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L’émigration clandestine sénégalaise

Cheik Oumar Ba
Alfred Iniss Ndiaye
Dr Cheikh Oumar Ba est sociologue, coordonnateur adjoint de l’Initiative prospective agricole et rurale (IPAR), spécialiste en migration et genre, expert en politiques agricoles et rurales et membre fondateur du Centre de recherches sur les politiques sociales au Sénégal (...)
Dr Alfred Iniss Ndiaye est sociologue, enseignant chercheur à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, spécialiste en sociologie du travail et des organisations, membre fondateur du Centre de recherches sur les politiques sociales au Sénégal (CREPOS).

citation

Cheik Oumar Ba, Alfred Iniss Ndiaye, "L’émigration clandestine sénégalaise ", REVUE Asylon(s), N°3, mars 2008

ISBN : 979-10-95908-07-4 9791095908074, Migrations et Sénégal., url de référence: http://www.reseau-terra.eu/article717.html

résumé

Contrairement aux idées reçues, l’émigration clandestine n’est pas un phénomène nouveau. Cet article a pour objet de dresser un portrait de l’émigration clandestine en provenance du Sénégal. Devant la persistance et l’amplification du phénomène, il analyse les principaux déterminants de la migration tout en éclairant le rôle des différents acteurs impliqués. Il analyse également les conséquences de ce phénomène pour interroger les politiques mises en œuvre sur cette question.

Introduction

A l’image de la migration régulière, l’émigration clandestine est un phénomène relativement ancien. Les chercheurs de diamant en route vers l’Afrique centrale recouraient au début des années 1960 à des itinéraires illégaux et à des activités plus ou moins licite au regard des législations des pays hôtes. Les vagues de migrations des « gens de la vallée » du fleuve Sénégal, suite aux sécheresses des années 1970 ont amplifié ce phénomène secrétant des dispositifs d’accompagnement et d’encadrement des migrants, à travers les passeurs, les njatigui/coxers [1], aussi bien dans les pays traversés que dans les pays d’accueil.

Depuis le début du troisième millénaire, le durcissement des politiques migratoires dans les pays traversés et d’accueil et les conditions de vie de plus en plus difficiles dans les pays de départ, ont changé le visage de la migration clandestine. Elle est devenue massive et trop risquée. Elle devient une migration de désespoir au regard des moyens utilisés. En plus des routes du désert, la traversée de l’océan atlantique à bord d’embarcations fragiles est devenue un moyen privilégié par les candidats à l’émigration pour rejoindre directement les côtes espagnoles. Beaucoup d’entre eux, malheureusement, restent au fond de l’océan ou dans les sables du désert. S’ils ne le sont pas, ils endurent beaucoup de souffrances en mer ou dans les pays traversés.

Elle devient aussi une migration d’espoir. Le mot « clandestin » désigne aujourd’hui au Sénégal les personnes qui empruntent illégalement des pirogues pour se rendre en Europe. Le clandestin est celui qui brave la mer, la faim et la soif, celui qui risque sa vie pour atteindre un objectif noble, celui d’accéder au marché du travail et de chercher à sortir sa famille de la pauvreté. On parle de Mbëk, barça mba barsakh [2] ou bien encore de kaaliss kewdo walla agneere woddunde  [3]. Tous ces termes rappellent dans la conscience collective des africains de l’ouest l’épopée guerrière [4] des diamantaires haalpularen et Soninke notamment, originaires de la vallée du fleuve Sénégal (Mali, Mauritanie, Sénégal) dans les années 1970. Ainsi, pour les jeunes sénégalais, émigrer clandestinement en empruntant des pirogues est plutôt un choix valorisant.

Emigré par rapport au pays d’origine, immigré par rapport au pays d’accueil, les migrants attirent de plus en plus l’attention des gouvernants, des décideurs politiques et des organisations des Droits de l’Homme. La migration, qu’elle se fasse dans les règles ou dans la clandestinité est sujette à des trafics d’influence ou de manipulations. Les migrants économiques, les demandeurs d’asile et les réfugiés empruntent le plus souvent les mêmes itinéraires et les mêmes filières. Pour les migrants en transit, le passage de la légalité à l’illégalité ne tient qu’à un fil. La clandestinité peut surgir tout au long du processus migratoire. Le migrant peut accéder légalement dans un pays de transit ou de destination, y séjourner en toute légalité : il suffit qu’il dépasse la période de transit autorisée pour qu’il devienne irrégulier. Il est possible également qu’un étranger puisse accéder illégalement dans un pays tiers, y séjourner illégalement et sortir en toute légalité pour accéder ensuite illégalement à un autre pays. Toujours est-il que, de nos jours, émigrer légalement ou illégalement, tente une grande partie de la jeunesse sénégalaise.

