Réseau scientifique de recherche et de publication

[TERRA- Quotidien]

Recueil Alexandries

Collection Références

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  • "La longue marche d’un clic"

    Christiane Vollaire

    Lorsque Norbert Wiener, mathématicien, popularise en 1948, le terme de « cybernétique », c’est pour désigner une analogie : celle qui existe entre les modes de fonctionnement des êtres vivants et ceux des machines. Cette analogie interroge la recherche sur le vivant depuis ses origines, comme elle interroge, depuis ses origines aussi, la recherche technique. (...) Ce qu’on voudrait interroger ici, c’est la façon dont cette étroite relation entre recherche biologique et théorie de l’information, qui semblent pourtant deux domaines radicalement dissociés, produit des interactions qui peuvent éclairer le rapport quotidien à l’informatique, les satisfactions qu’il offre autant que les addictions qu’il génère. Les modes de manipulation qu’il produit, autant que son efficacité intellectuelle et sociale.

  • "Sur « L’âge du capitalisme de surveillance » (2019) de Shoshana Zuboff et sa difficile réception"

    Jérôme Valluy

    Cet article était, à l’origine, l’extrait d’un cours sur les dimensions numériques de la science politique donné en 2022 au Département de science politique (UFR 11) de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, destiné au format « Support de formation » dans la typologie documentaire des Cahiers Costech. Mais les commentaires de relecture m’ont amené à modifier largement les premières versions proposées à la revue et à introduire une hypothèse d’interprétation des difficultés de reconnaissance du capitalisme de surveillance ; par suite, l’article ci-dessous est inédit, relève plus de la recherche que de l’enseignement et prend donc la forme éditoriale d’un « working paper » dans les Cahiers Costech. Ce texte doit beaucoup aux conseils qui m’ont été donnés par les relecteurs de la rubrique « Capitalisme cognitif », qu’ils en soient très sincèrement remerciés. Source : http://www.costech.utc.fr/CahiersCOSTECH/spip.php?article153

  • "La Bohémienne dans les dictionnaires français (XVIIIe-XIXe siècle) : discours, histoire et pratiques socio-culturelles"

    Emmanuel Filhol

    Après Furetière, dont le Dictionnaire universel (1690), véritable matrice dans le champ du discours lexicographique, témoigne d’un regard ambivalent sur la Bohémienne - mélange de formulation positive et de jugements négatifs rapportés - qui reflète en partie l’accueil bienveillant réservé en France aux " Egyptiennes " jusqu’à la seconde moitié du XVIIe siècle, les dictionnaires des deux siècles suivants s’emploient surtout à noircir la femme tsigane. Celle-ci, à travers son art de la danse, l’évocation de sa beauté, troublante et mystérieuse, ses manières libres, son don de prédire l’avenir, est désormais assimilée à une figure démoniaque, la Bohémienne voleuse se présentant sous les traits d’une ensorceleuse et d’une prostituée. Autrement dit, l’image inversée, comme objet de mépris mais aussi d’attirance ambiguë, du modèle féminin prôné par l’Eglise, la morale bourgeoise et les valeurs de l’idéologie républicaine.

  • "L’internement en France pendant la guerre d’indépendance algérienne"

    Sylvie Thénault

    C’est dans le versant policier de la guerre que s’inscrivit le recours à l’internement. Il apparaissait comme un des moyens de neutraliser ces ennemis qu’étaient les nationalistes algériens et leurs sympathisants.A l’époque, les camps d’internement n’étaient pas désignés comme tels par les pouvoirs publics. Ils étaient appelés centres de détention administrative (CDA) en Algérie, et, en France, centres d’assignation à résidence surveillée (CARS).

  • "Inégalités et qualités : travail et habitat mobile."

    Arnaud Lemarchand

    Le travail mobile constitue une nouvelle segmentation du travail . Cette segmentation explique le renouveau de l’habitat mobile. Mais des invisibilités statistiques bloquent les représentations et engendrent des inégalités. Ces évolutions nécessitent des redéfinitions des qualités.

  • "Le miracle des sans."

    Formes, ressorts et effets de la visibilisation de la cause des sans citoyenneté.

