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La couverture médiatique du Collectif pour la lutte contre l’immigration clandestine de Thiaroye-sur-Mer (Dakar- Sénégal). Une mise en abîme du discours produit au « Nord » sur le « Sud »

Emmanuelle Bouilly
Emmanuelle Bouilly est doctorante en science politique au CRPS de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Dans le cadre de sa thèse, elle poursuit ses recherches débutées en master recherche Etudes Africaines portant sur « Genre et action collective au Sénégal : les mobilisations féminines consacrées à la migration. ». Ses travaux s’intéressent plus (...)

citation

Emmanuelle Bouilly, "La couverture médiatique du Collectif pour la lutte contre l’immigration clandestine de Thiaroye-sur-Mer (Dakar- Sénégal). Une mise en abîme du discours produit au « Nord » sur le « Sud » ", REVUE Asylon(s), N°3, mars 2008

ISBN : 979-10-95908-07-4 9791095908074, Migrations et Sénégal., url de référence: http://www.reseau-terra.eu/article721.html

résumé

Cet article se propose à partir d’une revue de presse internationale d’examiner les causes du succès médiatique du Collectif des femmes pour la lutte contre l’immigration clandestine de Thiaroye-sur-Mer, mais également de définir la nature du contenu médiatique dont il a fait l’objet. L’analyse sémantique du traitement médiatique est révélatrice d’une écriture journalistique homogénéisante et stéréotypée à propos des femmes africaines et de la migration. Les femmes de Thiaroye sont ainsi dépeintes sous le prisme d’une figure genrée, la « mère courage », à mi-chemin entre la victime, la coupable et la pasionaria. Les migrants clandestins, quant à eux, qualifiés d’ « aventuriers » ou de « miséreux » sont abordés sous le double registre de l’assentiment et de la réprobation morale.

Mercredi 27 septembre 2006
Yayi Bayam Diouf, Présidente du Collectif pour la lutte contre l’immigration clandestine, pleure en voyant arriver Ségolène Royal. Celle-ci la prend dans ses bras en lui disant :
« - Bonjour, oh, faut pas pleurer… oh ça vous rappelle votre fils ça, hein, …oh ça va aller, regardez, c’est bien ce que vous faites pour les autres, ça va aller… ah ça lui rappelle son fils, hein c’est ça, comment il s’appelait votre fils ?
- Il s’appelait Alioune Mar…
- Ça s’est passé quand alors ?...
- Ça c’est passé au mois de mars
- Mars !... oh aller …ça va aller, c’est bien ce que vous faites pour les enfants des autres.
- Merci beaucoup.
- Allez on pense à lui. » Les deux femmes entrent dans la concession de Yayi Bayam Diouf qui sert également de siège à l’association ; Ségolène Royal est ovationnée par les membres
 [1].

Avec le séjour de Ségolène Royal au Sénégal en septembre 2006, l’opinion publique française découvrait le Collectif des femmes pour la lutte contre l’immigration clandestine de Thiaroye-sur-Mer [2]. Si quelques reportages avaient déjà pu être réalisés sur ce Collectif durant l’été 2006, l’exposition médiatique permise par la visite de Ségolène Royal l’a définitivement sorti de l’anonymat.

Créé en 2005, ce Collectif avait pour mission première de réaliser des activités génératrices de revenus et d’impulser un développement local. Suite au naufrage de deux pirogues et la mort de 162 jeunes en mars 2006, la Présidente décide d’engager l’association sur le thème de la lutte contre l’immigration clandestine. De nombreuses discussions naissent sur ce thème et conduisent, en avril 2006, les membres à se fixer pour nouvelle mission d’endiguer les départs en pirogue. Cette mobilisation féminine apparaît en rupture non seulement avec le leitmotiv Barça mba barsakh – Barcelone ou la mort – qui prévaut dans le quartier, mais bien plus encore avec la position adoptée jusqu’alors par ces femmes. En effet, les mères ont été les premières instigatrices du départ organisé de leurs fils [3] ; un départ considéré comme une source de revenus pour la famille et une alternative à la crise économique rencontrée par ce village de pêcheurs [4].

En nous intéressant à ce Collectif, nous voudrions revenir sur l’importante couverture médiatique dont ont fait l’objet les « débarquements » de migrants voyageant à pirogues durant l’été 2006. Il s’agit en effet de questionner le postulat d’une homogénéisation croissante du traitement médiatique de l’immigration (Bonnafous : 1991 ; Battegay et Boubeker, 1993) au prisme du récent « phénomène des pirogues ».

De ce point de vue, le choix d’un objet particulier, la médiatisation du Collectif de Thiaroye, peut se révéler riche d’enseignements concernant la construction et le contenu des discours journalistiques occidentaux au sujet de l’immigration « clandestine ». Il peut ainsi permettre d’analyser la médiatisation comme processus révélateur à la fois du fonctionnement du milieu journalistique, des modes de production de récits médiatiques (Champagne, 1991) et des cadres d’interprétation journalistique. En ce sens, il donne lieu à une sémiologie des images publiques véhiculées au « Nord » sur le « Sud ». L’étude de la médiatisation du Collectif de Thiaroye cherche donc bien à déterminer pourquoi les journalistes occidentaux se sont intéressés à cette petite association, et comment s’est traduit cet intérêt, si tant est qu’il existe des lignes de convergence dans le contenu de la couverture médiatique. De ce questionnement naît une démarche davantage centrée sur l’analyse des récits des évènements ou discours médiatiques [5] - qui parle sur qui et comment – que sur leur réception ou réappropriation.

Nous avons donc choisi de nous concentrer uniquement sur la presse internationale, et non sur la presse sénégalaise [6]. Sur un total de trente et un reportages parus entre mai 2005 et 2006, des prémisses de la médiatisation à son essoufflement, nous en avons donc sélectionné vingt-sept. Ces matériaux sont de nature et de source très variées : reportages, articles, interviews et témoignages, photographies tirés de la presse écrite, radio, télévision, portails d’information (cf. annexe). Cette revue de presse est complétée par des enquêtes sociologiques menées à Thiaroye et à Dakar entre janvier et mars 2007.

Ainsi, après avoir souligné le processus de médiatisation croissante du Collectif et les facteurs qui ont conditionné son succès médiatique, nous nous attacherons au contenu du traitement médiatique. L’homogénéisation tendancielle observée laisse alors entrevoir une écriture journalistique genrée incarnée par la figure de « la mère courage » en la personne de la présidente de l’association. Ces routines interprétatives et rhétoriques véhiculent de manière implicite des représentations stéréotypées sur la migration irrégulière, oscillant entre assentiment et réprobation, et plus généralement sur les femmes africaines, partagées entre pouvoir et domination.