La présente contribution a pour objet de faire l’état des lieux de la question de l’émigration clandestine sénégalaise. Elle tente d’expliquer la persistance du phénomène en éclairant le rôle de tous les acteurs clés qui, à des degrés différents, tirent profit de la migration. Elle montre aussi que tout le processus de l’émigration clandestine repose sur la violation des droits humains. Enfin, elle analyse les principales solutions alternatives pour en montrer l’intérêt et les limites.

Les principaux déterminants de la migration

Plusieurs facteurs sont généralement cités comme étant à l’origine de la migration en générale. En milieu urbain, l’accentuation du sous-emploi, l’accroissement de la pauvreté, la généralisation du chômage, la précarité et la faible rémunération du travail sont des éléments qui accentuent l’émigration. La dégradation généralisée des conditions de vie en milieu rural constitue en soi un facteur répulsif qui pousse la plupart des jeunes à partir. La crise de l’agriculture due à la faiblesse de la pluviométrie, à la sécheresse, au manque de matériel agricole performant, à la faible productivité du travail agricole, au renchérissement du prix des engrais et à la dépréciation des matières premières (arachide, coton) ne laisse aucune possibilité d’épanouissement aux jeunes. En plus, l’inadaptation de la formation scolaire au monde du travail et l’échec scolaire incitent beaucoup de jeunes diplômés et de sans emploi à partir. Du côté des travailleurs qualifiés (ingénieurs, médecins, sages-femmes, enseignants, etc.), le bas niveau des salaires les pousse à s’expatrier à la recherche de meilleures conditions de vie.

Dans tous les entretiens [5], les migrants clandestins évoquent constamment l’impossibilité de trouver un emploi et l’absence de toute perspective d’insertion professionnelle comme étant les premiers facteurs qui les poussent à partir. Sans avenir, les jeunes ont le sentiment de mourir lentement dans leur pays. Emigrer est pour eux une alternative à la situation que leur offre leur pays. L’émigration est d’abord vécue comme un refus de la dévalorisation de leur condition d’être humain et une révolte face à la déchéance. Dans cette perspective, émigrer devient une quête individuelle et une affirmation de soi.

Le malaise ressenti par les jeunes s’est accentué depuis un certain nombre d’années sous l’effet des changements importants intervenus au sein de la plupart des sociétés et familles africaines. L’urbanisation croissante et son corollaire qui est la montée de l’individualisme conduisent à la nécessité de se prendre en charge dans une société pourtant en crise. La migration parait être un élément important pour le salut. Dans les familles, les mécanismes de solidarité s’affaiblissent chaque jour du fait de l’approfondissement de la crise économique et de la progression de la pauvreté. L’image du jeune chômeur qui se couchait et se réveillait tard, qui était assuré de prendre ses repas quotidiens, qui buvait tranquillement son thé à longueur de journée en écoutant de la musique, tend à disparaître progressivement. Le regard des autres pèse de plus en plus sur le jeune chômeur et le contraint de sortir de la maison. Ce regard devient inquisiteur dans les familles polygames où la rivalité entre les demi-frères est la règle. Le départ d’un demi-frère en Europe est une raison suffisante pour faire la même chose. C’est sur fond de rivalité entre co-épouses que les mères de familles encouragent leurs enfants à émigrer. Elles participent d’ailleurs souvent au financement de leur voyage vers l’Espagne et au-delà.

Le décalage entre le vécu quotidien des migrants potentiels et l’image qu’ils se forgent de l’Espagne crée un « imaginaire migratoire » qui alimente à son tour le désir de partir. Dans le discours des migrants clandestins, on observe une « envie d’ailleurs » très forte, le « rêve d’Europe ». Comme le résume un jeune émigré rapatrié d’Espagne en 2006 : « au Sénégal c’est la misère et l’Espagne c’est le Paradis » [6]. Les migrants pensent que la réussite est au bout du voyage et que la fin justifie les moyens. Face à ce qu’ils considèrent comme l’archaïsme de leur propre société, les jeunes perçoivent l’Europe comme un eldorado. Cette perception est alimentée par les télévisions qui présentent les pays européens à travers des images de richesse, de liberté et de bonheur.