    Hélène Thomas

    Défense des sans-papiers et clandestins, lutte contre les discriminations envers les étrangers, garantie des droits au logement, à l’emploi, à la santé, à un revenu, à l’éducation des populations exclues, protection des libertés des personnes vulnérables (sans papiers et clandestins, enfants, et plus récemment personnes âgées maltraitées), etc., les mouvements menés au nom de la promotion de la citoyenneté des individus marginalisés dans la société française -et ainsi privés d’accès à la participation politique et à l’intégration sociale-, connaissent aujourd’hui une visibilité inédite depuis les années 1970. L’objet de cet article est de faire retour sur les conditions de ce succès médiatique, social et intellectuel, de la geste des sans citoyenneté devenus militants anti ou alter. Nous posons l’hypothèse qu’un double intérêt scientifique et intellectuel des clercs a prolongé et amplifié le succès médiatique et politique de ces causes et les a visibilisées sans que pour autant améliorer, bien au contraire, le traitement social et politique du chômage, des chômeurs et des exclus.

  • "Le garde et l’interné : essentialisation des catégories et subversion des clivages dans les centres d’internement français de la guerre d’Algérie (1959-1962)"

    Marc Bernardot

    Dans le contexte de la guerre d’Algérie, le ministère de l’Intérieur a mis en place plusieurs centres d’assignation à résidence surveillée en métropole destinés à « mettre hors d’état de nuire » les militants algériens. L’étude du fonctionnement de ces centres à partir des archives du ministère permet de montrer les processus sociaux et politiques complexes et ambigus dont ils ont été le théâtre. Ces camps et notamment le principal installé dans le site militaire du Larzac ont certes été le lieu d’expression et d’application concrètes des catégories coloniales racisées de la police et d’une forme d’Etat de police régressif. Mais ils ont constitué dans le même temps un espace d’expression de la contestation de l’ordre colonial, de la subversion de ses clivages traditionnels par les militants assignés et pour finir de leur ré-appropriation de ce système de domination.

  • "Voyage dans la chambre noire. "

    Les foyers de travailleurs migrants à Paris

    Marc Bernardot

    Nous qualifions ici les foyers parisiens de camera obscura de la politique de la ville (i.e. à la fois de la politique du logement, de l’aménagement urbain, de la politique scolaire…) dans la capitale. Car, ainsi que le suggère le titre de l’intervention, nous allons suivre le fil de la métaphore photographique, à la manière de Marx et Engels qui proposaient dans l’Idéologie allemande (1976 [1845]) d’appréhender l’idéologie comme une chambre noire, c’est-à-dire le lieu stratégique permettant de voir la réalité sociale inversée. Alors que le foyer de travailleur migrant est souvent envisagé comme un cas particulier, extrême et résiduel, de logement d’un passé qui ne passe pas et qui concerne une population peu importante numériquement et en voie de résorption (l’actif occupé immigré venant de l’ancien empire colonial) en raison de l’arrêt de l’immigration de travail, nous le prendrons à l’inverse comme type-idéal.Les foyers parisiens constitueront ici notre point d’entrée lumineux pour la compréhension des enjeux des politiques du logement social, de l’immigration et de l’intégration dans les années 2000. Il faut procéder à deux opérations « optiques ». Première opération, percer un « petit trou » dans la camera obscura et rendre apparent ce qui ne l’est pas, car le foyer reste davantage envisagé comme un symbole (du passé colonial qui ne passe pas, de la promiscuité, de la précarité, du temporaire) qui obture la perception d’une réalité multiforme. Seconde opération, remettre à l’endroit l’image des foyers dit communautaires en montrant qu’ils sont le produit d’une politique (celle de la ségrégation économique, relative au statut familial et ethnique) dans le logement social et non l’inverse.

  • "Le gouvernement humanitaire et la politique des réfugiés"

    Michel Agier

    Pour préciser ce que j’entends par « gouvernement humanitaire » et pourquoi cette notion m’est nécessaire pour pouvoir aborder la question de l’action politique au sein des espaces humanitaires, il me faut d’abord décrire l’intervention humanitaire dans les différents contextes qui l’instituent.Monde flexible et dispositif multilocalisé, déploiements matériels et humains « à la demande » et espaces des camps. C’est dans l’enchevêtrement de différentes « instances » que prend forme le gouvernement humanitaire. L’ensemble du dispositif n’a pas de véritable coordination mondiale organisée, encore que celle-ci soit imaginable, voire déjà en partie imaginée : certains organismes inter-États ou onusiens, mais aussi quelques très grandes ONG , ont des velléités coordinatrices planétaires. Le HCR joue, dans ce secteur, un rôle dominant sur le plan politique et économique. Dans le même sens, mais au niveau européen, ECHO occupe une place centrale dans le financement et donc le pilotage de l’intervention des ONG des pays européens, en particulier de la vaste nébuleuse des petites ONG sans indépendance financière. Enfin des ONG de surface internationale, telles que MS, ACF, CARE ou IRC, tentent de coordonner l’intervention sur le terrain de leurs différentes sections nationales, plus rarement de définir des campagnes ou des positions communes à l’échelle internationale. |

  • "Le pays aux mille et un camps."