Le Collectif des femmes de Thiaroye, un « bon candidat » pour les médias : les ressorts d’un succès médiatique

En retraçant la couverture médiatique réservée au Collectif, on note une rupture dans le processus de médiatisation. C’est avec le séjour de Ségolène Royal au Sénégal que l’association connaît une médiatisation exponentielle et internationalisée. Néanmoins, ce coup de projecteur ne doit pas réduire le succès médiatique du Collectif à la seule personne de S. Royal. L’association de Thiaroye recèle bien plus d’atouts répondant aux critères de sélection de l’information et aux contraintes du travail de journaliste.

L’effet « Ségolène Royal » ou la mise en branle médiatique

La revue de presse du Collectif montre que les premières occurrences sont principalement le fait de journalistes sénégalais, ou de journalistes français travaillant au Sénégal. Jusqu’à la visite de S. Royal au siège de l’association, l’intérêt porté à la mobilisation des femmes de Thiaroye semble déterminé par la proximité avec le terrain et par « l’endogamie médiatique » ou la circulation de l’information au sein du microcosme professionnel dakarois. En effet, sur les huit premières couvertures de presse, trois ont été réalisées par des journalistes sénégalais, et deux par les journalistes de RFI et de France 2 disposant d’un bureau régional à Dakar. L’insertion locale et les réseaux d’interconnaissance, notamment professionnelle, expliquent la couverture relativement circonscrite de cette association nouvellement venue dans le champ associatif sénégalais.

« J’ai entendu un reportage fait par un collègue de RFI, qui est à Dakar lui aussi, ça m’a intéressé, on est allé à Thiaroye peu de temps après lui (…) On était dans les premiers, après Libération a repris l’info et a commencé à en parler, et puis aussi, elles ont eu un long reportage dans Elle… » [7]

« C’est grâce à Lamine G. qui est journaliste à la radio OxyJeunes que nous avons rencontré ces femmes, il avait travaillé avec nous quand on était allé à Nouadhibou rencontrer des rapatriés, des refoulés du désert marocain, à ce moment, lui, il permettait aux refoulés de parler à la radio, de s’adresser à leur famille, et de demander à ce que le gouvernement les aide, nous aussi on couvrait les faits, on était venu pour voir des migrants sub-sahariens. C’est comme ça qu’on a connu Thiaroye, car à l’époque, c’était des jeunes de Thiaroye… » [8]

La visite de S. Royal en septembre 2006 permet au Collectif d’accéder à la notoriété publique. Ce n’est qu’à partir de cette date qu’il devient réellement médiatisé à une échelle internationale. Les couvertures se multiplient, passant de huit entre avril et mi-septembre 2006 à vingt deux entre fin septembre et décembre 2006 ; et les médias franco-sénégalais n’en ont plus l’apanage. Sur les vingt et une « coupures », seulement sept sont françaises – avec tout de même deux reportages au JT de 20h sur TF1, et une sénégélaise. La médiatisation acquière donc une dimension internationale par le biais de médias de nature de plus en plus variée (portail d’informations électroniques : afrik.com, presse institutionnelle : OIM - Organisation Internationale des Migrations).

L’adéquation du Collectif aux critères de sélection de l’information et aux contraintes du travail journalistique

La médiatisation du Collectif ne peut toutefois pas se résumer au simple effet de mise sur agenda dictée par le séjour de S. Royal, ou à un effet domino au sein d’un milieu journalistique organisé en réseau. C’est davantage l’adéquation du Collectif aux principes de sélection de l’information et aux contraintes du travail journalistique qui a permis à l’ « effet Ségolène Royal » de « prendre ». Le Collectif ayant en effet tout du candidat idéal pour les médias.

Le profil et l’action de l’association cadrent avec plusieurs thèmes récurrents d’actualité : l’immigration, le développement en Afrique et l’action publique/ politique des femmes. Les médias ont ainsi la possibilité de traiter ces thèmes sous un angle nouveau, à partir d’un objet inédit : la lutte contre l’émigration offre un éclairage original à la question migratoire et au « phénomène des pirogues ». Par ailleurs, la cause défendue cadre avec un agenda politique français marqué par les débats au cœur des pré-campagnes sarkozyste et ségoliste autour de l’« immigration choisie » et du co-développement. Parler du Collectif permet donc de continuer à couvrir cette actualité [9].

« Il s’agit d’un reportage qu’on a réalisé avec notre caméraman au moment où le phénomène des pirogues devenait vraiment important, on commençait à beaucoup en parler…il faut dire aussi que ça répondait à la question centrale de 2006 : l‘émigration, après la sécurité, y a eu l’émigration… »  [10]

« …c’était quelque temps après la visite de Sarkozy au Sénégal, il y avait besoin de fournir un contrepoids à son discours…il était important de faire voir une autre réalité de l’Afrique et de l’immigration dans l’opinion publique française, de dire que c’est principalement le chômage qui pousse les jeunes à partir…de montrer combien les femmes africaines sont formidables, comment elles bougent, se mobilisent surtout sur ce thème qui est nouveau, habituellement les femmes s’organisent autour d’autres causes.  » [11]

Faire un sujet sur les femmes de Thiaroye permet ensuite de répondre aux contraintes du travail journalistique de plus en plus commandé par des quêtes d’audience. De ce point de vue, le Collectif incarne un sujet consensuel porteur d’une charge émotionnelle pouvant retenir l’attention des lecteurs ou téléspectateurs. En cela, il répond au développement croissant des soft news produits par le « journalisme ethnographique » (Neveu, 1999 : 59). Lequel « s’emploie via un usage intensif des procédés de scénarisation et de citations de propos de gens ordinaires, à restituer le vécu, à valoriser une approche compréhensive, plus attentive aux impacts des choix politiques et aux réactions qu’ils suscitent qu’à l’analyse des processus décisionnels et aux déclarations des autorités sociales » (Neveu, 1999 : 59).

