ses voisins haineux. Commence l’exode, la marche forcée vers l’inconnu avec ses étapes improvisées lorsque, désemparé, exténué et hagard, il doit dormir là, dans la boue, sur le bas-côté de la route avant de devoir reprendre sa place dans la file de ses semblables, abandonnant peu à peu ses maigres biens comme les mies de pain du Petit Poucet. Il est frère et sœur en malheur de l’esclave marron s’évadant de l’habitation plantationnaire pour s’arracher aux sévices du contremaître en grimpant dans les Hauts pour y vivre sous la futaie, certes pauvre en tout et seul mais libre, au moins jusqu’à ce que les mâtins des colons ne le débusquent et le contraignent à s’enfoncer plus loin dans les bois. Il partage aussi le sort de l’habitant expulsé et évincé par les pelles mécaniques de grands travaux hydrauliques et des bas appétits urbains, ou parce qu’il ne peut plus payer le loyer aux vautours ou présenter les bons papiers, trouvant l’huissier ou les gros bras du promoteur devant la porte, bientôt murée, bientôt rasée, avec les restes éparpillés des meubles, des hardes et des jouets d’enfants. Il est aussi frère et sœur du condamné et du banni, du travailleur forcé, de l’enfant soldat, de la jeune fille enlevée, arraché aux siens, jeté à fond de cale ou à l’arrière du camion, retenu sous la pluie des barbelés et poussé aux bords du monde, sommairement allongé sous le marabout, la case à suer, la hutte du bagnard, la tente du chantier de travail forcé, recroquevillé sur la paillasse à attendre les coups, les viols, la mort. Le campement de l’infortuné c’est le mode d’habitat des confins à perpétuité, de l’inhabitable, de l’invivable. C’est la maison de la punition, de l’extorsion et de la guerre.
Le campement est un logement a minima, c’est l’étymologie qui le dit. Loger veut dire camper et vient du francique laubja, qui signifie “abri de feuillage” et que l’on retrouve en allemand (laub) et en anglais (leaf). Il s’agit de la solution la plus basique lorsqu’il faut s’abriter et dormir “sur-le-champ” (à l’origine du terme “camp”) et aux deux sens du terme, immédiat et sommaire. C’est ainsi que des enfants vivent et s’abritent, faute de mieux, dans les buissons de Durban en Afrique du Sud lorsque le jour tombe et que les rues se vident. Ils partagent leur condition avec les anachorètes, mais ils ne sont pas ivres que de Dieu, avec les victimes de trafic, cassées et trimbalées à travers les forêts frontalières, avec les ombres humaines des jardins publics et des jungles périphériques.
Substitut du feuillage, la couverture du dormeur des villes est installée, elle aussi, là, sur un bout de trottoir, sous un porche, dans une cabine téléphonique, dans un recoin qui protégera des regards et du vent si le site a été judicieusement choisi malgré les herses répulsives de la ville sécuritaire, mais il faudra tôt ou tard décamper. “Constructions illicites”, “installations sauvages”, “occupations illégales”, “habitats indignes” ou “insalubres”… Mais en attendant la maréchaussée tout est surtout affaire d’isolation, contre le froid du sol, contre les courants d’air et les trombes d’eau. De la paille naguère, des cartons, des bâches et des planches, des tentes humanitaires aujourd’hui. La science de ce campeur d’infortune c’est celle de la récupération et du détournement des objets repérés durant l’épuisante marche qui a précédé la discrète installation. Il faut pouvoir monter et démonter, bâcher et débâcher comme le campeur estivant, mais bien plus vite et sans la joie de l’aventure, avant que les passants légitimes ne réoccupent l’espace public. Il faut savoir aussi déplacer ou cacher les éléments de la matchbox (c’est ainsi que sont nommés ironiquement les abris miniatures faits de brindilles des plus pauvres d’entre les pauvres habitants des townships). Ces cabanes et ces abris rudimentaires présentent ce caractère déplaçable qui les apparente à la grande famille des habitats mobiles. C’est seulement quand le sinistré, le fuyard, le paria et le banni se sentent un peu plus en sécurité qu’ils peuvent prendre le temps de solidifier leur étrange mikado pour agrandir l’espace et y abriter quelques maigres biens. Le campement, lorsqu’il est reconduit sur place ou à l’identique un peu plus loin, peut être amélioré et s’équiper. Dans les zones européennes ou asiatiques, les bidonvilles pré- ou post-coloniaux, les favelas sud-américaines et les camps de réfugiés, chaque expression cachant des réalités bien différentes, les plus anciens occupants des friches agricoles ou industrielles et des interstices négligés parviennent peu à peu à ériger des constructions en dur, avec plusieurs pièces, voire plusieurs étages.
