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REVUE Asylon(s)

15| Politique du corps (post) colonial
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Réactualiser l’archive, réécrire l’histoire

Des pratiques artistiques décoloniales

Fabiana De Souza
artiste, doctorante université Paris 8

citation

Fabiana De Souza, "Réactualiser l’archive, réécrire l’histoire Des pratiques artistiques décoloniales", REVUE Asylon(s), N°15, février 2018

ISBN : 979-10-95908-19-7 9791095908197, Politique du corps (post) colonial, url de référence: http://www.reseau-terra.eu/article1406.html

résumé

Réfléchissant comme l’a fait Fanon, à partir de « la condition ontologique-existentielle racialisée du sujet colonisé », cet article se propose d’analyser des pratiques artistiques contemporaines qui cherchent à réactualiser le statut de l’archive. En faisant appel à la pensée décoloniale latino-américaine, nous allons voir comment des artistes affectés par des processus de « sélection et de répression » - enracinés dans les expériences subjectives et culturelles des populations regroupées sous le terme Sud global - ont ré-apprivoisé les archives, donnant lieu à des pratiques artistiques décoloniales ou pratiques artistiques de « ré-invention » de soi.

Refreshing the archive, rewriting history : artistic decolonial practises

Drawing on Fanon’s work regarding the racialized status of the colonized subject, this paper deals with contemporary (Brazilian) artistic practices that attempt to refresh the status of the archive, or practices that strive to “re-invent” the self.

Nous remarquons aujourd’hui, des usages de plus en plus courants des archives dans des pratiques artistiques diverses. Que cela soit avec l’appropriation, le détournement ou la reconstitution, les artistes contemporains cherchent à interroger l’archive et leurs usages, permettant ainsi de nouvelles analyses sur ses relations complexes qui mettent en jeu différentes formes d’autorités. En effet, l’ensemble des documents que nous appelons archive, loin d’être un dispositif neutre, est comme nous le rappelle Derrida un « lieu d’autorité » [1]. Appliqué à l’idée d’histoire, « l’archive conforte d’emblée des systèmes de pensée et de valeur rationnels, logiques et hiérarchisés » [2], qui révèlent souvent, les liens qu’une société́ donnée entretient avec son passé et la manière dont elle dialogue avec ses propres traditions. Transformée en instrument de pouvoir, l’archive peut contribuer à façonner des identités figées, imposant des récits idéologiques.

C’est dans Mal d’archive que Jacques Derrida parle d’un processus de consignation de l’archive : « Pour qu’il y ait archive, il faut un lieu soumis à une autorité, avec ses techniques, ses réserves, ses principes et ses frontières bien définies. La mettre en œuvre, c’est la mettre en ordre, l’institutionnaliser, la consigner et l’idéaliser en un corpus ou un système. Il y faut des pratiques, des technologies, des critères de classification, des méthodes d’appropriation - souvent violentes. » [3] D’après l’analyse de la théoricienne Crystel Pinçonnat, dans son article « De l’usage postcolonial de l’archive », le processus de consignation de l’archive va de pair avec une logique d’impression, de répression et de suppression. Ces trois termes – souligne Pinçonnat – « si on les entend dans une perspective coloniale, acquièrent une résonance particulière. En forçant quelque peu leur acception, ils en viennent à synthétiser les trois modes de domination de celui que l’on appelait l’indigène : purement et simplement supprimé, ou de façon moins radicale réprimé, ou encore ‘imprimé’ au sens de ‘marqué’, modelé par l’Empire » [4].

Réfléchissant comme l’a fait Fanon, à partir de « la condition ontologique-existentielle racialisée du sujet colonisé » [5], cet article se propose d’analyser des pratiques artistiques contemporaines qui cherchent à réactualiser le statut de l’archive. En faisant appel à la pensée décoloniale latino-américaine, nous allons voir comment des artistes affectés par des processus de « sélection et de répression » - enracinés dans les expériences subjectives et culturelles des populations regroupées sous le terme Sud global - ont ré-apprivoisé les archives, donnant lieu à des pratiques artistiques décoloniales ou pratiques artistiques de « ré-invention » de soi.

Au-delà de l’alternative de la présence et de l’absence : ré-exister

Si nous prenons la discipline de l’Histoire de l’art comme problème plutôt que comme instrument d’analyse et en ajoutant à ce raisonnement que « nos savoirs sont toujours situés » [6], cela nous permet de mettre en évidence les acteurs de l’expansion et de la domination intrinsèque au développement de la modernité occidentale. Affirmer qu’un savoir est situé consiste à faire émerger le lieu d’énonciation du sujet parlant, c’est-à-dire sa situation géopolitique. Le sujet parlant de la philosophie et des sciences occidentales - ou de l’histoire de l’art, dans la mesure où les images, après les textes, sont apparues comme des sources décisives de réflexion - en général, est toujours invisible. Ramon Grosfoguel défend à ce sujet que « la neutralité ou l’objectivité dé-corporalisée et dé-localisée de l’ego-politique de la connaissance sont des mythes occidentaux » [7]. Pour Grosfoguel, c’est grâce à cette déconnexion (avec la situation géopolitique du sujet parlant) que les sciences humaines ont créé le mythe crédible d’une connaissance universelle.