Il ne faut pas ignorer enfin les impératifs de productivité et les contraintes logistiques qui pèse sur le travail journalistique. La localisation du siège de l’association, la disponibilité des femmes à répondre aux questions, et en la matière leur professionnalisation croissante au contact des journalistes, constituent des avantages comparatifs certains, comme le résume ce journaliste :

« Yayi, c’est une bonne candidate pour les journalistes…Elle parle bien, elle a une histoire émouvante, elle a perdu un fils, c’est triste…en plus Thiaroye, c’est en banlieue de Dakar, même pas une heure si vous avez une voiture, bon faut voir qu’il y a des journalistes étrangers qui viennent ici, ils connaissent pas le Sénégal, mais ils ont entendu parler de ce collectif, ils ont quoi deux jours parfois une journée pour faire leur reportage, donc c’est facile d’aller là-bas, c’est pas qu’ils sont feignants, il faut comprendre, ils ont besoin d’informations et peu de temps

(…) elle montre la photo de son fils qui est mort, c’est émouvant et puis il y a toujours d’autres femmes dans sa cour qui pleurent ça fait des images fortes… »  [12]

Ces propos révèlent de manière implicite la capacité des membres du Collectif à comprendre et satisfaire les attentes des journalistes. On a pu observer par exemple comment les femmes consentent à se faire mettre en scène en acceptant de danser et chanter [13], de poser avec leur fils rapatrié, devant une photo du défunt, ou sur la plage au bord des pirogues ((France 2, TF1, 29/09/06, Elle, IOM), mais également se proposent d’exposer leurs activités (séance de sensibilisation dans Elle, préparation du couscous pour ARD German TV). Mais les membres du Collectif savent également anticiper et/ou conduire les demandes des journalistes. Ainsi, lorsque des journalistes arrivent sur le quartier, une quinzaine de membres se rendent au siège de l’association, s’installent sur des nattes ou des chaises dans la cour à l’ombre de l’acacia, et disposent à leur pied ou au mur des calebasses où figure le nom de l’association, avant de répondre aux questions. Les journalistes sont ensuite invités à rencontrer le Président du Collectif des jeunes rapatriés, le Secrétaire du Foyer des jeunes de Thiaroye, mais également des rapatriés ou des candidats à l’émigration. Cette forme d’encliquage est elle-même appuyée par des jeunes [14] du quartier, parents des membres du Collectif, qui trouvent à « s’employer » comme guide ou traducteur auprès des journalistes.

Il ne faudrait donc pas conclure à la passivité ou à la subordination des membres du Collectif, souvent attribuées aux acteurs du Sud. Il importe au contraire de souligner que si le Collectif répond aux attentes et contraintes des journalistes, les médias répondent eux aussi aux besoins du Collectif qui cherche à se forger une identité publique lui permettant de trouver des soutiens et de lever des fonds. La médiatisation représente ici une « stratégie d’extraversion » [15] potentiellement rémunératrice. Contrairement au rapport dominants/dominés souvent démontré dans les relations entre journalistes et protagonistes (Champagne, 1990, 1991 ; Bourdieu, 1996 ; Marchetti, 1998), c’est davantage une relation de donnant/donnant entre « associés-rivaux » que nous avons pu constater (Neveu, 1999 : 37). Journalistes et membres du Collectif, conscients de l’interdépendance qui les lie - offre et demande d’informations vs. offre et demande de publicisation - procèdent dès lors à un échange de « bons et loyaux services ».

Le traitement médiatique du Collectif symbole de routines interprétatives genrées : l’icône de la « mère courage »

La médiatisation du Collectif a eu pour corollaire une plus grande homogénéisation des contenus médiatiques caractérisée par un cadrage à la fois resserré et genré de la question migratoire. On assiste alors à un double mouvement de recentrage des sujets sur les mères de Thiaroye, et plus particulièrement sur la présidente du Collectif, et d’écriture standardisée autour des figures de la « femme secourable et militante » (Frisque, 2001).

La focalisation sur les mères de Thiaroye, un effet de genre

De la même manière qu’on constate une rupture dans le processus de médiatisation du Collectif suite à la visite de Ségolène Royal, on note une inflexion dans le traitement qui en est fait. La similitude des focales adoptées par les journalistes est révélatrice de cette tendance qui traduit une des « conventions ordinaires de l’écriture journalistique » que constitue le genre (Achin, 2006 : 155).

Les premières occurrences des mères de Thiaroye surviennent dans des sujets généralistes qui traient du phénomène global de l’émigration « clandestine » à partir de l’exemple de Thiaroye-sur-Mer. Ces reportages cherchent d’abord à expliquer les causes de l’émigration en lien avec la situation générale du pays (chômages des jeunes, crise de la pêche etc.) et à partir de divers témoignages d’habitants du quartier (passeurs, jeunes rapatriés, candidats à l’émigration, parents). Ceux des mères n’y occupent pas une place prépondérante : quatre à cinq lignes dans les articles, et un quart à un tiers de la durée des reportages (France 2, RFM). Certaines des coupures de presse ne précisent d’ailleurs pas le statut associatif des femmes interviewées, particulièrement pour ce qui est de la presse sénégalaise.

Alors que les membres du Collectif occupent une place marginale dans les premiers reportages, elles deviennent le sujet central après que S. Royal leur ait rendu visite. Les premiers tels que « Emigration clandestine : du Sénégal aux îles Canaries en pirogue » (Le Soleil) « Thousands put their lives at risk to join exodus from Africa » (The Telegraph), ou « Dème ba dé (partir ou mourir) dit-on, ici, en wolof » (L’Humanité, 08/06/06), laissent place à des titres plus explicites : « Des mères contre l’Atlantique » (Elle), « Sénégal : des mères en croisade contre l’émigration » (Afrik.com), voir « Yayi Bayam Diouf, mère courage de Thiaroye  » (L’Humanité, 22/09/06), « Emigration : la bataille d’une mère sénégalaise » (BBC Afrique). Le mouvement de focalisation sur les femmes de Thiaroye s’illustre également à travers l’emprise croissante des témoignages et de l’iconographie dans les reportages. L’article de Elle s’accompagne de sept photographies, quatre consacrées aux femmes dont une de la présidente en double page, alors que l’article du Soleil n’en comportait aucune, et celui du Telegraph uniquement deux omettant les mères de Thiaroye (une photographie de pirogues sur la plage et le portrait d’un rapatrié).

Se focaliser sur le Collectif pour traiter de la migration est un choix qui peut s’expliquer par la nature sexuée de la mobilisation et le profil des actrices. Ce sont les femmes qui ont les premières financé le départ des jeunes hommes et qui subissent les conséquences de cet échec. Elles représentent donc des interlocutrices et des témoins privilégiés pour en parler. Néanmoins, « the journalists commonly work with gendered « frames » to simplify, prioritize, and structure the narrative flow of events when covering women and men in public life. That is to say, gender can be one central element relevant to the way the story is presented and interpreted » (Norris, 1997 : 6). Le genre [16] forme ainsi un cadre d’interprétation standard des évènements, un guide routinier d’écriture auquel le Collectif n’a pas dérogé.

Les membres du Collectif sous l’angle du diptyque « femme secourable » / « femme militante »  [17] sublimé par la figure de la « mère courage »

On retrouve dans l’ensemble des articles ou reportages une trame analogue schématiquement organisée autour de la même succession d’idées : la présentation du quartier, les causes d’émigration, le drame vécu par la présidente, corroboré par celui d’autres femmes ce qui tend à expliquer l’émergence d’une initiative collective pour endiguer l’émigration, les activités du Collectif et ses perspectives de développement pour le quartier. Seul l’article paru dans Elle tente d’insérer une dimension comparative en développant le point de vue de rapatriés et celui d’habitants d’un autre quartier à Saint-Louis.