Il y a là toute la magie des savoir-faire de ces infortunés qui réussissent à assembler des matériaux glanés ici et là pour en faire un chez-soi, à se raccorder, ou s’en rapprocher, aux réseaux hydrauliques et électriques et à négocier et renégocier sans cesse d’improbables tolérances avec les autorités ou les plus anciens occupants. Le campement se fait quelquefois quartier, le non-lieu s’est fait lieu.
L’infortune encampée est doublement politique. Avec le temps le campement peut se faire institution mais, abri ou taudis, il reste l’anamorphose de la société qu’il squatte. S’il n’apparaît pas toujours dans la photographie officielle, il donne à voir. Depuis la fente d’une tente à logo ou les trous d’une bâche trouble, s’éclaire d’une lumière crue la réalité de la société qui l’entoure. On y découvre que le campement n’est pas plus loin des prisons, des sites de déportation et des hôpitaux psychiatriques que des résidences sécurisées, des sièges sociaux, des ors institutionnels. C’est une solution maintenant banale pour les expulsés, les réfugiés, les sinistrés. Des plus spontanés et tolérés à ceux qui sont une réponse routinière et para-institutionnelle, hors champ et hors citoyenneté, ces groupes s’installent ou sont conduits dans des espaces dans lesquels ils sont l’objet de contrôle, de sélection, de protection parfois mais de violence surtout. Ces espaces sont bien souvent souillés, pratiquement et symboliquement, et ne sont jamais pensés pour une installation pérenne même lorsqu’ils durent.
Camps pour expulsés, pour squatters, pour victimes, serrés plus ou moins fort par les bras de l’humanitaire et du militaire et glissant vers l’invisibilité et l’apatridie, de fait. L’hébergé des camps officiels ou tolérés est harcelé, bousculé, discriminé parce qu’il vit là, dans le campement qui n’en est plus tout à fait un, devenu un domicile qui ne dit pas son nom et qui n’a pas d’adresse. Tout reste si paradoxal dans le campement des infortunés : on y manque d’eau mais tout est détrempé, on y souffre du froid mais on y meurt dans les incendies, on y redonne vie à des déchets et on y est traité comme tel.
La caractéristique spatiotemporelle de ces campements est qu’ils sont soumis à une révocabilité radicale. Hébergement d’urgence, de passage, éphémère, le campement reste sous l’emprise de l’impensable, de l’aléa et surtout du bon vouloir des voisinages et des autorités. Tout peut tout à coup s’interrompre. Sous le joug du moindre imprévu, pas de traces, pas de transmission, pas de certitude, pas de projection dans le temps hormis celle de l’expérience passée du dernier déménagement, de la dernière destruction, de la dernière expulsion. Sous son emprise, les bons offices associatifs, les soutiens civils, les autorités peuvent apparaître ou disparaître, les caméras des télévisions aussi, tout comme les bombes incendiaires de ceux qui n’aiment pas “la vermine”, “les étrangers” ou qui veulent récupérer la place. Les chiens, les brigades spécialisées et les engins de chantier peuvent surgir aussi brusquement qu’un orage de grêle. Au rythme de la course poursuite et du harassement, que le campement se jivarise, toujours plus minimaliste et portable, ou se consolide des alluvions du temps et de la débrouille, il est un présent sans fin, une réalité intangible malgré ou à cause du bonneteau statistique.
Avec les infortunés des campements les pouvoirs jouent toujours au double et trouble jeu de “l’humaine fermeté”, entre déplorations sociales compassionnelles et actes militaro-policiers, entre promesses de relogement et réalités brutales. En fait “tout doit disparaître” sans laisser de traces. Sa destruction est toujours à la fois un message pour les sédentaires et une menace pour tous les autres encampés. Mais qu’elle s’appelle “démantèlement”, “résorption”, “évacuation” ou “liquidation”, elle provoque aussi un surgissement médiatique.