Pour les intellectuelles chicanas et les féministes noires [8], ainsi que pour les penseurs du Tiers-monde, à l’intérieur et en-dehors des centres métropolitains, il y a la constatation que nous parlons/énonçons toujours à l’intérieur d’un espace structuré par des rapports de pouvoirs. Nul n’échappe ainsi aux catégories de classe, de genre, à la spiritualité, à la langue, à la géographie ou aux hiérarchies raciales qui sont propres au « système impérialiste/ occidentalocentrique/capitaliste/patriarcal/moderne/ colonial » [9]. Contre ce modèle hégémonique occidentalocentrique, ont surgi, des perspectives épistémiques subalternes. Pour les intellectuelles noires féministes, il s’agit d’une « épistémologie afro-centrée » [10]. On parle de « géopolitique de la connaissance » [11] pour la philosophie de la libération latino-américaine de Enrique Dussel, ou encore de « corps-politique de la connaissance » [12], développé par Frantz Fanon et Gloria Anzaldua. Toutes ces différentes perspectives épistémiques révèlent que « l’épistémologie a bien une couleur et une sexualité » [13].

Revendiquer ce lieu d’où l’on parle, c’est exister là où l’on pense, c’est réfléchir là où nous faisons corps. S’il nous manquait ainsi de préciser la différence de la démarche postcoloniale, issue du monde anglophone, et la pensée décoloniale latino-américaine, cela se fait par la revendication de notre lieu d’énonciation, de produire de la pensée à partir du Tiers monde, avec tout un autre ensemble de sens et d’expériences historiques. Cette pensée décoloniale, comme Walter Mignolo le souligne bien, « met en évidence la dimension raciste et culturellement infériorisante de la domination coloniale et s’ouvre à des modes de vie et de pensée disqualifiés depuis le début de la modernité capitaliste/coloniale. C’est une pensée « frontalière » qui ne se laisse pas saisir par des territoires étatiques ou des disciplines universitaires constituées. C’est une pensée des frontières mais aussi de leur transgression » [14]. Il s’agit, pour Walter Mignolo, d’une « désobéissance épistémique » décoloniale, une « déprise » par rapport aux modèles politiques et économiques dominants et de tout projet de « réoccidentalisation » ou de « désoccidentalisation ».

Ainsi, l’approche épistémologique de la « modernité-colonialité », par le biais de la pensé décoloniale, cherche à interroger la « colonialité », faisant référence à un type de pouvoir qui est né, certes, du colonialisme moderne, mais qui s’applique à des domaines autres que juridique ou politique, car les relations coloniales ont également impliqué une importante dimension épistémique et culturelle. Cette dimension épistémique des relations coloniales de pouvoir se trouve à la base des inégalités en ce qui concerne la production des connaissances dans l’histoire de l’art mais aussi dans les sciences humaines en général. Pour Anibal Quijano, « la colonialité consiste, elle, en l’articulation planétaire d’un système de pouvoir ‘occidental’ » [15]. Cette conception implique l’imposition d’une logique de pouvoir dans laquelle des lieux, des groupes humains, des savoirs mais aussi des subjectivités non occidentales, sont prétendument considérés comme inférieurs. Agissant par le biais de dispositifs « civilisationnels » contemporains tels que les discours et les technologies du développement ou de la globalisation, cette articulation planétaire de la domination « occidentale » comprend aussi bien des dimensions ontologiques (colonialité de l’être) qu’épistémiques (colonialité du savoir), révélant diverses modalités d’eurocentrisme [16].

Le sémiologue argentin Walter Mignolo nous invite ainsi à la « désobéissance épistémique » en réinvestissant la césure radicale, fondatrice du savoir européen entre le « connaisseur et le connu » [17]. En s’inspirant des notions de « double conscience » de WEB Du Bois, de Third Space de Homi Bhabba ou bien encore du « savoir assujetti » de Michel Foucault, il développa le concept de « pensée frontalière », une pensée qui naît d’un « lieu d’énonciation dichotomique (…) situé sur les frontières internes ou externes du système-monde colonial » [18]. La « pensée frontalière » serait ainsi un lieu de fracture, « des lignes de faille du savoir occidental » [19]. Cherchant avant tout à penser la spécificité du monde présent, de ses pratiques et usages, Mignolo tente de dynamiser un nouvel espace, capable de faire une relecture actualisante des narrations décoloniales, tout en revendiquant son inscription généalogique dans cette tradition contre-discursive « à partir des ruines, des expériences et des marges crées par la colonialité du pouvoir » [20].

Dans certaines pratiques, les artistes cherchent aujourd’hui à interroger l’autorité de l’archive en relation avec les processus de sélection et de répression qui ont opéré au sein de « “l’économie morale de la modernité“, mettant en évidence les processus de marginalisation, de relégation ou de négation qui ont eu lieu » [21]. Marqués ou modelés par l’imposition d’une épistémologie eurocentrique, et les méta-narrations des récits traditionnels dominants de l’Histoire, comment s’articulent-ils pour exister d’une « manière autre », cherchant à ré-exister, faisant « corps-connaissance » et « corps-pratique » à partir de la frontière ?