Il ressort de cette trame un processus dialectique de représentation des mères de Thiaroye qui sont d’abord décrites comme des victimes puis comme des « rescapées » engagées. Ce portrait binaire est alors transcendé par l’icône de la « mère courage » qui sait incarner la « femme secourable » et la « femme militante ». Notons une fois de plus deux exceptions : les reportages de John Paul Lepers (La Télélibre.fr) et la VAO qui soulignent la position de double bind des mères, et pour ce qui est du premier dénonce, la récupération politique de la question migratoire par S. Royal.

Dans un premier temps, les médias s’attachent donc à développer l’image de femmes secourables, victimes d’inégalités et de rapports de domination en usant de longues descriptions ou portraits et d’un champ lexical relatif à la désolation et à la souffrance.

L’ensemble des couvertures expose en introduction un cadre local misérabiliste où le quartier est décrit comme pauvre et sale : « C’est toute l’économie de Thiaroye et de ses 45000 habitants, dont 80% des jeunes au chômage qui s’est écroulée comme un château de cartes. » (Elle), « Up beyond the rubbish littering the high-tide mark of Senegal’s white sand beaches, hundreds of wooden canoes lie askew under the fierce sun, their bright paint slowly fading. » (The Telegraph), « A Thiaroye-sur-Mer, un village de pêcheurs jadis prospère, situé à la périphérie de Dakar, la capitale sénégalaise, presque toutes les pirogues ont disparu des berges jonchées d‘immondices d’où se dégage une odeur nauséabonde » (IOM).

L’accent est mis sur la paupérisation du quartier imputée à la crise de l’emploi. Cette crise est attribuée au recul des activités de pêche artisanale concurrencée par les compagnies étrangères de pêche industrielle : « En quelques années, toute une économie locale a été sacrifiée …les industries de pêche européenne, japonaise ou coréenne qui, avec leurs cargos puissants, pillent méthodiquement les ressources en poisson de la côte. Un combat inégal et fatal aux pêcheurs sénégalais. » (Elle). Une explication largement corroborée par les déclarations des femmes du Collectif : « Cette situation est évitable. On ne peut pas empêcher nos jeunes de rêver à la vie des pays riches, c’est ça aussi la mondialisation ! Mais les pays africains doivent permettre aux jeunes de trouver un travail et de faire vivre leurs familles. Et les pays riches, des voies d’entraide au développement. » (Elle) ; “Big boats from Europe and from Korea are here. We cannot fish with them in the sea because our materials are old.” (VOA).

L’émigration est alors largement justifiée par le chômage et la réussite économique que représente a contrario l’Europe : « Il y a à peine un an, les jeunes pêcheurs étaient le moteur de l’économie du village. Aujourd’hui, par vingtaines, ils tentent, à bord de grandes pirogues, de parcourir les 1 500 kilomètres qui séparent le Sénégal de l’archipel espagnol des Canaries.  » (IRINnews.org) ; « Tous rêvent d’Europe. « Barça ou barsakh » répètent les candidats à l’exil, prêts à risque leur pour vie pour l’eldorado européen  » (Le Monde 2).

Un autre argument expliquant l’émigration est également mobilisé : la polygamie. Huit des dix-sept sources écrites expliquent que les épouses de maris polygames disposent de peu de ressources et sont donc plus enclines à encourager le départ de leurs fils pour s’assurer leur subsistance : « in a society in which polygamy is permitted, women who are repudiated by their husbands often have to rely on sons to provide for them. » (IOM) ; « Nous sommes des ménages polygames. Nos maris ont jusqu’à quatre épouses, et chacune peut avoir jusqu’à onze enfants. Quand le mari est trop âgé, la charge de la famille revient à la femme. En fait nous sommes complices du départ de nos fils, car ils partent pour nous aider. » (Le Monde 2). Subissant la compétition néo-libérale et la domination masculine, les mères représentent l’archétype de la victime [18].

Elles sont alors décrites en larmes face à l’échec d’un projet migratoire qui constitue pour elles un « lourd fardeau » (IRINnews.org). « Une fois seule dans sa chambre, Yayi Bayam Diouf pleure à chaudes larmes. Elle pleure Alioune Mar, vingt-sept ans, son fils unique mort en mer en avril dernier sur le périlleux chemin de l’émigration clandestine vers l’archipel espagnol. » (L’Humanité, 22/09/06) ; « Yayi Bayam Diouf montre du doigt les femmes réunies dans sa cour et compte les disparus : «  Tu vois, celle-là a perdu ses deux frères, celle-là son fils, celle-là n’a pas de nouvelles de son mari... ». » (Libération, France 2 et TF1, 25/09/06). Les médias multiplient également les témoignages, photographies ou plans resserrés (visage d’une mère en larme devant le portrait de son fils - TF1, 25/09/06) pour exemplifier le statut de victime.

En choisissant d’aborder la migration sous l’angle du Collectif, les médias ont favorisé une certaine victimisation des femmes de Thiaroye les faisant passer du statut de « mères de victimes » à celui de « mères victimes de ». Une interprétation que les membres du Collectif ont elles-mêmes encouragé et investi en renommant leur association « Collectif des femmes de Thiaroye victimes de l’immigration clandestine » (décembre 2006).

Cependant, les journalistes ne livrent pas une image univoque des femmes de Thiaroye et la figure de la victime secourable est largement contrebalancée par celle de la « femme militante » qui trouve son expression dans l’usage d’un champ lexical relatif à la résistance, au combat et à l’abnégation. Douze des trente sources mettent en titre le caractère volontariste de la mobilisation : « A Dakar, les mères font barrage à l’océan » (Libération) ; « Des mères contre l’Atlantique  » (Elle) ; « Mother’s battle against Senegal migration » (BBC News) ; « Mourning Mothers Fight Against Migration » (VAO) ; «  Le combat des Sénégalaises contre l’exil de leur fils  » (Le Monde 2).

Les femmes de Thiaroye sont ensuite décrites comme « courageuses », « déterminées » et « battantes » : « Avec peu de moyens, mais une volonté de fer, ces femmes sensibilisent à chaque instant.  », (Libération) ; « Le manque de ressources de l’association est à l’image des besoins de la communauté dans son ensemble. Cet état des choses n’affecte nullement la détermination de Yayi Bayam Diouf et ses amis dans leur campagne de sensibilisation.  » (BBC Afrique). Les portraits de la présidente sont les plus élogieux mettant en avant ses qualités de leadership et de dévouement à la cause : « Yayi is a courageous and determined woman. She says that instead of just crying and thinking of her lost son, she decided to fight back to stop more young men dying at sea. » (IOM) ; « Cette quadragénaire dynamique et chaleureuse a décidé, à son habitude, de prendre les choses en main. » (Elle) ; « Je suis la présidente, et je ne dois pas me montrer faible devant elles, ce n’est pas bien pour leur engagement. » ; « Aujourd’hui esseulée, Yayou n’en conjugue pas moins son futur avec celui de sa communauté. » (L’Humanité, 08/06/06)  ; « Dans son combat, Yayi a su impliquer toute la communauté. » (Le Monde 2).