Car si le campement est ontologiquement politique, c’est qu’il est tout à la fois fondation et irruption dans l’espace public. Il est la marque au fer rouge des politiques ou de leurs absences, en tant que trace des tourments passés. Il est aussi la preuve visible d’une situation sociale et spatiale dérangeante en tant qu’habitat non ordinaire et déplaçable même lorsque la démolition a ruiné toute construction et que ne planent plus sur place que les effluves de la mauvaise réputation. Le campement, c’est Sisyphe, fragmenté et collectif, face à l’inéluctable urbicide qui se rapproche, mais un Sisyphe politique en tant que mouvement social élémentaire et démultiplié, en tant qu’irruption sans parole de la contestation des ordres injustes et inégalitaires, et parce qu’il donne à voir au moins momentanément par sa matérialité la présence de la pauvreté et de la détresse entre les îlots de richesse. Par l’esprit de résistance voire de défi qui y souffle potentiellement, malgré les affres du dénuement, et par les formes de solidarité qui s’y développent, même si les conflits et les inégalités y sont bien présents, le campement est un happening architectural et contestataire permanent, un manifeste de land arte povera éternel qui se joue sur les trottoirs de Skid Row, des tents cities, des parkings et des campings, des places publiques et des périphéries. Le campement est un droit à la ville en acte, une résistance quotidienne, un creuset pour l’alchimie élémentaire de l’outrage et de l’espoir. Le campement c’est enfin l’université populaire de la survie où l’on apprend les savoir-faire de la négociation asymétrique, de l’hybridation des habitus, du contournement prudent et furtif, du grignotage patient et appliqué. On y enseigne l’économie des interstices et des frontières, on y entretient des réseaux invisibles entre subalternes, aléatoirement connectés ou à distance. Avec sa discrétion, son faible coût, son hétérogénéité et la pratique de glaneur qui y règne, le campement incarne finalement une revendication sourde et constante d’une humaine citadinité qu’il soit peuplé de nojukusha tokyoïtes, de working poor de Los Angeles, de sans-abri parisiens, de migrants à Ceuta ou de déplacés au Soudan. S’ils peuvent endurer la sollicitude intéressée de leurs protecteurs et porte-paroles autoproclamés, s’ils savent gagner un peu de temps sur les juges et les pelles mécaniques, s’ils survivent aux brûlures de l’éclairage médiatique, les encampés peuvent reconquérir un peu de leur citoyenneté perdue, et le campement redevient fondation d’une subjectivité spatiale, sociale et politique.
MARC BERNARDOT est professeur de sociologie à l’université Normandie-Le Havre.
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Nicolas Fisher
Il existe aujourd’hui en France vingt-cinq centres de rétention administrative (cra), uniquement destinés à enfermer les étrangers renvoyés de France par la force, après une condamnation pénale, ou beaucoup plus fréquemment parce qu’ils n’ont pas de titre de séjour. Placés sous l’autorité de la Police de l’air et des frontières (paf), ces lieux fermés ne relèvent ni des prisons, ni plus généralement du système pénal : pour reprendre la terminologie officielle, il ne s’agit pas d’y détenir des prisonniers pour les punir ou les réinsérer, mais d’y enfermer des personnes retenues pour les maintenir sous contrôle, et les contraindre à embarquer sur un vol à destination de leur pays d’origine. On y arrive donc le plus souvent après une interpellation, à la suite d’un contrôle d’identité sur la voie publique, sur le lieu de travail ou au guichet d’une administration. Après un passage au poste de police pour quelques heures
de “retenue pour vérification du droit au séjour” – la version non pénale de la garde à vue – les personnes arrêtées se voient signifier une “mesure d’éloignement” (le plus souvent une Obligation de quitter le territoire français), qui permet finalement le transfert vers un local de rétention – pour quarante-huit heures maximum – et enfin vers un centre de rétention proprement dit, où l’on peut en revanche rester quarante-cinq jours.
Étape finale de la procédure d’éloignement du territoire, ces centres sont de taille variable – une trentaine de places pour celui d’Hendaye à la frontière franco-espagnole, deux fois 140 pour les deux bâtiments du centre de Vincennes, peut-être le plus connu depuis sa destruction par le feu lors d’une émeute, en juin 2008. En 2013, ils totalisaient 1 571 lits et ont permis 24 174 placements, qui ont pu toutefois concerner la même personne à deux ou trois reprises [11]. On y enferme des hommes, des femmes, et depuis 2005 les enfants qui les accompagnent.
La rétention administrative est donc un relais des politiques françaises et européennes de contrôle des “flux migratoires”, et constitue aujourd’hui une institution à part entière, visée par quatre articles du Code de l’entrée et du séjour des étrangers qui en définit précisément le déroulement. On y trouve un ensemble de professionnels aux tâches aujourd’hui bien distinctes : des policiers chargés de la surveillance et du suivi des dossiers d’éloignement, mais aussi les salariés d’entreprises privées administrant les repas et la literie, du personnel médical, des travailleurs sociaux de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, et enfin les intervenants de cinq associations chargés de permettre “l’exercice effectif de leurs droits par les étrangers maintenus”.