Faire mémoire, déjouer l’autorité de l’archive.

L’œuvre de l’artiste afro-brésilien Paulo Nazareth s’inscrit dans une démarche que nous pouvons considérer comme à la fois interdisciplinaire et participative incarnant les rôles d’interprète, d’auteur et de philosophe. Dans ces démarches, l’artiste semble non seulement questionner le regard hiérarchisant que l’art occidental porte sur le travail des artistes du Sud-global, mais s’affirme en tant que critique de ce modèle, créant une tension entre militantisme et pensée critique, et articulant de nouvelles possibilités du regard, entre savoir et création. La réinterprétation de l’histoire et la (ré)appropriation symbolique des produits du capital dans son exposition Génocide en Amériques, condense lucidement action et pensée, et décrit, de façon narrative, les différents modèles de génocide qui ont déshonoré l’histoire des Amériques.

Paulo Nazareth - Untitled, de Produits du Génocide [Products of Genocide] Collection, 2013. Mixed media 22 × 28 × 8.5 cm

Disposés et organisés sur papier blanc, les œuvres de l’exposition Génocide en Amériques, émanent d’une légèreté qui frappe. Elles nous font réfléchir sur la logique de l’appropriation du capital qui commercialise des produits inspirés par des identités considérées comme exotiques. L’exposition est ainsi remplie de ce que l’artiste appelle des « Produits du Génocide » : on retrouve des produits ordinaires comme par exemple, la cachaça Tocoiós, l’emballage vide du riz Sepé, l’alcool Tupi, le ballon de football Quilmes. On se confronte aussi avec des dessins réalisés par l’artiste, dans lesquelles il copie des logotypes existant dans les sociétés latino-américaines, contenant les noms des ethnies victimes du génocide du projet colonial, disposés de façon ordonnée sur une planche de bois aggloméré. Des questions s’imposent, elles nous envahissent comme des couteaux bien affinés. Où sont passées les Aymorés, Aimborés ou « Botocudos », os Tupi-guaranis, os Apaches, Tupinambás ? Qui sont les Quilmes ?

Paulo Nazareth - Untitled, de Produits du Génocide [Products of Genocide] détail, 2015 – crayon, aquarelle sur papier.

Le dessin de ces logotypes, dans la main de l’artiste, désigne une étude angoissante et réelle sur la violence du système colonial-capitaliste, dont l’objectif paraît aller à l’encontre d’une envie de pallier un manque d’archives sur ces « occultés » de l’histoire qui, comme nous le rappelle Enrique Dussel, « ne furent pas découvert comme l’Autre, mais comme “le même déjà connu (l’Asiatique) et seulement reconnu (nié donc comme Autre : occulté) » [22]. Cela a donné suite à une opération discursive d’une extrême violence, où Aztèques, Incas, Mayas, Aymaras, Araucans furent homogénéisés, essentialisés puis assignés à un référant identitaire phantasmatique qui allait devenir la marque durable de leur infériorité sociale, ils devinrent, et pour longtemps, l’une des principales déclinaisons de ces « peuples sans Histoire », des « Indiens » [23].

Paulo Nazareth - mocoios, de la série Cara de indio, 2015 – bouteille de cachaça et emballage de riz sur papier.

Ces œuvres nous montrent ce que nous ne voyons plus, la difficulté de sortir ou de changer les termes d’un argument (ou du regard) du « sens commun », quant au fil de l’usage et de la répétition – le fait de renvoyer la population autochtone à ce lieu stéréotypé - acquiert et va de pair avec une définition dominante [24]. Comme une sorte de radar qui capte notre indifférence, elles nous pointent vers ce que nous avons oublié le long du chemin. Nazareth, avec son geste de « faire trace » sur une histoire occultée remet en question l’autorité de l’archive, car l’archive, comme nous le rappelle Michel Foucault, « n’est pas non plus ce qui recueille la poussière des énoncés devenus inertes et permet le miracle éventuel de leur résurrection ; c’est ce qui définit le mode d’actualité de l’énoncé-chose ; c’est le système de son fonctionnement [...]. Entre la langue qui définit le système de construction des phrases possibles, et le corpus qui recueille passivement les paroles prononcées, l’archive définit un niveau particulier : celui d’une pratique qui fait surgir une multiplicité d’énoncés comme autant d’événements réguliers, comme autant de choses offertes au traitement et à la manipulation. Elle n’a pas la lourdeur de la tradition ; et elle ne constitue pas la bibliothèque sans temps ni lieu de toutes les bibliothèques ; mais elle n’est pas non plus l’oubli accueillant qui ouvre à toute parole nouvelle le champ d’exercice de sa liberté ; entre la tradition et l’oubli, elle fait apparaître les règles d’une pratique qui permet aux énoncés à la fois de subsister et de se modifier régulièrement [25] ».