Les journalistes insistent enfin sur le dynamisme des membres dont les actions revêtent des allures de sacerdoce : « Chaque matin, elles sont une vingtaine à tamiser la semoule dans la cour ombragée de madame Yayi. » (Elle) ; « Chaque matin, elle arpente la plage et informe les jeunes et leurs parents sur les dangers de l’émigration clandestine » (Le Monde 2) ; « Forte de 357 membres, l’association organise aussi des rencontres avec des hommes jeunes pour les convaincre de rester au Sénégal. Une tâche encore plus difficile à Thiaroye qu’ailleurs, car les passeurs offrent souvent la gratuité du voyage aux pêcheurs locaux afin qu’ils pilotent les fragiles bateaux de candidats à l’émigration. » (AP).

La tension qui peut résider dans la représentation a priori contradictoire des mères de Thiaroye, entre femmes secourables et femmes militantes, est surmontée par l’icône de la « mère courage » [19]. Cette synthèse est rendue possible et nécessaire en raison du statut de victime controversé aux yeux des journalistes. L’ensemble des médias insiste en effet sur la responsabilité des mères dans l’exil de leurs fils : « Avant, nous vendions nos bijoux, nos habits pour que nos enfants partent. Mais, malheureusement, beaucoup ont perdu la vie en mer, et nous, les grands-mères, restons seules avec les petits-enfants », explique Abi, 56 ans  » (Libération) ; « Ndella Daffe, 50, said she paid about $600, or about half of her son’s passage on the boat » (The Chicago Sun Times). Le combat des mères est alors vu comme la réparation ou la conjuration de leur faute ce qu’exprime l’usage extensif d’un champ lexical relatif au remord et à la culpabilité : « women are overwhelmed with guilt because they sold jewellery and household items to finance fatal voyages.  » (IOM) ; « Les mères membres de l’association, en deuil, ont désormais toutes changé d’avis sur l’émigration. Elles se sentent coupables d’avoir financé en partie ce voyage vers la mort de leurs enfants. » (AP) ; « women now express guilt that they helped finance their sons’ deaths. » (The Washington Post). La « mère courage » permet alors d’incarner l’image d’une victime, pas tout à fait innocente, et donc pas tout à fait secourable, qui peut trouver son salut dans ses propres actions.

Une illustration tacite des représentations produites et véhiculées au Nord sur le Sud

Les représentations concernant les femmes de Thiaroye ont révélé les routines interprétatives genrées des médias, souvent liées aux contraintes du métier, mais elles illustrent également de manière plus implicite la stéréotypisation des relations Nord/Sud. Il ressort de la revue de presse sur le Collectif que les stéréotypes [20] véhiculés de manière implicites sont souvent ambigus : la migration irrégulière est présentée sur le double registre de l’assentiment et de la réprobation morale, et les femmes africaines sur celui du pouvoir et de la domination. Ces doubles niveaux de lecture ont néanmoins pour trait commun leur ethnocentrisme.

L’émigration « clandestine » entre assentiment et réprobation

Le regard porté à l’émigration « clandestine » est d’abord empathique, voire compassionnel : la misère pousse au départ qu’on ne peut dès lors que comprendre. Les migrants sont décrits comme des jeunes affligés par des conditions de vie qui les obligent à quitter leur pays. L’émigration est alors présentée comme une « aventure », un acte désespéré ou suicidaire connotant l’idée d’un acte irraisonné. « They also invited an Islamic leader, who said taking a pirogue was similar to suicide, which the Koran considers a sin....” (VOA) ; « Thiaroye-sur-Mer fait partie des villages de pêcheurs du Sénégal les plus touchés par cette fièvre de l’immigration. Connaissant bien la mer, des douzaines de jeunes hommes de Thiaroye-sur-Mer n’ont pas réfléchi très longtemps lorsqu’ils ont réalisé qu’il était possible d’atteindre l’Europe à bord d’une pirogue. » (IRINnews.org).

En contrepoint de cette position compréhensive vis-à-vis d’une émigration quasi-subie, on note une lecture plus alarmiste reposant sur l’idée de danger. Les départs clandestins constituent une menace pour les pays d’accueil, mais également pour les pays d’origine, et les migrants eux-mêmes. Le nombre de débarquements clandestins est ainsi souvent rappelé et les articles insistent sur le caractère massif et incontrôlable de ces flux. “More than 8,200 West Africans have arrived in the Canaries already this year - 2,000 in the first three weeks of May as the seas grew calmer -compared with 4,751 for all of last year”(The Telegraph). Ensuite, c’est la menace d’un pays vidé de ses ressources humaines laissant des mères seules et endettées qui est brandie : « malheureusement, beaucoup ont perdu la vie en mer, et nous, les grands-mères, restons seules avec les petits-enfants » (Libération), « when the men die, the women are left with nomoney and no male breadwinner  » (The Chicago Sun Times). Les rapatriés enfin sont décrits comme une source de problèmes : « A Thiaroye-sur-Mer, la plupart des personnes rapatriées passent leur journée à broyer du noir, à chercher des moyens de gagner de l’argent. « Ils passent leur journée assis à la maison, à ne rien faire, nous craignons qu’ils ne commettent des délits », a reconnu Abi Samb » (IRINnews.org). La solution que représentait la migration face au chômage n’est donc plus vantée, et c’est la lutte menée par le Collectif qui semble incarner une perspective de développement.

Il ne s’agit pas ici de déterminer si l’une ou l’autre des lectures est préférable ou d’apprécier leur véracité. Souligner le double registre de l’assentiment et de la réprobation moral n’a pour seule portée heuristique de révéler l’ethnocentrisme qui sous-tend le regard porté à la migration. En présentant, par exemple, l’émigration comme un acte désespéré et irraisonné, les journalistes [21]omettent bien souvent l’organisation et la préparation qui préfigurent les départs en pirogue. Les enquêtes menées à Thiaroye montrent au contraire la planification de ce mode d’émigration que ce soit par la constitution d’une épargne pour payer la traversée (en moyenne à 400000 à 500000 francs CFA [22]), la préparation de la pirogue (achat, réserve de carburant à l’insu des autorités, moteurs de réserve, provisions alimentaires, équipement en GPS et gilets de sauvetage), le choix d’un capitaine et d’un mécanicien hors-bord, ou le recrutement suffisant de candidats à l’émigration. Le choix d’émigrer relève donc d’une décision mûrie. De manière analogue, le lien de causalité établi entre paupérisation (crise de la pêche et de l’emploi) et émigration peut être discuté. Si certains hommes ont cherché à émigrer, notamment en reconvertissant leurs savoir-faire professionnels (capitaine de pirogue), d’autres ont trouvé à s’employer sur le « marché de l’émigration » (fabricants de pirogue, mécaniciens hors-bord, passeurs, policiers etc.) [23].