Le choix et la décision de partir des candidats à l’émigration clandestine sont aussi influencés par l’image que propagent les émigrés en vacances dans le pays. Les émigrés qui reviennent au pays sont perçus comme des modèles de réussite. Ils circulent à bord de belles voitures, possèdent dans certaines localités rurales les plus grandes maisons. Ils font étalage de biens matériels acquis en Espagne. Aux yeux des jeunes restés au pays, ceux qui sont partis ont réussi très vite. Réussir veut dire construire sa propre maison, se marier en organisant une grande cérémonie, financer le pèlerinage à la Mecque de ses parents et circuler dans de grosses voitures. Ces signes extérieurs de richesse amènent de plus en plus de jeunes gens à vouloir s’expatrier pour gagner de l’argent et imiter ces émigrés. Dans les sociétés de départ, il existe une forte considération pour les émigrés. Beaucoup de familles qui vivent décemment comptent des émigrés parmi leurs membres. Et cela a un impact très important sur la mentalité des gens. Beaucoup de jeunes pensent qu’il leur faut aller en Europe pour réussir dans la vie. Dans cette perspective, pour la plupart des jeunes, la fin justifie les moyens. Un jeune confiait : « en me lançant dans la migration clandestine, j’ai 50% de chance de mourir dans le désert ou dans l’Océan et 50% d’atteindre mon objectif. Or, en restant au pays, je suis presque sûr à 100% de mourir à petit feu » [7].

A côté des jeunes déscolarisés ou jeunes chômeurs, les travailleurs au revenu faible comme les artisans et les petits commerçants du secteur informel sont aussi des candidats à l’émigration clandestine. La difficulté de vivre avec de maigres ressources pousse beaucoup de jeunes actifs à émigrer. D’ailleurs, au regard des sommes investies durant tout le processus de migration, on peut s’interroger sur le fait de savoir si ceux qui choisissent la voie maritime sont les plus pauvres. Au contraire, ils disposent déjà de près de 1000 dollars pour se lancer à l’aventure, ce qui suppose l’existence d’une épargne.

Le rappel des principaux facteurs déterminant la migration en général n’explique pas pour autant pourquoi la migration clandestine est devenue aujourd’hui la règle et pourquoi elle s’est massifiée. Sur ce plan, des éléments liés à la mondialisation de l’économie jouent un rôle de premier plan.

La Migration clandestine et sa massification

Des études [8] ont montré que la migration clandestine répond à un besoin objectif de main d’œuvre dans beaucoup de pays d’accueil. Les employeurs de certains secteurs (agriculture, construction) cherchent une main d’œuvre bon marché, ce que peut leur offrir la migration clandestine. Ainsi, les étrangers en situation irrégulière trouvent assez facilement à s’employer dans toute l’Europe, le travail au noir constituant le véritable facteur d’appel des migrants. L’immigration clandestine se nourrit d’elle-même, un départ appelant de multiples autres.

L’Espagne offre un exemple de politique ambiguë d’immigration. D’une part, elle a un besoin objectif d’une main d’œuvre bon marché dans ses secteurs en croissance comme la pêche, l’agriculture et le bâtiment. Elle l’a signifié en régularisant au début de 2000 des centaines de milliers de travailleurs clandestins, ce qui, en soi, constitue un formidable appel d’air. D’autre part, influencée ou contrainte par les politiques communes européennes de contrôle des visas, elle veut durcir les conditions d’entrée dans son territoire. Par ailleurs, l’Espagne ferme les yeux face à tous les clandestins qui réussissent à franchir sa frontière. Le travail clandestin y est peu réprimé, il est même quasiment toléré. Les migrants clandestins ont vite compris cette ambiguïté de la politique espagnole qui, dans une grande mesure, est la source principale de la montée de l’immigration clandestine.

Deux autres éléments ont joué un rôle fondamental dans l’essor de la migration clandestine. La présence d’un réseau d’entraide constitué est au cœur de toute la dynamique de la migration clandestine. Le paramètre décisif du choix d’un pays de destination est la possibilité d’obtenir un travail, d’exercer un emploi au noir, grâce notamment à la présence de contacts familiaux ou claniques sur place. Et tous les migrants clandestins ouest-africains qui parviennent à entrer en Espagne sont facilement accueillis par des compatriotes et parents établis sur place. L’essentiel pour un migrant est d’atteindre les côtes espagnoles, l’accueil et l’insertion étant facilitées par des compatriotes.