Cette organisation valable pour tous les centres les éloigne apparemment de la logique précaire du campement de fortune, pour les rapprocher de dispositifs d’enfermement plus “étatiques” – prison ou garde à vue. Avant son officialisation en 1980-1981, l’histoire de la rétention est pourtant marquée par une logique particulièrement précaire et informelle : celle de l’internement administratif des étrangers, inaugurée en France dès le début du xxe siècle. Dans les périodes critiques (une guerre mondiale, un afflux particulier de réfugiés en raison d’une crise internationale), elle s’est traduite par l’ouverture en urgence de camps d’internement, à l’image de ceux qui furent créés dans l’improvisation pour les réfugiés venus d’Espagne en 1939. Mais la rétention administrative se relie plus directement à une tradition policière bien moins exceptionnelle, et nettement moins visible : celle qui a longtemps consisté à filtrer les déplacements des étrangers, à les arrêter éventuellement sur la voie publique, et finalement à les “maintenir” dans un local fermé pour leur signifier une expulsion, mais aussi pour les interroger, vérifier leur identité, ou tout simplement les intimider. Avant même de parler de renvoi forcé du territoire, cette activité routinière avait surtout pour enjeu de signifier aux étrangers leur appartenance à la “clientèle” policière : à l’instar des populations colonisées, des vagabonds ou des prostituées, ils faisaient partie des populations qui n’étaient pas, ou pas assez, citoyennes, pour pouvoir évoluer librement dans l’espace public. Quelle que soit leur situation administrative, la police possédait de facto le pouvoir de leur assigner des territoires, de leur en interdire d’autres, et pour finir, de les soustraire à la voie publique par un enfermement plus ou moins long [12].
Au sein de cette gestion policière informelle des étrangers, la procédure plus officielle de l’expulsion ou de “l’éloignement” du territoire n’a longtemps constitué qu’un destin potentiel pour les étrangers arrêtés. Avant la Seconde Guerre mondiale, l’exécution des arrêtés d’expulsion reste d’ailleurs assez rare. Si les renvois forcés demeurent également limités après la guerre, la reprise des expulsions dès 1972 et l’arrêt officiel de l’immigration en 1974 incitent toutefois à institutionnaliser la procédure, et à prévoir notamment une mesure d’enfermement officielle, dotée d’un cadre juridique nettement défini. Cette “légalisation” de la privation de liberté est d’autant plus urgente que les pratiques informelles sont de plus en plus dénoncées, en référence à quelques thématiques nouvelles à l’époque – l’État de droit et le respect des droits fondamentaux. Au milieu des années 1970, la presse révèle ainsi l’existence d’un lieu d’enfermement policier officieux, installé dans un hangar vétuste du port de Marseille, et destiné aux étrangers qui attendent leur expulsion : pratique ancienne, on l’a vu, mais qui provoque cette fois une campagne de dénonciation et des recours judiciaires contre la pratique des “prisons clandestines” par la police française [13].
Le souci d’efficacité politique et les pressions militantes expliquent ainsi largement la constitution de la rétention administrative en institution codifiée, mais aussi contrôlée : outre un règlement intérieur type, les centres de rétention administrative sont placés sous la supervision du juge des libertés et de la détention – bien que cette dernière soit de plus en plus limitée juridiquement – et, on l’a dit, ils incluent la présence d’intervenants associatifs chargés d’assurer l’effectivité des droits des personnes enfermées. Cet encadrement a favorisé leur sortie progressive de la précarité. Les treize premiers centres construits dans les années 1980-1990 rééditent encore la logique du camp d’urgence : ils sont le plus souvent implantés dans des locaux et des terrains récupérés (ancienne usine, ancienne caserne, voire à côté d’un camp d’internement des années 1930-1940 pour le centre de Rivesaltes…). Les vingt-cinq structures actuellement en activité sont en revanche plus souvent aménagées dans des locaux construits ad hoc. Les conditions d’hygiène y sont incontestablement meilleures et l’hébergement plus adapté, mais l’architecture y facilite le quadrillage de la population enfermée – par la multiplication des séparations, des grilles automatiques, des caméras de surveillance ou encore des capteurs infrarouges. Autour de la construction de ces centres modernisés, c’est tout un marché qui s’est aussi progressivement constitué pour des cabinets d’architectes ou divers prestataires assurant les repas, le couchage ou le nettoyage des lieux. Pour finir, cette amélioration matérielle et la mise en place d’un véritable statut juridique pour les centres comme pour les personnes enfermées ont également justifié le développement spectaculaire de l’institution. L’histoire de la rétention est éloquente sur ce point : de treize centres, on passe à vingt-cinq ; de six jours maximum d’enfermement en 1981, on passe à douze, puis à trente-deux, puis à quarante-cinq aujourd’hui. Parallèlement, le contrôle du juge et l’autonomie des intervenants associatifs sur le terrain ont été constamment réduits.