Des Africaines « entre pouvoir et domination »  [24].

Les médias n’ont pas cédé aux clichés communément rencontrés dans la littérature et l’iconographie coloniales [25] ou la presse contemporaine [26] portant sur la « féminité noire », le corps ou la sexualité des Africaines. Le sujet de l’émigration ne s’y prêtant certainement pas. Néanmoins, là aussi, ils ne se sont pas départis de tout préjugé ethnocentriste.

L’énonciation des figures de la « femme secourable » et de la « femme militante » reproduit une lecture stéréotypée de la situation des femmes en Afrique fondée sur l’opposition entre « woman-as-victim  » et « woman-as-heroine ». « This woman-as-victim narrative situates African women as powerless ...[contrary to an] another set of images portrays African women as feisty, assertive, self-reliant heroines.” (Cornwall, 2005 : 1). En décrivant, d’un côté, les femmes de Thiaroye comme victimes de la domination masculine et du capitalisme, les journalistes ne dérogent pas à la règle des « 3 P », « poor, powerless and pregnant » (Win, 2004) utilisée pour qualifier les femmes africaines. De l’autre, en les présentant comme « courageuses », « battantes » et porteuses de développement, les médias en font de véritables héroïnes [27].

Ces images contradictoires illustrent l’influence concomitante d’un discours émancipateur porté par les féministes du Nord des années 1960-70 [28] et d’un discours développementaliste prodigué par les institutions internationales, notamment aujourd’hui via les programme genre et développement [29]. Présenter les femmes africaines simultanément comme des victimes et des héroïnes tend souvent à encourager le passage de l’une à l’autre dans une perspective d’émancipation ou d’empowerment.

Ces stéréotypes tiennent probablement à ce qu’Elsa Dorlin qualifie de « mythe du matriarcat noir » hérité de l’époque coloniale. Ce mythe veut que « les stéréotypes qui pèsent sur les femmes noires sont des stéréotypes qui mettent en scène des mutations de genre (des femmes qui deviennent des hommes, des hommes qui deviennent des femmes)…les femmes performent des traits typiquement masculins (le pouvoir économique, l’autorité sur les enfants, l’indépendance, mais aussi l’initiative sexuelle), alors que les hommes sont efféminés (dépendants, passifs, inactifs). » (Dorlin, 2007). Conceptualisé à partir des mécanismes de domination (genre et race) du système esclavagiste états-unien, le « mythe du matriarcat noir » continue, dans sa version contemporaine, d’attribuer aux afro-américaines des attributs masculins source de dévirilisation de leur mari et fils ainsi qu’une série de « fléaux » sociaux tels que la pauvreté ou la délinquance. Sans aller jusqu’à parler de dévirilisation, un parallèle peut être dessiné avec la représentation qui est donnée des femmes de Thiaroye. La forte récurrence des termes de « mère » et « mère courage », la valorisation de leur rôle de chef de ménage, de pourvoyeur économique, d’actrice du développement et leur responsabilité dans le « fléau » de l’émigration appuient cet argument.

Conclusion

En analysant la revue de presse du Collectif des femmes de Thiaroye, nous avons pu démontrer que les ressorts du travail et du milieu journalistique. De plus en plus contraints par des impératifs de temps et de « lisibilité » [30], les journalistes tendent à produire des articles et reportages au contenu bien souvent semblable et homogène. Cette tendance repose sur des routines interprétatives notamment genrées (« femmes secourables », « femmes militantes », « mère courage ») qui révèlent bien souvent la stéréotypisation des relations Nord/Sud et en la matière l’ethnocentrisme des images véhiculées au Nord sur les migrants et les femmes africaines.

Il faut toutefois souligner que cette production apparaît plus complexe qu’il n’y paraît. Nous avons pu souligner les traitements différenciés de certains journalistes ou médias. Et bien plus encore, comment ces contenus oscillent entre des images, certes stéréotypées, mais néanmoins contradictoires qui révèlent une vision journalistique non-univoque du Collectif de Thiaroye, dont ont pu d’ailleurs se saisir les membres pour faire valoir leurs actions.

Annexe : Chronologie de la revue de presse [31]

Dates de publication/ diffusion Nature du document Titre du document Nom du médium Type du médium Nationalité
Fin avril 2006 Reportage RFI Radio française
10/05/06 Article Emigration clandestine : du Sénégal aux îles Canaries en pirogue Le Soleil Presse écrite quotidienne sénégalaise
20/05/06 Reportage, journal de 20h Retour sur l’émigration clandestine France2 Télévision française
21/05/06 Article Yayi Bayam pleure son fils noyé sur la route de l’émigration Seneweb.com Presse électronique ; portail d’information sénégalaise
26/05/06 Témoignage Emigration clandestine : une maman raconte comment son fils est mort noyé RFM Radio sénégalaise
27/05/06 Article Thousands put their lives at risk to join exodus from Africa The Telegraph Presse écrite quotidienne anglaise
08/06/06 Article Dème ba dé (partir ou mourir) dit-on, ici, en wolof L’Humanité Presse écrite quotidienne française
12/09/06 Article A Dakar, les mères font barrage contre l’océan Libération Presse écrite quotidienne française
22/09/06 Article Yayi Bayam Diouf, mère courage de Thiaroye L’Humanité Presse écrite, quotidienne française
25/09/06 Reportage, journal de 20h Immigration clandestine au Sénégal TF1 Télévision française
26/09/06 Reportage, journal de 20h Ségolène Royal au Sénégal TF1 Télévision française
26/09/06 Documentaire Sénégal : les mères de clandestins parlent La Télé libre.fr Presse électronique française
30/09/06 Documentaire Sénégal : Les mères, Ségolène et les marabouts contre l’émigration clandestine La Télé libre.fr Presse électronique française
09/10/06 Reportage Des mères contre l’Atlantique Elle Presse écrite féminine, mensuelle française
18/10/06 Article Mothers Fight Migration in Senegal The Washington Post Presse écrite quotidienne états-unienne
19/10/06 Article Senegal’s moms fight instead of cry : Stop their men from making The Chicago Sun Times Presse écrite quotidienne états-unienne
19/10/06 Article Des mères sénégalaises contre l’émigration Associated Press Agence de Presse états-unienne
21/10/06 Documentaire Sénégal, les femmes contre l’immigration Le Forum des Européens Arte Télévision franco-allemande
22/10/06 Témoignage Comment empêcher les jeunes sénégalais de partir : Yayi Bayam Diouf, Présidente du Collectif de Thiaroye-sur-Mer au Sénégal Europe1 Radio française
01/11/06 Article Sénégal : mythe et réalité de l’immigration clandestine IRINnews.org (Integrated Regional Information Networks)
Presse électronique spécialisée dans l’humanitaire internationale
03/11/06 Article Sénégal : des mères en croisade contre l’émigration Clandestine
Afrik.com Presse électronique internationale
06/11/06 Reportage Emigration : la bataille d’une mère sénégalaise BBC Afrique Radio anglaise
06/11/06 Reportage Mother’s battle against Senegal migration BBC News Radio anglaise
06/11/06 Article Sénégal : l’immigration, un lourd fardeau pour les mères IRINnews.org Presse électronique spécialisée dans l’humanitaire internationale
10/11/06 Article Emigration Clandestine : Thiaroye entre deuil et espoir Nouvel Horizon Presse écrite quotidienne sénégalaise
27/11/06 Reportage Mourning Mothers Fight Against Migration The Voice of America Radio états-unienne
12/06 Reportage Mother Courage Fights Irregular Migration in Senegal IOM (International Organisation of Migrations) Service de presse institutionnelle internationale
06/12/06 Reportage Dossier : une mère sénégalaise contre l’immigration clandestine Radio Vatican Radio vaticane
12/12/06 Reportage Al Jazeera Télévision qatarie
02/02/07 Article Cada tarde vamos al mar para rezar por nuestros hijos muertos El Pais Presse écrite quotidienne espagnole
05/05/07 Article Le combat des Sénégalaises contre l’exil de leur fils Le Monde 2 Presse écrite hebdomadaire française