L’existence de puissants réseaux de passeurs transnationaux qui animent le commerce des migrants est un autre élément de contexte qui a contribué à la brusque massification des flux irréguliers vers l’Europe, notamment vers l’Espagne. Les réseaux de passeurs ont bien exploité la « mine d’or » que constitue l’organisation du commerce des migrants vers l’Espagne. Dans un espace fortement marqué par le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication, les passeurs ont rapidement réussi à globaliser le phénomène de la migration clandestine. Une pirogue qui quitte Dakar peut être réservée à M’Bour, Saint louis, Nouakchott et Nouadhibou avant de prendre le cap des îles Canaries. « Ce qui nous intéresse c’est où va la pirogue, peu importe d’où elle vient et qui est à bord » répond un rescapé malien à qui on avait demandé comment il s’était retrouvé avec des migrants d’autres nationalités ayant pris la pirogue en des endroits différents.

L’animation de la migration clandestine étant très lucrative [9], de petits et de grands trafiquants ont très vite noué des alliances avec certains milieux d’affaires et de l’administration centrale dans un climat de grande corruption. Ils ont aussi consenti rapidement à un investissement important en équipement de voyage (nouvelle et grande pirogue, moteurs neufs et GPS), en carburant, en denrées alimentaires et en produits pharmaceutiques. On pouvait remarquer l’utilisation de pirogues de plus en plus grandes pour augmenter les profits par voyage. Les réseaux de passeurs sont généralement constitués au sein des familles de pêcheurs de certaines localités à Saint-Louis et Dakar. Ces familles connaissent bien les routes maritimes menant vers l’Espagne et l’Europe. Les réseaux s’appuient aussi sur des rabatteurs et bénéficient, grâce à la corruption, de la complicité des autorités administratives.

Dans la plupart des entretiens, les migrants clandestins affirment qu’ils ont toujours voulu partir en Espagne. Mais, le pas décisif a été franchi grâce à l’offre de voyage qui leur a été faite par des rabatteurs dans leur propre quartier. Avec la multiplication des réseaux de passeurs, les jeunes candidats ont eu plus d’opportunité pour faire le voyage moyennant une somme comprise entre 300 000 Fcfa et 1 000 000 Fcfa, mais la moyenne reste 400 000 Fcfa.

Les milieux d’affaire dans les pays d’accueil et les réseaux de passeurs internationaux sont les acteurs principaux bénéficiaires de la migration clandestine. Cependant, en amont, de par leurs attitudes, les communautés des pays de départ ont beaucoup contribué à alimenter le phénomène.

La famille et la communauté, actrices de la migration clandestine

La famille, la communauté, les marabouts, interviennent aussi bien en amont qu’en aval du processus migratoire. Ils agissent en tant qu’acteurs qui peuvent tirer des profits économiques et symboliques du phénomène de la migration.

Financer le voyage de leurs enfants en Europe est un investissement pour beaucoup de parents. Emigrer peut rapporter argent, réussite et bonheur. Pour cela, les parents sont prêts à s’endetter, à vendre leurs bijoux ou bétails pour réussir leur projet. Ainsi, des sommes importantes sont versées au candidat à la migration par les membres de sa famille. L’émulation entre voisins amplifie le phénomène. « Nos voisins ont réussi pourquoi pas nous ? » [10]. Celui qui bénéficie de l’appui de la famille pour partir à l’aventure est conscient de cet enjeu. Alors, il lui faut réussir à tout prix : “partir en Europe ou mourir”. Pour certains migrants, c’est une question d’honneur, c’est un combat contre l’adversité. Celui qui échoue devient la « honte de la famille ». C’est pourquoi, la plupart des refoulés ne souhaitent pas retourner dans leur famille. Ils préfèrent rester dans les centres urbains pour ne pas avoir à vivre la honte : "plutôt la mort que la honte".

Les marabouts sont aussi mis à contribution pour prédire l’aboutissement du voyage, apporter avant l’aventure. Beaucoup de migrants portent des gris-gris qui sont censés assurer la réussite de l’entreprise.

La famille et les communautés jouent ainsi un rôle actif dans l’augmentation des flux migratoires clandestins. Le rôle de la famille, de la mère de famille en particulier, se situe à plusieurs niveaux. Le harcèlement quotidien qu’elle exerce sur le jeune chômeur ou travailleur ayant des revenus modestes pour qu’il tente d’émigrer comme les autres peut avoir une certaine efficacité. Le discours de la mère se fonde sur la nécessité d’aider à la survie de la famille. Dans les entretiens, beaucoup de candidats ont admis qu’ils ont subi une très forte pression de la famille. Ils n’avaient pas d’autre choix que de tenter l’aventure comme untel qui vivait dans le quartier et qui a réussi à atteindre l’Espagne. Des mères ont admis avoir elle-même encouragé leurs fils à partir.