Reste à évaluer les effets sociaux réels de la rétention des étrangers. Les renvoyer effectivement vers leur pays d’origine ? On peut en douter. En 2013, 97 204 mesures d’éloignement furent prononcées, mais seules 22 753 furent effectivement exécutées – soit 23 % du total, un chiffre stable depuis plus de dix ans. Pour celles et ceux qui sont arrêtés et placés en rétention, le chiffre augmente certes – au début des années 2010, environ 40 % quittaient effectivement la France, les autres étant remis en liberté sur le territoire, toujours sous le coup d’une mesure d’éloignement. Pour finir, c’est bien plus à ce niveau que se situe l’impact majeur de la rétention administrative : dans la précarisation croissante d’une population étrangère dont les arrestations et les enfermements à répétition distendent les liens familiaux et mettent en péril l’existence matérielle, alors même qu’elle trouve à s’employer sur le territoire et qu’elle n’a que peu de risques d’en être renvoyée. Pour finir, il s’agit toujours de soustraire à l’espace public ceux qui n’ont pas de titre à s’y déplacer, mais qui peuvent en revanche demeurer dans l’ombre.
NICOLAS FISCHER est politiste et chargé de recherche cnrs au Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales et à l’université de Versailles-Saint-Quentin.
Patrick Bruneteaux
La récente polémique autour du patrimoine immobilier de l’église catholique, initiée par Cécile Duflot, alors ministre du Logement, à la fin de l’année 2012, a relancé, une fois de plus, en période hivernale, le débat sur les lieux d’hébergement d’urgence des sans-domicile fixe. Depuis le début des années 1980, ce débat est devenu un enjeu de politique publique. Comment qualifier ce souci nouveau en faveur des sans-abri qui fleurit depuis la montée du chômage et la fin des Trente Glorieuses au milieu des années 1970 ? Faut-il y voir l’émergence, parallèlement aux questions du chômage et du précariat, d’une problématique spécifique des mal-logés, des sans-abri ? Et pourquoi assisterait-on à cette spécialisation d’un discours autour du logement quand les gouvernements successifs ont privilégié les thèmes de l’emploi ou de l’insertion ?
Faut-il parler d’un champ de l’“urgence” destiné à gérer les plus miséreux qui seraient “inemployables” ? Mais en ce cas, pourquoi est-ce la focale du logement qui prime sur celle de l’insertion ou de la formation professionnelle dans la dénomination des personnes ? Que signifie ce label “sans-abri” ?
L’alternance du travail et du chômage est constitutive des cycles du capitalisme depuis la fin du xviiie siècle. Les chômeurs et les vagabonds sont indissociablement liés aux alternances entre “le plein emploi” et “les crises” [14]. Dans ce dernier cas, les indigents repeuplent les rues en masse. Il y a encore à peine une quarantaine d’années, les exclus de l’économie étaient relégués, sans aucun minimum social, dans le dénuement matériel et la débrouille. Sans travail stable, les personnes perdaient leur logement (il y a encore dix mille expulsions d’hlm chaque année), leurs moyens d’existence “ordinaire” ou “en famille” et “tombaient à la rue”. L’aide de la famille, l’économie informelle et la production vivrière personnelle pouvaient permettre à certains de ne pas devenir, dans la vaste “armée de réserve”, des vagabonds ou des mendiants. L’État, avec des associations chrétiennes, recueille alors les exclus dans d’immenses dortoirs collectifs de plusieurs dizaines voire centaines de places rudimentaires. L’accueil s’épuisait à une soupe et un lit de camp avec un encadrement et des règles à la fois coercitives et insuffisantes pour protéger les plus faibles contre la prédation des autres.
Avant les années 1980, l’État disposait de l’immense complexe de “la maison de Nanterre" [15], lequel a abrité, selon les périodes, un hôpital, une maison de retraite, une prison, un lieu de vie pour les vagabonds, enfin un centre d’hébergement d’urgence de quatre cents places. La Ville de Paris avait aussi ses propres dortoirs gigantesques, notamment le centre Nicolas-Flamel, rue du Château-des-Rentiers, aujourd’hui disparu, ou la Poterne des peupliers, aussi dans le 13e, pouvant accueillir sept cents personnes dans les années 1960. Du côté des associations chrétiennes, l’Armée du Salut pouvait apparaître plus humaine avec sa célèbre péniche stationnée le long de la Seine, non loin de Châtelet, même si le centre “Cantagrel” s’alignait quant à lui sur le format du “grand renfermement”. George, un sdf que je suis depuis quinze ans [16], décrit tous ces lieux qu’il a connus depuis 1968 comme des espaces “où tu rentres propre (sic) et tu ressors plein de bestioles”. Dans la plus pure tradition de la philanthropie bourgeoise apparue au milieu du xixe siècle, des chrétiens de “bonne famille” avaient mis sur pied “La Mie de pain”, un vaste dépôt de mendicité dans le 13e arrondissement de Paris pouvant accueillir plus de cinq cents personnes.