Déjouant l’autorité de l’archive, il y a la démarche de l’artiste et commissaire afro-américaine Cheryl Ann Bolden qui, à travers un travail de conservation solitaire et isolé, constitua le Musée Precious Cargo, dans lequel on trouve une collection d’objets représentatifs de la haine raciale dans les lieux où l’artiste circule. Ces « petits gestes » d’archivage, débuté dans les années 1980, sont à lire comme des modalités d’affirmation individuelle, d’une « présentation de soi ». Pour l’artiste, le seul moteur c’est l’histoire. À travers son geste d’archivage, l’artiste performe la valeur et la validité du document, les conservant à titre de preuve dans son pouvoir, et en proposant des expositions tactiles itinérantes. On constate ainsi - comme l’ont fait Christine Jungen et Candice Raymond - que de l’usage sensible, visuel et tactile de l’archive comme élément d’un dispositif de véridiction peuvent s’articuler « différentes stratégies de mobilisation d’un potentiel d’autorité. Ces dispositifs dans lesquels s’inscrit l’archive sont le plus souvent ambivalents : s’ils jouent de ses effets véritatifs pour étayer un discours sur l’histoire, ils s’appuient dans le même temps sur l’émotion particulière que suscite le contact matériel ou visuel avec le document [26]. »

Cheryl Ann Bolden. Lecture performative « Museum Precious Cargo » à l’exposition « Museum ON/OFF » au Centre Pompidou. Photo : Pier Ndoumbe.

Cheryl Ann Bolden a commencé à collectionner « les objets d’histoire », comme elle préfère les appeler, quand elle s’est vue confrontée pour la première fois avec la négation de son histoire : « Je me suis toujours sentie concernée par l’histoire africaine et sa diaspora. J’ai eu un déclic très jeune, lorsque je travaillais en tant que guide dans la demeure historique de James Monroe. Je devais retracer la vie du président et le contexte américain de l’époque. Rien ne faisait mention de l’esclavage ! Cela m’a vraiment dérangée, et je me suis mise dans l’idée de fonder mon propre musée » [27].

Situé en banlieue Parisienne, dans la commune d’Aubervilliers, le Precious Cargo Musée est composé des statuettes de l’époque coloniale, des chaînes d’esclaves datées du XVIIIème siècle, des parchemins - dont un datant de 1795 dans laquelle un certain M. Wilson atteste en toute simplicité détenir deux chevaux et deux esclaves. On retrouve aussi un exemplaire original d’un France-Soir de 1936 faisant sa une sur le Ku-Klux Klan et une pancarte de 1926, qui servait pour indiquer la direction des toilettes pour les personnes de couleur blanche. Ayant réunis aujourd’hui plus de 500 œuvres, Cheryl Ann Bolden s’inscrit ainsi dans un « faire archive » et ne fait plus la différence entre l’espace dédié aux documents et sa vie privée : « Je vis avec le Precious Cargo, aussi bien au sens propre que figuré », constate l’artiste.

Precious Cargo - parchemins de vente de 1823 – 2 Noirs et 3 Chevaux.

Pendant ces expositions itinérantes performées, l’artiste partageait leur assemblage et convoquait le réel de l’histoire en invitant les spectateurs à regarder et à toucher. Par cette démarche, Cheryl permettait à l’archive d’émerger comme « actrices à part entière de l’interaction : extraire un document du classeur, du coffre ou de la vitrine, le faire palper et éprouver tactilement permettent de moduler l’intensité de l’objet en coprésence, de faire surgir ses effets de réel (et l’émotion ou le trouble que ceux-ci suscitent) dans l’instant, de mobiliser en situation les appuis et les prises à partir desquels se déplient l’intime, la mémoire, le vécu, de lui donner une intelligibilité provisoire » [28].

Precious Cargo – Présentation à l’école - Lycée Nelson Mandela.

Loin de se définir comme gardienne de l’archive, Cheryl Ann Bolden est une interprète irrévérencieuse. Face au déficit en matière archivistique dont l’artiste a constaté souffrir, elle investit par la marge l’idée d’archive et ce qu’elle porte : la fiabilité, l’authenticité, l’autorité. Pour faire face au « pouvoir de monopole » constitutif de l’archive, Precius Cargo musée conteste le récit dominant – que ce soit concernant l’esclavage ou l’apartheid aux États-Unis, souvent nié ou occulté –, il subjugue le musée comme institution et devient la preuve matérielle de la « pathologisation et [de] l’infériorisation de l’Autre comme processus constitutif de la modernité » [29].

Reconstituer la mémoire historique comme un projet artistique

Faire des reenactments des discours politiques pour remettre en scène des archives. Tel était le but du projet Port Huron Project Reenactments, de l’artiste étasunien Mark Tribe. Le projet a emprunté son nom à une célèbre déclaration écrite par des étudiants qui, en 1962, revendiquaient une société plus démocratique. Créé en 2009, son but était de parcourir les États-Unis en reconstituant dans leurs lieux d’origine des discours de protestation des mouvements de la Nouvelle Gauche des années 60 et 70. Selon l’artiste, « le but n’est pas seulement d’utiliser les discours comme des ready-made ou comme de l’art conceptuel restituant un contexte, mais aussi d’émettre une forme de protestation, de désigner par l’intermédiaire de l’art ce qui a changé et ce qui n’a pas changé » [30].