La mère de famille, le grand frère ou l’oncle ont souvent assuré le financement du voyage. Si certains candidats ayant des petits métiers dans le commerce ou l’artisanat ont épargné pour payer leur voyage, beaucoup de jeunes chômeurs n’avaient pas d’autre choix que de s’appuyer sur la solidarité familiale. Dans la plupart des cas, la mère de famille a assuré toute la préparation mystique du voyage. Avec la bénédiction très prisée de sa mère, le jeune candidat à l’émigration pouvait braver tous les dangers, convaincu que rien ne pourrait lui arriver. Cet engagement de la mère explique en partie pourquoi beaucoup de jeunes ont accepté de prendre les pirogues en connaissance de cause de tous les dangers. Cependant, certains jeunes sont partis à l’aventure sans en informer au préalable leurs parents. Mais, ils sont une minorité.

Pour de nombreuses familles démunies, la migration des enfants demeure l’unique solution pour pallier leur misère. L’exemple de migrants qui ont réussi et fait le bonheur de leur parent joue un rôle de catalyseur au sein des communautés. Dans la plupart des pays à forte migration, il devient quasiment impossible de trouver une fille à marier si le prétendant n’a pas de ressources matérielles. On comprend mieux pourquoi la famille et la communauté contribuent de manière importante à alimenter le phénomène migratoire.

Donc, les milieux d’affaires, les réseaux de passeurs, les familles et communautés « gagnent » dans la poursuite de la migration clandestine. Mais quand est-il du migrant alors ? Il peut gagner à condition de réussir un triple pari : travers le désert et/ou l’océan, atteindre les côtes espagnoles, et être accepté par les autorités de ce pays. Ce qui est de loin facile. Naturellement, chaque migrant est prêt à affronter ces épreuves.

Les itinéraires migratoires

L’émigration clandestine des ouest-africains vers l’Espagne a généralement emprunté deux principaux itinéraires : l’itinéraire mixte terrestre – maritime et l’itinéraire maritime.

Les premiers émigrés clandestins ont d’abord tenté de franchir la frontière hispano-marocaine, après une longue traversée des routes du désert. D’autres, embarquaient à partir de la Mauritanie. Ces points de départ du Nord privilégiés par les candidats à l’émigration clandestine ont été pratiquement neutralisés par le dispositif de surveillance mis en place par les autorités espagnoles en collaboration avec les autorités marocaines et mauritaniennes [11].

Après la mise en place de patrouilles côtières, les migrants se sont rabattus sur des plages moins surveillées, comme celles du Sénégal, de la Gambie, de la Guinée Conakry et de la Guinée Bissau. Les côtes ouest-africaines, et les côtes sénégalaises en particulier, sont donc devenues les points de départ pour de nombreux candidats à l’émigration clandestine vers l’Europe. Ils embarquent [12] ainsi à bord de grandes pirogues à destination des îles Canaries situées à quelque 1 500 kilomètres de la côte sud du Sénégal.

Il existe plusieurs itinéraires terrestres pour se rendre en Europe. Ils sont caractérisés par la complexité et leur manque de linéarité. Ils aboutissent soit en Italie (îles de Lampedusa), soit en Espagne (Iles Canaries). L’axe central conduit vers Agadez, Tamanrasset et Sebha et aboutit généralement en Libye pour tenter de joindre l’Italie ou de revenir sur l’Algérie avant de repartir sur le Maroc. L’axe périphérique passe par la Mauritanie et traverse le Sahara pour rejoindre le Maroc pour ceux qui veulent atteindre l’Espagne.

La migration clandestine repose sur un vaste réseau de circulation humaine avec des sites de départ, de transit et d’arrivée. Les voies terrestres, maritimes et aériennes sont utilisées par les migrants clandestins et très souvent on trouve la combinaison de deux ou même trois de ces moyens, impliquant la voie ferroviaire. Les itinéraires ne sont pas fixes et varient constamment suivant les circonstances. De l’axe central on peut se rabattre sur l’axe périphérique ou vice versa, suivant les opportunités de passage qui se présentent au fil des rencontres et des itinéraires