Voilà où on en était lorsque, au milieu des années 1980, la “question sdf” et celle de la “nouvelle pauvreté” viennent requalifier le processus ordinaire des cycles du capitalisme dans les termes sans cesse nouveaux du présent. L’urgence dérive pour partie de l’hospitalité médiévale, des hospices des Temps modernes et de la philanthropie sociale bourgeoise du xixe siècle, laquelle est encore largement active au sein des réseaux chrétiens Caritas ou Salvation Army. Cependant, c’est surtout avec la crise économique des années 1970 qu’une réflexion spécifique a vu le jour autour des milliers de sdf et sans-abri qui se sont retrouvés à la rue et qui ont fait l’objet d’une large couverture médiatique interpellant les pouvoirs publics [17].
Pendant les hivers 1982-1983 et 1983-1984, les journalistes font état de sdf morts dans la rue. À partir de 1984, la gauche inaugure l’ère de l’aide d’urgence avec les premiers plans hivernaux de lutte contre l’exclusion
[18]. Le gouvernement Fabius et ses successeurs interviennent dans le champ de la pauvreté extrême. Une circulaire du 17 mars 1983 parle “d’urgence sociale”, transposant le paradigme humanitaire sur la scène de la question sociale alors même que le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées dénonce le paradoxe : “L’hébergement proposé aux sans-abri est exclusivement précaire […]. Il est contestable de qualifier d’urgence un hébergement qui n’offre pas aux personnes accueillies de perspective de sortie de la rue, et donc de leur situation d’urgence. L’urgence est détournée de son sens quand elle est assimilée exclusivement à un hébergement de courte durée [19].” Jusqu’au début 2007, temps fort de la mobilisation des Enfants de Don Quichotte [20] en faveur des sdf et contre l’hébergement d’urgence, les entrants vont survivre dans des “lieux de relégation” qui empruntent encore largement aux cadres de l’époque médiévale. Bien plus, une police spéciale des sdf, la Brigade d’assistance aux personnes sans abri (la bapsa) ou “les Bleus”, parcourt les rues de la capitale depuis la Libération et prend de force les surnuméraires jusqu’en 1993
[21], date de basculement où le nettoyage est désormais effectué par le Samu social.
Ce Samu a été créé par Xavier Emmanuelli, un ancien French doctor reconverti dans l’humanitaire chrétien à domicile, défendant le modèle de l’hébergement à la nuitée. Ce cadrage a très vite été dénoncé par Médecins du monde et les services sociaux de Paris (Centre d’action sociale de la Ville de Paris-casvp), lesquels ne s’aligneront jamais sur le 115, ce relais téléphonique géré par le Samu et au travers duquel les sdf doivent passer pour trouver un lit le soir. Une nouvelle technologie institutionnelle de la prise en charge apparaît, fondée sur la “mise en flux” des personnes circulant jour après jour dans une myriade de chu connectés au dispositif téléphonique du 115. Le Samu social est venu en quelque sorte cristalliser la nouvelle interdépendance entre les associations et l’État au sein du nouveau “champ de l’urgence”, sous la tutelle de la Direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement-drihl (ancienne dass), principale pourvoyeuse de fonds de toutes les structures.
L’unique préoccupation des pouvoirs publics des États sociaux capitalistes [22] est de stocker cette armée de réserve dans des lieux spécifiques, les accueils de jour et les abris de nuit, les maraudes assurant le repêchage et l’orientation vers les cases appropriées. Dans ce champ, une lutte de concurrence oppose désormais une myriade de structures traditionnelles et de nouveaux entrants (l’ex-Sonacotra “Adoma”, l’association Aurore, Coallia principalement) qui ont fait les frais de la réduction drastique de place, dans leur secteur (foyers de migrants, places médicosociales).
Certaines associations, centrées sur la cause sdf, à l’instar d’Emmaüs, prennent une ampleur nouvelle. En un peu plus de quinze ans, Emmaüs, le principal prestataire de la dass en matière d’hébergement d’urgence sur Paris, est passé de soixante-dix à trois cent cinquante salariés au début des années 2000, dont la plupart relèvent de l’urgence de jour et de nuit. Auparavant tributaire des subventions de l’État pour 20 % de son budget, le chiffre s’est inversé en vingt ans. À titre d’exemple, le nombre de nuitées a augmenté de 28 % pour la seule année 2001-2002, passant de 264 218 à 339 328, contre 210 000 en 2000 (rapport d’activité). Au tout début des années 1980, cette association ne gérait qu’un centre d’hébergement et de réinsertion sociale pour sdf. En 2000, elle fait tourner une quinzaine de chu de grande taille, représentant presque un tiers des lits d’urgence sur Paris, soit 1 000 lits sur les 3 200 disponibles. Les budgets consacrés à la nouvelle “urgence sociale” commencent à grimper. Les crédits passent de 0,09 million d’euros en 1983 à 45 millions en 1984, 82 millions en 1988, 105 en 1999. “Soit une multiplication par plus de 100 en quinze ans [23]”. Depuis 2003, le budget des chu a dépassé celui des hébergements d’insertion [24]. On dépasse les 500 millions aujourd’hui : la création et la multiplication des centres d’hébergement d’urgence suppose de retaper des locaux vétustes, de fournir les repas et une literie avec des kits renouvelés. Même sans médecins et travailleurs sociaux, même sans un habitat aligné sur la norme
de l’hlm, ces chu (environ une centaine sur l’agglomération parisienne désormais) constituent la seule réponse structurelle à une crise économique frappant les salariés tombés à la rue (avec l’octroi d’un petit pécule “d’insertion” nommé rmi puis rsa).