Témoignant d’un besoin de mémoire devenu de plus en plus impératif, le Port Huron projet, cherche à engager cet héritage dans toute sa complexité en réactivant des discours de protestation en grande partie oubliés. Mark Tribe souligne qu’il « adopte la forme des reenactments (reconstitutions) historiques, pour intervenir dans l’espace public et dans le discours politique contemporain, produisant des expériences de juxtaposition temporelle dans lesquelles la complexité des transformations historiques (tels que le déclin du radicalisme dans le visage d’un consensus néolibéral croissant) est rendue évidente : « Mon but avec les reconstitutions n’est pas de m’emparer de l’histoire de la nouvelle gauche comme un idéal, mais plutôt de créer des situations dans lesquelles des positions politiques spécifiques de la nouvelle gauche, ainsi que son esprit d’urgence politique et ses possibilités utopiques, peuvent être saisies intellectuellement, à travers la rhétorique et l’esthétique, grâce à l’expérience incarnée ».

The Liberation of Our People : Angela Davis 1969/2008.

The Liberation of Our People : Angela Davis 1969/2008.

We Are Also Responsible : Cesar Chavez 1971/2008.

Until The Last Gun Is Silent : Coretta Scott King 1968/2006.

Le contexte historique et politique aux États-Unis des années 1960 a été caractérisé par une contestation multiforme de l’ordre établi, au nom de valeurs démocratiques, égalitaires ou libertaires. Car le mouvement de la nouvelle gauche qui a duré de 1960 à 1972, a été le fait de « catégories sociales hétérogènes, définies par leur appartenance ethnique, leur rôle social, leur statut professionnel ou par leur choix d’un mode de vie non conforme à la morale en vigueur » [31]. L’agitation et la révolte des campus universitaires qui atteignent leur paroxysme en 1968-1970, ont été le fer de lance du Mouvement. Le SDS (Students for a Democratic Society) constitue, de 1962 à 1969, l’organisation nationale la plus représentative d’une nouvelle gauche (ou nouveau radicalisme), qui tente d’exprimer les aspirations, les thèmes de revendication et l’idéologie du mouvement étudiant. Ce mouvement impacta non seulement la politique locale, mais aussi la société globale. L’agitation étudiante contribua au succès du mouvement pour les droits civiques ainsi qu’aux lois et aux mesures antiségrégationnistes qui améliorèrent la condition des Noirs et d’autres minorités ethniques - Civil Rights Act, 1964 ; Voting Rights Act, 1965, programmes d’« action positive » (affirmative action) – réservant aux membres des minorités un certain quota à l’embauche ; des compensations financières versées, par des firmes ou des municipalités, aux victimes de la discrimination raciale ou sexiste. Par ailleurs, la nouvelle gauche est à l’origine des mouvements de libération des femmes et des homosexuels, mouvements qui lui ont survécu dans les années 1970.

Comme nous pouvons le constater, créer un projet artistique qui met en œuvre la reconstitution d’évènements passés, dans laquelle le poids politique et idéologique fait partie de la narration mérite réflexion. Mark Tibre est très explicite sur les éléments qui constituent les reconstitutions de ce projet. Tout est pensé et organisé à l’avance : le lieu, les discours, l’artiste, les invités, les passants, et la présence de caméras et d’autres appareils d’enregistrement, rien n’est laissé au hasard. Les événements sont annoncés dans des articles de presse, par e-mail et d’autres réseaux (le projet a une page MySpace et il est aussi soutenu par Creative Time, un organisme artistique basé à New York qui orchestre des événements publics de grande envergure). En tout, six discours de protestation ont été rejoués, le premier étant celui de Coretta Scott King (épouse de Martin Luther King) réalisé en avril 1968 lors d’une manifestation anti-guerre à New York, suivie de celui de Howard Zinn sur la désobéissance civile réalisé à Boston en 1971, Paul Potter lors d’une manifestation contre la guerre à Washington DC en avril de 1965, César Chávez lors d’une manifestation à Los Angeles en 1971, Angela Davis livrée lors d’un rassemblement des Black Panthers à Oakland (Californie) en 1969, Stokely Carmichael devant les Nations Unies en 1967 dans le cadre d’une mobilisation nationale contre la guerre du Vietnam. Le public de différentes tailles a assisté aux événements et occupa une place importante dans la documentation des événements.