Carte n°1 : Les Migrations entre les deux rives du Sahara

Sources : IRD/CNRS, 2005

Par le hasard de la géographie, la Mauritanie devint à la fin des années 1990 l’un des principaux centres de transit des migrants clandestins ouest-africains vers l’archipel des Canaries, distantes de 800 km de ses côtes. A partir de 2006, la Mauritanie a procédé, avec le concours de l’Union européenne, au renforcement du contrôle de ses côtes. Une fois encore, d’autres alternatives furent trouvées par les passeurs avec l’exploitation des côtes sénégalaises, gambiennes et capverdiennes plus éloignées de l’Espagne. Le trajet est long et périlleux à partir de Saint-Louis (7 à 10 jours de mer), d’où la grande fréquence des naufrages des frêles embarcations, munies seulement de GPS et dépourvues de tout système de sécurité. Le voyage se fait à bord de pirogues communément appelées samba laakhara en pulaar c’est-à-dire « samba qui va vers l’au-delà » ou locco en wolof du fait de leur précarité et des risques encourus par ceux qui ont recours à ce mode de transport.

Carte n°2 : Les nouvelles filières vers l’Europe

Ce nouvel itinéraire allant directement de la côte ouest-africaine aux îles espagnoles des Canaries est certes plus direct, mais comporte des risques plus importants. A l’inverse du parcours terrestre ponctué par des arrêts plus ou moins longs, la migration clandestine par pirogue est linéaire et les migrants sont donc plus exposés aux patrouilles des côtes. Après le départ, la devise c’est « Barça ou Barsakh ». Le moyen terme n’existe pas comme dans le cadre des itinéraires terrestres, où les migrants peuvent réajuster leurs stratégies en fonction des difficultés rencontrées en cours de parcours.

Les principaux itinéraires migratoires n’offrent aucune sécurité aux migrants. Les routes du désert sont aussi périlleuses que les routes maritimes. Malgré tout, des milliers de migrants ont réussi ces dernières années à rejoindre les côtes espagnoles et à trouver du travail en Espagne.

Les conséquences de la migration clandestine

Les conséquences de la migration sont suffisamment documentées. Reste à évaluer l’impact économique, politique et social de la récente vague de la migration clandestine. Cette migration a la particularité d’échapper à toute forme de planification, même si elle est organisée par des réseaux criminels. Ces derniers tentent de satisfaire la demande de voyages existante sur le marché. Tout candidat à l’émigration, quelque soit son occupation, son milieu d’origine, son sexe, peut être pris en charge par ces réseaux, contre paiement cash du prix du voyage.

Le départ massif de jeunes peut gêner le processus de développement d’un terroir ou d’une localité. Cela est d’autant plus marquant que ce sont les actifs les plus entreprenants qui tentent l’aventure. Le cas de la région de Saint-Louis est illustratif des conséquences économiques et sociales de la récente vague de la migration clandestine. Elle a été à l’origine du dépeuplement de certaines localités de leur population active jeune. En un moment donné, par manque d’effectifs de joueurs, certains villages n’étaient pas en mesure d’organiser la compétition traditionnelle de football (navétanes) pendant la période des grandes vacances scolaires qui coïncide avec la période d’hivernage. On imagine le manque de main d’œuvre nécessaire à l’appui des travaux agricoles. La mobilisation des pirogues pour animer la migration et le départ de jeunes pêcheurs ont accentué la raréfaction du poisson sur les marchés de Saint-Louis qui est pourtant un grand port de pêche artisanale.

La migration clandestine a une autre face cachée. Beaucoup de familles souffrent de la disparition dans des conditions dramatiques d’un ou de plusieurs des leurs dans le désert du Sahara ou dans l’Océan Atlantique. En particulier, les mères de famille souffrent et souffriront toujours de la disparition de leurs enfants. Certaines d’entre elles avouent imaginer que leurs enfants font partie de ceux qui se sont suicidés en pleine mer et qui ont été mangés par des requins. Elles gardent pour le restant de leur vie ce sentiment de culpabilité devant leur incapacité de retenir leur enfant qui souhaitait simplement avoir une vie meilleure. Ce sentiment de culpabilité est d’autant plus fort que ces mères de famille pensent que leur enfant voulait leur venir en aide, notamment dans les familles polygames.

En outre, de nombreux émigrés clandestins rapatriés d’Espagne sont complètement désemparés. Ils souffrent du traumatisme du voyage en mer et de leur expulsion qui a souvent eu lieu dans des conditions humiliantes. Ils ont aussi un sentiment de honte d’avoir échoué à regagner l’Espagne comme d’autres qui habitent leur quartier. Cette catégorie de rapatriés d’Espagne n’a généralement pas réussi à se réadapter à la vie sociale. Elle prépare une autre tentative pour regagner l’Espagne, en dépit des risques réels encourus, même si l’option de la pirogue semble être récusée par le plus grand nombre d’entre eux.