Il s’agit, pour l’essentiel, de mettre des moyens importants en vue d’une politique sociale garantissant l’invisibilité du phénomène. En déplaçant les personnes dans des centres où ils ne pourront pas mourir, les gouvernants cherchent uniquement à anticiper les effets catastrophiques, dans l’opinion publique, d’un laisser-aller coupable à l’égard de citoyens relégués dans les espaces publics. Intervenir en urgence pour couper l’herbe sous le pied à la grande faucheuse, telle est la considération première qui préside à la mise en place des premiers services d’intervention d’urgence. Il n’est donc pas surprenant de constater que l’essentiel de l’action publique va se focaliser sur la “mise à l’abri” et les “plans hivernaux”, et peu importe les conditions d’accueil. Aujourd’hui, en plein hiver, des gymnases sont encore ouverts dans la plus grande des promiscuités et les élus se félicitent d’être humanistes, tandis que des “Haltes”, comme à Bordeaux, ne proposent la nuit que des sièges assis. De jour, des lieux d’accueil, les “Espaces solidarité insertion”, les vestiaires, les restaurants sociaux, les espaces précarité/santé dans les hôpitaux, instaurent une maintenance des corps.
D’où ce paradoxe : l’accent mis sur la faiblesse de l’État social [25] en général du point de vue de sa mission régulatrice (capacités d’insertion, conditions de travail des précaires) se combine ainsi avec une montée en puissance de l’État social urgentiste dans sa mission protectrice/humanitaire [26] . Cependant, la faiblesse de l’accompagnement s’apparente à un effet d’enfermement, l’inclusion périphérique dans un “circuit” dont il devient difficile de sortir définissant une action publique sans véritable retour vers le logement.
PATRICK BRUNETEAUX est chercheur en sociologie politique au cnrs et membre du Centre européen de sociologue et de science politique (université Paris I).
NOTES
[1] Michel Agier (dir.), Un monde de camps, Paris, La Découverte, 2014
[2] Marcel Mauss, Essai sur le don, Paris, puf, “Quadrige”, 2012.
[3] Michel Foucault, Naissance de la biopolitique, Cours au Collège de France, 1978-1979, Paris, Hautes Études/ Gallimard/Le Seuil, 2004.
[4] Julia Kristeva, Étrangers à nous-mêmes, Paris, Fayard, 1988.
[5] Michel Agier, Le Couloir des exilés, Bellecombe-en-Bauges, éditions du Croquant, 2011.
[6] “Un paysage global de camps”, colloque international, Ehess et Cité de l’architecture & du patrimoine, les 22, 23 et 24 octobre 2014.
[7] Michel Lussault, L’Avènement du monde, Paris, Le Seuil, 2013.
[8] Bernard Salignon, Qu’est-ce qu’habiter ?, Paris, éditions de La Villette, 2010.
[9] Jacques Derrida, De l’hospitalité, Paris, Calmann-Lévy, 1997.
[10] Ibid.
[11] Tous les chiffres présentés ici sont tirés du dernier rapport du secrétariat général du Comité interministériel de contrôle de l’immigration, Les Étrangers en France. Rapport au Parlement sur les données de l’année 2013, Paris, La Documentation française, 2014. On ne dispose malheureusement pas de chiffres plus récents.
[12] Voir Clifford Rosenberg, Policing Paris : the Origins of Modern Immigration Control Between the Wars, Ithaca, New York, Cornell University Press, 2006.
[13] 3. Voir Alex Panzani, Une prison clandestine de la police française (Arenc), Paris, Maspero, 1975.