Tous les reenactments ont été reconstitués sur les lieux des discours originaux. À travers les vidéos mises à disposition par l’artiste sur son site, nous remarquons que les textes passionnés sont livrés avec émotion - mais l’agitation des cris de protestations de masse se fait poignante, si ce n’est absurde, car à la place des immenses foules qui ont témoignées le premier, les reenactments de ces discours sont prononcés devant de petites réunions de passants. Par exemple, le discours de Paul Potter « We must name the system » qui, en 1965 s’adressait à vingt mille militants, a généré un écho complètement différent de celui de la version de 2007, où seulement quelques douzaines de personnes étaient présentes. Sur cette question, Mark Tribe est explicite sur la façon dont le Port Huron Projet représente une tentative de cataloguer les similitudes et les différences entre le présent et le passé. Comme une page vierge, en blanc, les différences et les similitudes entre hier et maintenant, donne un espace à une forme de résonance que le projet reproduit et amplifie. Sans remettre en cause l’utilité de la comparaison, ces reconstitutions vont chercher à se développer non par rapport à la spécificité du passé ou du présent, mais quelque part entre les deux, par rapport à cette structure de l’analogie. Le volet politique de ce projet s’appuie donc sur la trace, la documentation des faits du passé, dont l’actualisation passe par l’action du reenactment, généralement réalisé dans un espace public. D’après le philosophe et historien anglais Robin G. Collingwood le reenactment nous invite à « repenser les idées et les conceptions du passé, et, surtout, [à] en faire une lecture critique, [à] émettre des jugements de valeur et [à] apporter les preuves historiques de ce que l’on avance ». Pour Collingwood, « l’objet à découvrir n’est pas le pur événement, mais la pensée qui s’y trouve exprimée ». À cet égard, Nogueira avance l’idée, dans son article « Reenactment : Fausse évidence et dangers », qu’il est impossible de « réeffectuer » (effectuer à nouveau) les mêmes faits ou événements du passé à l’identique et que les reenactments doivent ainsi porter sur les idées, les pensées et les concepts des acteurs de l’histoire et non sur des faits. Nogueira défend l’idée que nous ne pouvons pas avoir une connaissance empirique du passé, le témoignage n’est pas fiable et la connaissance par copie ou reproduction est limitée. Ce qui a eu lieu ne peut, en toute rigueur, être refait, conclu-t-il.

La série de reenactments réalisés par Tribe, semble faire partie d’une opération historique qui critique, juge, éventuellement modifie le passé tel qu’il est appréhendé dans le présent ; il est donc susceptible de modifier le présent et le futur de l’Histoire (et pas seulement de l’histoire de l’art). Pour l’artiste et théoricienne Paige Sarlin [32], le projet de Mark Tribe illustre la place de ces objets que Foucault appelle archive : « non pas la totalité des textes qui ont été conservés par une civilisation, ni l’ensemble des traces qu’on a pu sauver de son désastre, mais le jeu des règles qui déterminent dans une culture l’apparition et la disparition des énoncés, leur rémanence et leur effacement, leur existence paradoxale d’événements et de choses [33] ».

L’archive façonne ainsi, ce qui peut être vu et connu sur une période historique donnée, comme un amalgame de systèmes de classification - par rapport à la production et à l’utilisation. L’archive fonctionne en structurant ce qu’il est possible de comprendre et décrire par la création de distinctions et différenciations. Ainsi, le Port Huron Projet soulève la question de la productivité des archives, mettant en évidence la circulation et la reproduction des archives sur l’histoire de la nouvelle gauche par les différents milieux. En même temps, le projet de Tribe, encore selon Paige Sarlin, rend visible une certaine forme de rapport aux années 1960, non pas simplement comme un regroupement de divers objets (bien que son projet les présente comme tels), mais comme un mode d’appréhension politique lui-même.

Cependant, Paige Sarlin conclut que le Port Huron Project n’arrive pas à remettre en cause les catégories, il serait tout simplement en train de reproduire les classifications qu’il emploie. Elle critique que l’instruction, les conditions de sa production, sa spécificité politique ou idéologique, la complexité et le contexte, ne sont jamais engagés. Paige avance encore que ceci suggère que la « mélancolie de la gauche » est un terme qui peut être utilisé pour décrire une certaine forme de pratique esthétique et culturelle, fondée historiquement, qui déploie l’archive plutôt que de la remettre en question. Sans interroger les classifications qui organisent et soutiennent la pratique, le projet de Tribe ne fait pas de place pour la production de la différence mais renferme la possibilité d’un changement radical dans le présent qui pourrait être fondé sur une lecture différente du passé. Dans une interview parue au Boston Phoenix, Greg Cook interroge Mark Tribe en lui demandant pourquoi il a choisi de ne pas traiter directement de la guerre en Irak - au lieu de re-performer le discours politique d’Angela Davis qui faisait allusion quant à lui à la guerre du Vietnam. La réponse de Tribe est instructive. Selon lui, la forme de reconstitution lui permet de faire face à « plusieurs niveaux » à une expression qui suggère un parallèle avec la notion de Foucault concernant les niveaux archéologiques auxquels l’histoire demande d’être analysée. En effet, cela est visible dans le discours proféré par Angela Davis en 1969. Le mot « Now » prononcé si souvent crée une sorte d’anachronisme - une sorte d’avertissement contre la « guerre » - que Davis déplore avec tant d’éloquence. Ce mot « Now » est encore valable puisque nous sommes, aujourd’hui encore, capable de faire la guerre.