Dans l’opinion, auprès des candidats migrants, des familles et des autorités, il existe souvent une forte fixation sur les migrants qui ont réussi à rejoindre l’Espagne et trouvé du travail. Cette focalisation alimente des attitudes ambiguës de la part de l’Etat et des familles relatives à la gestion de la migration clandestine.

L’Etat perçoit l’émigration comme un phénomène pouvant contribuer à la stabilité politique. Elle permet de diminuer le nombre de chômeurs favorisant ainsi à la paix sociale. Alors que les envois monétaires constituent une manne financière susceptible d’assurer la survie des familles et, dans une moindre mesure, d’impulser le développement local. Les familles, quant à elles, persistent dans leur attitude de soutien de leurs candidats migrants malgré tous les risques connus.

Seule une infime partie de rapatriés d’Espagne a réussi à faire le deuil de l’émigration. Les souffrances endurées pendant le voyage en bateau et pendant le rapatriement par les autorités espagnoles ont facilité une sorte de démystification de l’émigration. La forte désillusion consécutive à l’échec de la tentative de rejoindre l’Espagne a favorisé une sorte de prise de conscience face à la nécessité de se battre pour s’insérer socialement et économiquement dans sa propre société. Certains de ces anciens émigrés ont crée des associations pour informer les jeunes de leur quartier des dangers de l’émigration clandestine et du mythe construit autour de la migration en Europe.

Conclusion : les politiques alternatives en question.

L’ambivalence des acteurs face au phénomène de la migration clandestine, explique, en partie, les limites des politiques alternatives. Il existe des initiatives communautaires visant à sensibiliser les jeunes sur les dangers de la migration clandestine. Elles sont toutefois très circonscrites, et, par faute de moyens, le message porte peu. Les jeunes sont souvent conscients des dangers qu’ils encourent en se lançant dans la migration clandestine, mais face à l’espoir, faible soit-il, d’atteindre leur but, tous les risques semblent permis. Toute sensibilisation se doit de s’accompagner par des actions concrètes en faveur des jeunes [13].

L’Etat du Sénégal tente de combiner plusieurs solutions alternatives, sécuritaires et de développement. La première consiste, avec l’aide des pays du Nord, à renforcer la surveillance des côtes pour éviter les départs de clandestins par pirogue vers l’Espagne. Ce dispositif n’a pas arrêté les flux, mais a contribué à les diminuer. Les jeunes candidats à l’émigration continuent de débarquer sur les îles des Canaries. Les passeurs arrivent toujours à contourner le dispositif de sécurité avec l’aide notamment d’autorités administratives corrompues. Une véritable économie s’est développée au point de faire naître une nouvelle catégorie d’entrepreneurs de la migration clandestine dont les réseaux s’étendent jusque dans les pays d’accueil.

Le Sénégal a crée le Plan retour vers l’Agriculture (Plan REVA) que les jeunes ont rejeté en disant : « le Plan REVA ne nous fait pas rêver ». L’agriculture n’a jamais attiré les jeunes, elle n’a jamais été valorisée. Les jeunes qui veulent partir vers l’Europe rêve de s’enrichir vite, donc le plan REVA n’est pas pour eux une alternative salutaire à l’émigration. Beaucoup de jeunes affirment être nés et avoir grandi dans les villes, donc ayant des rapports très distants avec le milieu rural. Aussi, le Plan REVA est perçu comme un simple outil de propagande politique des autorités, les jeunes doutant fortement de la volonté du gouvernement à s’intéresser à leur avenir. Certains acteurs du monde rural, comme le Conseil National de Concertation et de Coopération des Ruraux (CNCR) principale organisation paysanne du Sénégal a aussi émis de grandes réserves sur les chances de succès du Plan REVA. Ce Plan est généralement assimilé à un leurre, rejoignant le point de vue des jeunes qui devraient en être les principaux bénéficiaires. Pour ces acteurs, si la volonté de l’Etat était réelle, on aurait dû commencer par stabiliser ceux qui souhaitent vivre de l’agriculture et qui se sentent contraints à quitter leur terroir face aux crises du secteur agricole (filières arachide, halieutique, élevage…).