[14] Parmi les auteurs qui ont le mieux mis en valeur cette alternance entre crises capitalistes et pauvreté, F. Braudel, Civilisation matérielle, économie et capitalisme, xve-xviiie siècle, Paris, Armand Colin, 1979 ; H. Breverman, Travail et capitalisme monopoliste. La dégradation du travail au xxe siècle, Paris, Maspero, 1976 ; J. Wilson, When Work Disappears. The World of the New Urban Poor, New York, Vintage, 1996 ; R. Castel, Les Métamorphoses de la question sociale, Paris, Fayard, 1995 ; S. Chauvin, Les Agences de la précarité. Journaliers à Chicago, Paris, Le Seuil, 2010 ; Davis M., Planète bidonvilles, Paris, Ab Irato, 2005 ; S. Beaud, J. Confavreux et J. Lindgaard (dir.), La France invisible, Paris, La Découverte, 2006.
[15] C. Girolla, "sdf à Nanterre : des hommes ni d’ici ni d’ailleurs. Chronique d’une construction discursive de l’extraterritorialité", in A. Gotman (dir.), Villes et hospitalité. Les municipalités et leurs « étrangers, Paris, EMSH, 2004, p. 235-258.
[16] P. Bruneteaux, Hors de l’usine, les mondes rêvés de Georges. Alternatives à la domination et fabrications identitaires, Rennes, Presses universitaires de Rennes, à paraître en 2016.
[17] Depuis la fin des années 1980 jusqu’au milieu des années 1990, de nombreux rapports sont commandités par la Mission interministérielle de recherche et d’expérimentation (ministère des Affaires sociales), du Plan urbain (ministère de l’Environnement), du Conseil national de l’information statistique. De grandes enquêtes publiques ont visé à recenser les “bénéficiaires”, notamment au travers de plusieurs recherches collectives de l’ined et de l’insee. Depuis, de nombreux “observatoires” et “hauts comités” poursuivent cette tâche d’objectivation publique des populations à la rue. Des dizaines de rapports publics ont fleuri. Des centaines de structures s’occupent désormais des “plus démunis”. Une fédération européenne des associations s’occupant des sans-abri (feantsa) a mené conjointement avec les commissions sociales de l’Europe de vastes enquêtes sur le “sans-abrisme”. Essentialisation administrative qui en dit long sur l’ancrage discursif de cette population dans la pensée publique des élites et intermédiaires sociaux.
[18] L’apparition du champ de l’urgence prend effet juridiquement avec le premier Plan national d’urgence contre la pauvreté et la précarité sociale, adopté en 1984. Une ligne budgétaire spécifique lui est consacrée (article 20 du chapitre 46-81) au titre des “centres d’accueil non conventionnés au titre de l’aide sociale”. Sans être armées d’un cadre juridique clair, les autorités publiques peuvent financer aussi bien des nuitées d’hôtel, des centres d’hébergement collectif de nuit ou des centres fonctionnant toute la journée. Les durées sont variables, allant d’une nuit (chu du Samu social) à plusieurs mois (Armée du salut) en passant par toute une gamme intermédiaire (Emmaüs et Secours catholique).
[19] “L’hébergement d’urgence : un devoir d’assistance à personnes en danger”, Xe rapport du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, décembre 2004, p. 54.
[20] P. Bruneteaux (dir.), Les Enfants de Don Quichotte, Vincennes, Presses universitaires de Vincennes, 2013.
[21] Désormais, sans pouvoir de contrainte (sauf en hiver où le principe de non-assistance à personne en danger légalise la prise de force), cette police ressemble le plus souvent au Samu social ou aux maraudes associatives intervenant pacifiquement auprès des personnes à la rue.
[22] E. Liebow, Tell Them Who I Am. The Lives of Homeless Women, New York, The Free Press, 1993 ; T. Wright, Out of Place. Homeless Mobilizations, Subcities, and Contested Landscapes, New York, State University of New York Press, 1997 ; V. Lyon-Callo, “Medicalizing Homelessness : The Production of Self-Blame and Self-Governing within Homeless Shelters”, Medical Anthropological Quarterly, vol. 14, no 3, septembre 2000, p. 328-345 ; Bruneteaux P. & D. Terrolle, L’Arrière-Cour de la mondialisation. Ethnographie des paupérisés, Bellecombe-en-Bauges, éditions du Croquant, 2010 ; M. Hours, La Pauvreté et l’assistance au Japon : traitement administratif et vécu des allocataires, thèse de lettres, mention sociologie, Paris VII, 2012.
[23] Rapport ena, op. cit., p. 17.
[24] Chiffre avancé par la direction d’Emmaüs, avalisé par la fnars lors d’une réunion préparatoire à un colloque sur l’urgence, chu André-Jacomet, septembre 2006.
[25] L. Bonelli & W. Pelletier, L’État démantelé. Enquête sur une révolution silencieuse, Paris, La Découverte/ Le Monde diplomatique, 2010.
[26] C. Bec, L’Assistance en démocratie. Les politiques assistantielles dans la France des xixe et xxe siècles, Paris, Belin, 1998.