Port Huron Project videos on a huge high-definition display in Times Square in New York City. August 15 - September 30, 2008

Nous constatons que pour Nogueira tout comme pour Collingwood, il est question de « re-penser », par le biais des reenactments, les idées et les conceptions du passé. Il nous semble, qu’en tant que pratique artistique, les reenactments peuvent non seulement interroger une dimension critique spécifique de l’art, mais aussi potentialiser une dimension politique interprétative de l’Histoire. Par ailleurs, nous pouvons lire dans le catalogue de la Triennale 2011 du musée d’art contemporain de Montréal que ce geste de « reconstituer » consiste en une « actualisation qui s’éloigne de façon significative des notions postmodernes d’appropriation et de citation. La reconstitution n’est pas une stratégie parmi d’autres, mais un retour sur soi, sur l’autre et sur le passé qui soulève un ensemble de questions sur notre présent et s’inscrit à rebours des idéologies d’une fin de l’histoire » [34]. Les enjeux épistémologiques des reconstitutions amènent ainsi à réfléchir sur les interactions qui ont lieu au sein de l’art, moins dans un rapport analytique centré sur l’histoire de l’art en tant que tel, mais plutôt sur la décolonisation de la pensée esthétique et sur les rapports entre racialité, visualité et esthétique.

Il s’agit ainsi d’une forme de déplacement entre les réalités eurocentristes et celles des exclus. Un voyage dans le temps, dans les espaces et les épistémologies, dans les formes artistiques et de pensée, vers la transmodernité dessinée par Enrique Dussel : l’espace au-delà de la modernité, au-delà des injustices propres au système mondial. La transmodernité pour Dussel est le dépassement de la version eurocentrique de la modernité. Au lieu d’une modernité unique, centrée sur l’Europe/Amérique du Nord et imposée au reste du monde, Dussel défend une multiplicité de propositions critiques décolonisantes à partir des localisations épistémiques des peuples colonisés, vers une poétique de la « diversalité » [35]. Pour plusieurs chercheurs de l’expérience esthétique décoloniale [36], il est question de réfléchir aussi aux limites du canon préétabli, cherchant à développer des « processus de délivrance, de détachement et de déchirement, tant auprès des régimes de l’esthétique, dans ses variantes modernes, post et transmodernes, que des régimes culturels et culturalistes, exotiques et folkloriques, des sciences humaines et sociales » [37].

Nous observons ainsi que dans ces pratiques artistiques contemporaines qui cherchent à réactualiser l’archive, l’autorité de l’archive est déjouée, une fois que le régime de la preuve, de l’institution du pouvoir et de l’objet médiateur du passé est confronté à la transgression de ceux qui s’articulent par les marges, à la frontière. Cette notion d’archive que s’approprie les artistes pose la problématique d’un art contemporain au regard de l’historicité. Il reste cependant indéniable que décoloniser d’un point de vue analytique et artistique amène à d’autres manières de penser les archives et leurs usages, l’objet d’art mais aussi sa poïétique. Les pratiques artistiques décoloniales résident ainsi dans ce lieu de fracture de l’Histoire, elles s’élaborent prioritairement depuis l’expérience – éminemment « moderne » - des subjectivités clivées par la colonialité. Habitant à la frontière dans un temps « discontinu », saturé d’« à-présent », comme nous rappelle Walter Benjamin [38], il nous semble que dans leurs pratiques, les artistes, cherchant à faire « le saut du tigre dans le passé », développent des narrations propres de ré-existence et de ré-invention de soi. On pourrait ainsi interpréter le geste de « réactualiser » en art comme un geste émancipateur, capable de créer des ruptures, d’identifier les fractures de l’histoire dans ces brèches qui ne se comblent pas mais se recomposent imperceptiblement laissant entrevoir de l’extra-historique ou de l’inachevable.

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NOTES

[1] Derrida Jacques, 1995, Mal d’archive. Une impression freudienne, Paris, Galilée, coll. « Incises », p.2.

[2] Barbéris Isabelle, 2015, L’archive dans les arts vivants, Presses universitaires de Rennes, www.pur-editions.fr article « Race, territoriality and colonization », The University of Michigan Press, 1995, p.8.

[3] Derrida Jacques, 2001, « Le cinéma et ses fantômes » (interview dans Les Cahiers du cinéma, avril 2001), pp.84-85.

[4] Pinçonnat Crystel, 2011, « De l’usage postcolonial de l’archive. Quelques pistes de réflexion », http://amnis.revues.org/2187

[5] Frantz Fanon, Peau noire, masques blancs, Paris, La Découverte.

[6] Haraway Donna, 1988, « Situated Knowledges : The Science Question in Feminism and the Privilege of Partial Perspective », in Feminist Studies, n°14, pp.575-99 (traduction française : http:// multitudes. samizdat.net/ Savoirs-situes.html).

[7] Grosfoguel Ramón, « Les implications des altérités épistémiques dans la redéfinition du capitalisme global. Transmodernité, pensée frontalière et colonialité globale », Multitudes, 3/2006 (no26), pp.51-74.

[8] Crenshaw K., 1991,« Mapping the Margins : Intersectionality, Identity Politics, and Violence against Women of Color », Stanford Law Review. n°43, pp.1241-1279.

[9] Grosfoguel Ramón, 2011,« Decolonizing Post-Colonial Studies and Paradigms of Political-Economy : Transmodernity, Decolonial Thinking and Global Coloniality », Transmodernity : Journal of Peripheral Cultural Production of the Luso Hispanic World, Vol.1, n°1, pp.1-38.