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NOTES

[1] Extraits d’un reportage d’Antoine Lefèvre et Frédéric Mignard. 2006. « Ségolène Royal au Sénégal », Journal de 20h, TF1, diffusion le 27 septembre 2006.

[2] Nom que le Collectif s’est lui-même donné.

[3] Les femmes témoignent : « Avant, c’est nous qui financions le départ, parce qu’ils devaient soulager notre quotidien » Entretien avec la présidente, 49 ans, Thiaroye, 22 janvier 2007 ; « Avant, nous vendions nos bijoux, nos habits pour que nos enfants partent », Entretien avec la vice-présidente, 56 ans, Thiaroye, 6 février 2007.

[4] La migration internationale de travail s’est imposée tardivement chez les Lébou comparativement aux Peul et Soninké de la vallée du fleuve Sénégal. Entreprise dans les années 1980, elle est essentiellement liée à la crise économique due au recul des activités traditionnelle de pêche et de maraîchage qui touche le village (Fall, 1997 ; 2001). On parle souvent de village, en référence à l’installation précoce des Lébou dans la presqu’île du Cap-Vert, mais avec l’avancée du front l’urbanisation Thiaroye fait partie intégrante de la banlieue de Dakar.

[5] Dans un souci de clarté et de synthèse, seuls les discours et écrits sont ici retenus, à l’évidence un travail d’analyse serait également nécessaire en ce qui concerne l’iconographie et la mise en scène des documentaires télévisés.

[6] Si seule la presse occidentale a été retenue, notons que les journaux sénégalais se sont peu intéressés au Collectif de Thiaroye. La question du traitement médiatique de la migration irrégulière a d’ailleurs fait naître des débats au sein de la profession. Le Centre d’Etudes des Sciences et Techniques de l’Information (Cesti) en partenariat avec la Fondation Konrad Adenauer a organisé un séminaire sur le thème « Emigration, contenus médiatiques et paroles d’émigrants » en mars 2007.

[7] Entretien avec un journaliste de France 2, Dakar, 17 janvier 2007.

[8] Entretien avec une journaliste de l’ARD German TV, Thiaroye, 5 février 2007

[9] Cette remarque ne s’applique toutefois pas de manière systématique car les journaux Le Monde et Le Figaro ont couvert le séjour de Ségolène Royal, voire son passage à Thiaroye, sans aborder de manière approfondie le Collectif.

[10] Entretien avec un journaliste de France 2, Dakar, 17 janvier 2007.

[11] Entretien téléphonique avec une journaliste de Elle, Paris, 7 décembre 2006.

[12] Entretien avec un journaliste de France 2, Dakar, 17 janvier 2007.

[13] Observation du tournage d’un documentaire par la chaîne de télévision ARD German TV, Thiaroye, 5 février 2007.

[14] On peut ici parler d ’ « informateurs indigènes » comme l’a formulé Gayatri Chakavorty Spivak ou illustré Julia Elyachar à propos de la scénarisation des projets de micro-finance en Egypte : « Il voyait bien que lui-même et ses collègues, dont certains étaient en difficulté, pouvaient travailler avec plus de profit comme « informateurs indigènes », en se mettant en scène comme porteurs d’authenticité devant les donateurs étrangers. Il rêvait de faire de son quartier la vitrine d’un « modèle de développement » offerte à l’admiration des visiteurs. » (2001 : 7-8).

[15] « Les acteurs dominants des sociétés subsahariennes ont incliné à compenser leurs difficultés à autonomiser leur pouvoir et à intensifier l’exploitation de leurs dépendants par le recours délibéré à des stratégies d’extraversion, mobilisant les ressources que procurait leur rapport - éventuellement inégal - à l’environnement extérieur. » (Bayart, 1999 : 97-100).

[16] Ce constat a été largement traité à propos des relations entre femmes politiques et médias : Bonnafous, Simone. 2003. « Femme politique : une question de genre ? », Réseaux « Une communication sexuée ? » n°120, pp.119-145 ; Leroux, Pierre et Cécile Sourd. 2005. « Des femmes en représentation. Le politique et le féminin dans la presse », Questions de Communication, n°7, pp73-85 ; Mattelart, Michèle. 2003. « Femmes et médias : Retour sur une problématique », Réseaux « Une communication sexuée ? » n°120, pp.23-51 ; Neveu, Erik. 2001. « Le genre du journalisme. Des ambivalences d’une féminisation de la profession », Politix, n°51, pp 179-212 ; Sourd, Cécile. 2005. « Femmes ou politiques ? La représentation des candidates aux élections françaises de 2002 dans la presse hebdomadaire », Mots. Les langages du politique, « Usages politiques du genre », n°78, pp.65-77.