La troisième solution alternative apparaît, pour le moment, comme étant la plus rassurante. L’accord de partenariat signé entre l’Espagne et le Sénégal, pour contingenter de jeunes travailleurs migrants saisonniers peut, à terme, réguler la migration clandestine. Plusieurs contingents aux effectifs réduits ont déjà été convoyés vers l’Espagne.

De manière générale, dans leurs négociations avec leurs homologues du Nord, les pays du Sud réclament à leur tour la levée des contraintes à la libre circulation de la main-d’œuvre à l’instar de ce qui se fait dans le domaine de l’échange des biens et services ainsi que dans la communication. Les préoccupations des gens du Nord et du Sud sont différentes, ils n’utilisent pas le même langage face à ce qui apparaît comme un véritable drame à visage humain. Au Nord, les autorités ont d’abord essayé le tout sécuritaire, avant de se rendre compte face à la détermination des clandestins et à la mobilisation de la société civile que la répression n’est pas l’unique solution. Dans cette perspective, l’organisation de l’émigration à travers le contingentement de travailleurs saisonniers, se présente comme une solution « humaine » à la migration clandestine. La seule alternative durable est celle de relancer le développement économique du pays, dont le secteur agricole au sens large pourrait en constituer un des moteurs de relance : amélioration de l’environnement de la production, privatisation du foncier, développement des activités non agricoles en milieu rural et diversification des secteurs productifs à forte utilisation de main-d’œuvre nationale, réduction du décalage entre les politiques prônées et les pratiques des acteurs aussi bien urbains que ruraux. La satisfaction de ces conditions donnerait aux jeunes le choix de partir ou de rester, loin de la seule option qui leur est aujourd’hui donnée par des politiques de développement sectorielles pour un problème complexe et multidimensionnel : partir ou périr.

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NOTES

[1] Nom wolof qui signifie Intermédiaire

[2] Cela pourrait se traduire par ‘Barcelone ou le Paradis, comme si c’était un jihad. Le terme barzakh proviendrait de l’arabe qui signifierait la félicité

[3] En peul cela signifie littéralement signifie « beaucoup d’argent ou tombeau lointain de la patrie », c’est-à-dire « Mieux vaut mourir loin de la misère de la communauté que d’assister impuissant devant la descente aux Enfers ».

[4] Elles rappellent également le fergo oumarien (Cheikh Oumar Foutiyou Tall) et ses prolongements en Afrique de l’Ouest notamment, voir Wele, 1976.

[5] Les résultats présentés reprennent en grande partie les conclusions de l’étude que les auteurs ont conduite pour le compte de l’OSIWA sur l’émigration clandestine en Afrique de l’Ouest (voir, Bâ, 2007). Cette étude a été menée sur la base d’entretiens avec les décideurs et ONG, et de récits de vie recueillis auprès de jeunes migrants clandestins, candidats ou rapatriés.

[6] Un jeune émigré de 16 ans, rapatrié d’Espagne en 2006 avec son frère de 25 ans et originaire de Thiaroye sur Mer, Dakar, Sénégal. Entretien réalisé en août 2007 dans le cadre de l’étude commanditée par OSIWA et conduite par Ndiaye en 2007 sur le cas du Sénégal.

[7] Le discours de ce jeune, originaire de Kayar, une zone de pêche non loin de Dakar, août 2007, renvoie à la comparaison entre la « mort sociale » et la « mort physique ».

[8] Voir notamment Tandonnet, 2003

[9] Chaque passager doit débourser 600 euros en moyenne avant d’embarquer dans les pirogues

[10] Entretien réalisé par Alfred Ndiaye à Guet Ndar, en juillet 2007 dans le cadre de l’étude sur les migrations clandestines commanditée par OSIWA.

[11] Voir, Bâ, Cheikh Oumar et Armelle Choplin, 2005. Dans leur article, les auteurs montrent, sur la base de recoupements d’informations auprès des communautés d’immigrants installés à Nouadhibou et des autorités locales, qu’à peine 5% de migrants seulement arrivent à rejoindre l’Espagne par la Mauritanie.

[12] Généralement entre 70 et 100 passagers par pirogue

[13] Au Sénégal, chaque année, c’est plus de 160 000 jeunes de 20 ans qui arrivent sur le marché de l’emploi, dont plus de la moitié devait rester encore à l’école (Faye et alii, 2006). Les deux tiers n’arrivent pas à s’insérer professionnellement et sont en proie à la débrouillardise (activités informelles : vente à la sauvette, marchands ambulants, occupation sauvage des trottoirs pour vendre des cartes téléphoniques, des mouchoirs à jeter….