[10] Hill Collins Patricia, 1990, Black Feminist Thought : Knowledge, Consciousness and the Politics of Empowerment, Chapman and Hall, Routledge.

[11] Dussel Enrique, 1977, Filosofía de Liberación.

[12] Voir l’analogie que Ramón Grosfoguel fait entre l’analyse de Fanon et Anzaldua sur le « corps-politique de la connaissance » dans son article « Les implications des altérités épistémiques dans la redéfinition du capitalisme global. Transmodernité, pensée frontalière et colonialité globale », Multitudes, 3/2006 (no26), pp.51-74.

[13] Grosfoguel Ramón, « Les implications des altérités épistémiques dans la redéfinition du capitalisme global. Transmodernité, pensée frontalière et colonialité globale », Multitudes 3/2006 (no26), pp.51-74.

[14] Mignolo Walter, « Géopolitique de la sensibilité et du savoir. (Dé)colonialité, pensée frontalière et désobéissance épistémologique », Mouvements, 2013/1 (n°73).

[15] Plusieurs auteurs pensent avec Anibal Quijano que la modernité est indissolublement liée à la colonialité [Mignolo, 2000 ; Grosfoguel, 2006] : il n’y a pas de modernité sans colonialité et il n’y a pas de colonialité sans modernité. Elles sont comme les deux faces d’une même monnaie.

[16] Escobar Arturo et Restrepo Eduardo, « Anthropologies hégémoniques et colonialité », Cahiers des Amériques latines, 62 | 2010, pp.83-95.

[17] Mignolo Walter, 1995, The darker side of the Renaissance. Literacy, territoriality and colonization, The University of Michigan Press, p.8.

[18] Mignolo Walter, Local histoires/Global designs, op. cit., p.18.

[19] Bourguignon-Rougier Claude, Colin Philippe et Grosfoguel Ramón (dir.), Penser l’envers obscur de la modernité : une anthologie de la pensée décoloniale latino-américaine », Cahiers des Amériques latines, 78 | 2015, p.23.

[20] Mignolo Walter, « Diferencia colonial y razón posoccidental », in Santiago Castro-Gómez (dir.), 2000, Restructuration de las ciencias sociales en América Latina, Bogotá, Centro Editorial Javeriano, p.23.

[21] Bourguignon-Rougier Claude, Colin Philippe et Grosfoguel Ramón (dir.), op. cit., p.23.

[22] Dussel Enrique, 1492, L’occultation de l’Autre, op. cit., p.5.

[23] Quijano Anibal, « Colonialidad del poder, cultura y conocimiento en América Latina », in Walter Mignolo (dir.), 2000, Capitalismo y geopolitica del conocimiento, Buenos Aires, Ediciones des Signo, p.120.

[24] Hall Stuart, 1982, « The Rediscovery of « Ideology ». Return of the Repressed in Media Studies », in Michel Gurevitch et al. (dir.), Culture, Society and the Media, New York, Methuen, p.81.

[25] Foucault Michel, 1969, L’archéologie du savoir, Paris, Gallimard, p.171.

[26] Jungen Christine et Raymond Candice, « Introduction », Ateliers d’anthropologie, 36, 2012, mis en ligne le 14 mai 2012, consulté le 01 août 2016. URL : http://ateliers.revues.org/9080

[27] Mendy Axel, « Precious Cargo – Le musée itinérant de Cheryl Ann Bolden », consulté le 01 août 2016, http://www.impactmagazine.fr/precio...

[28] Jungen Christine et Raymond Candice, op. cit.

[29] Bourguignon-Rougier Claude, Colin Philippe et Grosfoguel Ramón (dir.), op. cit., p.20.

[30] Sarlin Paige, 2009, « New Left-Wing Melancholy : Mark Tribe’s The Port Huron Project and the Politics of Reenactment », Framework : The Journal of Cinema and Media, Vol.50, Iss.1, Article 9.

[31] Granjon Marie-Christine, 1988, « Révolte des campus et nouvelle gauche américaine (1960-1988) », in Matériaux pour l’histoire de notre temps, n°11, pp.10-17.

[32] Sarlin Paige, op. cit.

[33] Foucault Michel, « Sur l’archéologie des sciences. Réponse au Cercle d’épistémologie », Cahiers pour l’analyse, n°9, été 1968, repris in DE, vol.1, texte n°59.

[34] Soubier Patrice, « S’aventurer : art d’intervention et pratiques processuelles », in La triennale québécoise 2011, « Le travail qui nous attend », p.00.04.47.

[35] Glissant Édouard, 1996, « Le chaos-monde, pour une esthétique de la relation », entretien avec Joël Des Rosiers et Robert Mélançon, Introduction à une poétique du divers, Gallimard, p.107.

[36] Voir « Décolonialité et expérience esthétique : une approximation », Dalida María Benfield, Raúl Moarquech Ferrera Balanquet, Pedro Pablo Gómez, Alanna Lockward et Miguel Rojas-Sotelo
Inter : art actuel, n°111, 2012, pp.35-39.

[37] Ibid.

[38] Benjamin Walter, 2000, « Sur le concept d’histoire », in Œuvres III, Paris, Gallimard, coll. « Folio », pp.427-444.