[17] Nous empruntons ce terme aux travaux de Frisque, Cégolène. 2001. « Femmes secourables, femmes militantes, dans deux magazines féminins », Mots, Les langages du politique, « L’Humanitaire en discours », n°65, pp.51-75

[18] Philippe Juhem souligne que le statut de victime repose sur « l’impossibilité de leur attribuer une quelconque responsabilité dans leurs malheurs ou incapacité autonome à améliorer leur situation. » (2004 : 232), ce que corroborent Brauman et Backmann en affirmant que : « au-delà de l’habillage scénique, la victime doit être elle-même spontanément acceptable (…). Il ne suffit pas de souffrir injustement pour se voir attribuer le statut de victime, qui passe par un processus de validation lié à l’innocence supposée de la population en question. » (1996 : 50).

[19] En titre de L’Humanité (22/09/06) et de l’IOM, employé également par afrik.com.

[20] « Les stéréotypes ont un aspect cognitif, émotionnel et pragmatique. Il ne s’agit pas de concepts au sens stricto sensu, mais de représentations plus ou moins générales des phénomènes sociaux, quelles que soient par ailleurs leur véracité et leur validité (Schaff, 1994, p.57). Le stéréotype est donc soit quasi-totalement contraire aux faits, soit partiellement conforme, tout en créant les apparences de véracité totale de ses contenus » (Villain-Gandossi, 2001 : 28).

[21] Seuls les reportages de France 2 (interview d’un passeur) et de Elle (interview de rapatriés) laissent entendre l’organisation des départs à pirogue.

[22] L’Enquête Sénégalaise Auprès des Ménages (ESAM) porte le revenu annuel moyen sénégalais à 220950 francs CFA, et 416423 francs CFA pour la région de Dakar.

[23] Le Collectif Pêche et Développement et le CRSILA ont recueilli de nombreux témoignages sur cette question dans les villages de Hann, Kayar, et Thiaroye, voir leur enquête : Collectif pêche et développement et Crisla. 2007. L’Europe ou la mort. Les pêcheurs et l’émigration au Sénégal, Eds CPD, CRISLA, Lorient, 113p.

[24] « L’imaginaire occidental comme celui des africains eux-mêmes véhicule des images stéréotypées de la femme africaine, entre pouvoir et domination, entre l’idéalisation exaltée de la mère féconde et généreuse, et la stigmatisation infamante de la jeune beauté facile et cupide. L’Africaine est-elle la pauvre femme asservie, soumise à des mutilations sexuelles, donnée en mariage au moment de sa puberté, séquestrée dans la maison de son mari ou exploitée par lui dans les champs ? Ou cette femme indépendante, pleine de vitalité et d’énergie qui gère son ménage, apporte l’essentiel des revenus domestiques, gère en commerçante avisée son étal au marché et passe des contrats avec les fournisseurs internationaux, solidaire de ses soeurs et organisant groupes d’entraide et tontines ? Images contrastées d’une réalité multiple où se côtoient des situations extrêmes. » (Hesseling et Locoh, 1997 : 3).

[25] Boetsch, Gilles et Eric Savarese. 1999. « Le corps de l’Africaine. Erotisation et inversion », Cahiers d’études africaines, n°153, Editions EHESS, pp.123-144 ; Le Bihan, Yann. 2006. « L’ambivalence du regard colonial porté sur les femmes d’Afrique noire », Cahiers d’Etudes Africaines, n°183, pp.513-537 ; Blanchard, Pascal et Armelle Chatelier (dir). 1993. Images et colonies, Paris, La Découverte ; Savarese, Eric. 1995. « La femme noire en image. Objet érotique ou sujet domestique. », in Pascal Blanchard, Autres et nous. Scènes et types. Paris, ACHAC Syros, pp.207-214

[26] Il existe peu d’études sur la représentation des femmes africaines dans les médias. Le Bihan, Yann. 2007. « La « femme noire » dans L’Écho des Savanes », Revue des Sciences Sociales, n° 38, pp. 140-149. Tshilombo Bombo, Gertrude. 2003. La femme dans la presse féminine africaine. Approche sémio-pragmatique, Paris, L’Harmattan, 320p.

[27] Pour une illustration de ces clichés voir également Brunel, Sylvie. 2005. « La femme africaine : bête de somme…ou superwoman », Sciences Humaines, hors-série spécial, n°4, pp.64-68.

[28] En voulant exporter leur lutte de libération, les féministes du Nord ont souvent opposé « la » femme africaine dominée à « la » femme blanche éduquée et émancipée, ce qu’ont vivement critiqué les postcolonial feminist et notamment Chandra Mohanty dans son article fondateur : « Under Western Eyes : Feminist scholarship and Colonial Discourses », in Chandra Talpade Mohanty, Ann Russo et Lourdes Torres (eds). 1991. Women’s America : Refocusing the Past, Oxford University Press, New York, pp. 589-617. On peut lire également avec intérêt : Awa Thiaw. 1978. La Parole aux négresses, Paris, Denoel, 189p.

[29] Coquery-Vidrovitch, Catherine. 2003. « Des femmes colonisées aux femmes de l’indépendance, ou du misérabilisme au développement par les femmes : approche historique », Colloque international « Genre, population et développement en Afrique », UEPA/UAPS, INED, ENSEA, IFORD, Abidjan, 16-21 juillet 2001 ; Bessis, Sophie. 2001. « Genre et Développement : Théories et mises en œuvre des concepts dans le développement. L’approche genre et les organisations internationales, du discours à l’action », Colloque international « Genre, population et développement en Afrique », UEPA/UAPS, INED, ENSEA, IFORD, Abidjan, 16-21 juillet 2001 ; Bisilliat, Jeanne. 2000. « La dynamique du concept de « genre » dans le politiques de développement en Afrique », Afrique Contemporaine, n°196, pp.75-82.

[30] « Maintenir l’ordre du discours, c’est ensuite, même si l’exigence fait là encore partie du bagage du reporter, s’assurer que l’article répond aux attentes des lecteurs ou à la représentation que les journaux se font de ces attentes. C’est alors autant le défaut d’objectivité que celui de lisibilité qui est considéré comme une faute. …. L’impératif de lisibilité exige une simplicité et une concision difficilement compatibles avec la complexité des situations. Ces registres favorisent évidemment le recours aux stéréotypes et aux effets de stylisation. » (Dauvin, 2006 : 69).

[31] Seuls les articles ou reportages traitant du Collectif ont été retenus, ceux qui le citaient ou l’évoquaient simplement n’ont pas été conservés pour cette étude (ex : Le Monde). Par ailleurs, plusieurs articles de presse française (Libération) ont été repris et traduits sur des portails d’informations ou des blogs italiens, espagnols ou japonais. De même pour l’article de Heidi Vogt (Washington Post et Associated Press) repris sur les sites Internet de CBS News, The Las Vegas Sun etc. Ces sources, si elles soulignent un peu plus le processus de médiatisation internationale du Collectif, étant de « seconde main » n’apportent rien de nouveau sur le contenu.