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REVUE Asylon(s)

8| Radicalisation des frontières et (...)
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Introduction - N°8 d’Asylon(s)

Marc Bernardot
Milena Doytcheva
Marc Bernardot est Professeur de sociologie à Aix Marseille Université (PR1) au département de sociologie (ALLSH) et directeur du Centre méditerranéen de sociologie, de science politique et d’histoire (MESOPOLHIS) UMR 7064 (AMU, SPXAix, CNRS). Il assure la responsabilité de l’axe 2 du MESOPOLHIS "Migrations, mobilités, circulations". Il est référent (...)
Milena Doytcheva est maître de conférence en sociologie à l’Université de Lille 3 – CeRIES. Ses travaux portent sur la prise en compte de l’ethnicité dans les politiques publiques. Elle a récemment publié Une discrimination positive à la française ? Ethnicité et territoire dans les politiques de la ville, Paris, la Découverte, 2007. Le Multiculturalisme, (...)

citation

Marc Bernardot, Milena Doytcheva, "Introduction - N°8 d’Asylon(s) ", REVUE Asylon(s), N°8, juillet 2010-septembre 2013

ISBN : 979-10-95908-12-8 9791095908128, Radicalisation des frontières et promotion de la diversité. , url de référence: http://www.reseau-terra.eu/article954.html

résumé

La période actuelle est marquée par la simultanéité et la jonction dans les discours et les politiques publics entre, d’une part, la valorisation de la « diversité » et de la « mixité » et, d’autre part, la stigmatisation de l’Autre, notamment incarné dans la figure du migrant et de l’exilé. Ce sont les lignes de cette articulation paradoxale ainsi que les ambiguïtés de ses usages politiques, dans leurs formes historiques et actuelles, que nous souhaitons interroger ici à partir de communications portant sur la construction sociale et politique et sur la structure des discours et des pratiques concernant les discriminations et leur requalification récente en France en « ouverture à la diversité » et, simultanément, le durcissement des frontières tant politiques que sociales et symboliques à l’œuvre dans les sociétés européennes, et dans la société française en particulier.

Mots clefs

La période actuelle est marquée par la simultanéité et la jonction dans les discours et les politiques publics entre, d’une part, la valorisation de la « diversité » et de la « mixité » et, d’autre part, la stigmatisation de l’Autre, notamment incarné dans la figure du migrant et de l’exilé. Ce sont les lignes de cette articulation paradoxale ainsi que les ambiguïtés de ses usages politiques, dans leurs formes historiques et actuelles, que nous souhaitons interroger ici à partir de communications portant sur la construction sociale et politique et sur la structure des discours et des pratiques concernant, d’une part, les discriminations et leur requalification récente en France en « ouverture à la diversité » et, d’autre part, le durcissement des frontières tant politiques que sociales et symboliques à l’oeuvre dans les sociétés européennes, et dans la société française en particulier.

- La prise de conscience de l’importance des discriminations ethno-raciales est venue récemment redéfinir en France les enjeux sociaux et politiques de l’immigration et de l’altérité formulés jusque-là dans le vocabulaire hégémonique de « l’intégration ». Derrière un engouement de façade, ce « changement de paradigme » suscite pourtant des phénomènes d’inertie et de résistance institutionnelles qui se cristallisent notamment dans le refus de penser les rapports sociaux d’ethnicité et de race. Comment se construit, et sous quelles formes, se met en place la confusion entre la « problématique des discriminations » et la « problématique de l’intégration » ? De quelles manières les institutions résistent au « changement de paradigme », notamment dans les domaines de la formation et de l’emploi, dans l’accès au logement et à la santé, dans le champ politique où le poids des discriminations liées à l’origine a été démontré ? Enfin, en quoi la question de l’accueil des primo-arrivants, de leur intégration peut être utilisée pour masquer, voire désamorcer, la question de la lutte contre les discriminations subies par les descendants d’immigrés ?

- La difficulté à penser les frontières symboliques, sociales et politiques qui traversent la société se trouve aussi illustrée par l’émergence récente dans les discours politiques, l’action publique, les mobilisations militantes du thème de la diversité. En effet, lorsqu’elles ne sont pas renvoyées à l’immigré et à l’immigration, les discriminations sont de plus en plus subsumées, dans des préoccupations autour de la diversité, celle-ci déclinée de manière plurielle en termes de sexe, d’âge, de handicap. Des politiques d’ouverture à la diversité sont appelées à produire des actions performatives dans le monde de l’entreprise, à l’université, dans le système politique… ainsi invités à se saisir de cette « richesse » et à ne pas « s’en effrayer ». Les discours et les actions autour de la diversité dans son versant « positif » coexistent pourtant avec des prétentions à choisir, sélectionner ceux dont la diversité peut être bénéfique à la société française et, à l’inverse, à écarter ceux dont la différence semble les tenir éloignés de nos frontières. De quelles manières, selon quelles modalités, la promotion de la diversité peut-elle ainsi s’articuler, parfois étayer des politiques d’immigration restrictives, voire une remise en cause de la légitimité de la présence des étrangers dans les démocraties occidentales ?

- Les signes d’une « contraction identitaire » poussée parfois jusqu’à la panique, se multiplient en effet dans les sociétés européennes, et dans la société française en particulier. Ils se traduisent dans les politiques et les discours qui cherchent à marquer les frontières et les différences entre nationaux européens et autres populations présentes sur le continent. Comment les régimes démocratiques accommodent leurs principes fondateurs aux contraintes des politiques d’exclusion et d’expulsion d’une partie de leur population ? Comment les allégeances aux « valeurs de la République » permettent de jouer sur les frontières, réelles et symboliques et de définir l’altérité dont on veut se protéger ? Les débats occasionnés par la scission entre la défense des droits des femmes et celle des droits des étrangers montrent ainsi que « l’égalité entre les hommes et les femmes » peut servir à contrôler les frontières par le biais du contrôle de la nuptialité. Les dispositifs d’accueil des nouveaux arrivants, notamment le Contrat d’accueil et d’intégration, égrènent nombre de « valeurs républicaines », supposées intégrées par les Français, tandis que désormais la maîtrise de la langue française, érigée en support essentiel de « l’identité française », devient un élément de sélection des populations légalement autorisées à séjourner en France. Nous avons réuni dans ce numéro des contributions du réseau thématique « Migrations et production de l’altérité » qui ont été discutées dans le cadre du 3eme congrès de l’association française de sociologie (AFS) à Paris en mars 2009, complétées par d’autres articles traitant de la même problématique.

1. Promouvoir la diversité en entreprise : genèse et ambiguïtés d’une initiative patronale, Milena Doytcheva & Myriam Hachimi
2. Contrôle des frontières, campagnes d’information et crédibilité des politiques d’immigration, Antoine Pécoud
3. L’émergence d’une figure obsessionnelle : comment le « communautarisme » a envahi les discours médiatico-politiques français, Fabrice Dhume
4. Mobilisations et identité chez les Antillais en France : le choix de la différentiation, Audrey Célestine
5. Les pouvoirs publics et la « question Rom » en région parisienne. Enquête sur les « villages d’insertion » de la Seine-Saint-Denis, Olivier Legros
6. Les descendants d’une immigration « communautaire » en France : l’exemple turc, Maïtena Armagnague
7. Lutte contre les discriminations et lutte contre l’insécurité : genèse et ancrage républicain d’une imbrication ambiguë, Mireille Eberhard

A paraître
8. Traitement de la question nationale en France et en Espagne et expressions politiques (à propos) des « sans-papiers », Flora Burchianti & Cécile Frank