    Approche socio-historique des espaces d’internement en France au XXe siècle"

    Marc Bernardot

    Longtemps absente de l’historiographie, la recherche sur les camps d’internement en France s’est maintenant développée. Objet d’histoire, la question du statut et de l’utilisation du camp français ne fait cependant pas encore l’objet d’une véritable sociographie. Il reste à systématiser l’approche socio-historique de cet espace ambigu du camp dans le cas de la France. Nous en recherchons donc les différentes formes, les évolutions et les constantes entre la mise en place des premiers camps au début du XX e siècle et les derniers à la fin de la guerre d’Algérie. Nous considérons que la récurrence des dispositifs d’internement donne une unité sociologique à cette question sans pour autant penser que cela fait système. La continuité des choix administratifs de modes de gestion des espaces d’internement confère une spécificité à ces camps français si l’on les compare à d’autres formes historiques et nationales.Que nous apprend la continuité de l’usage des lieux d’internement sur la genèse et la transformation des camps d’internement ? Quelles sont les différentes populations qui ont successivement été internées ou regroupées et dans quel but ? A partir de ces interrogations nous tentons d’élaborer une première typologie des modèles français du camp. Dans cet article nous étudions d’abord les variations spatiales et temporelles des types de camp, qui sont quelquefois militaires, souvent administratifs. Nous montrons ensuite que ces espaces « logent à la même enseigne » les réfugiés, les coloniaux et les prolétaires.

  • "Guerre de basse intensité contre les femmes ?"

    La violence domestique comme torture, réflexions sur la violence comme système à partir du cas salvadorien.

    Jules Falquet

    Cet article aborde, notamment à travers l’exemple du Salvador, les ressemblances entre la violence domestique exercée contre les femmes et la torture dite politique. Au niveau des méthodes et de la structure des actes, on trouve d’étonnants points communs entre les deux phénomènes. En étudiant ensuite les effets psychodynamiques sur les personnes affectées, d’autres rapprochements inquiétants peuvent être faits. Enfin, quand on observe les résultats sociaux collectifs des deux phénomènes, on constate dans les deux cas une certaine démoralisation et une passivité induite chez les groupes sociaux affectés. Dans un deuxième temps, on étudie les parallèles qu’on peut tracer entre les techniques de guerre de basse intensité et la violence contre les femmes dans son ensemble. Il apparaît alors que la violence contre les femmes relie étroitement la sphère privée et la sphère publique et qu’il s’agit d’un rapport social central dans le maintien de l’oppression des femmes.

  • "Classer-trier migrants et réfugiés : des distinctions qui font mal"

    Alain Morice
    Claire Rodier

    Les dirigeants européens qui ne parlent que de « maîtrise des flux migratoires » ont de plus en plustendance à qualifier les réfugiés de « faux » demandeurs d’asile, de « migrants illégaux ». Au-delà de la remise en cause du droit d’asile, la généralisation de telles notions crée une hiérarchie entre les victimes de persécutions « politiques » et celles dites « économiques » de la misère qui sévit dans les pays d’origine. Selon Alain Morice et Claire Rodier, dans un monde subissant les effets d’un impérialisme fauteur de désordres, maintenir un statut spécifique du réfugié passe par l’exigence de la libre circulation des personnes.

  • "De la défense des "pauvres nécessiteux" à l’humanitaire expert"

    Reconversion et métamorphoses d’une cause politique

    Annie Collovald

    Depuis une quinzaine d’années en France, un nouveau mode d’action humanitaire est apparu. Loin du feu des médias ou d’une publicisation spectaculaire liée à des événements traumatiques majeurs telle que la connaissent les "urgencières" (comme Médecins du monde, Médecins sans frontières, Aide et actions etc.), des organisations de solidarité internationale (OSI), moins connues et de plus en plus nombreuses depuis la fin des années 1970.

  • "L’humanitaire contre l’Etat – tout contre"

    Didier Fassin

    Apparemment construite contre l’Etat, l’intervention humanitaire se révèle ainsi, bien plus structurellement qu’on ne le pense généralement, tout contre cet Etat, pour paraphraser une formule attribuée à Sacha Guitry. Le constat vaut pour la scène nationale comme pour l’espace global. Faire ce constat, ce n’est pas déstabiliser le travail des organisations humanitaires en montrant qu’il est autre chose que ce qu’il se donne. C’est probablement penser autrement le politique, en particulier s’efforcer de comprendre ce que peut être un gouvernement non gouvernemental. Par cette expression, il faut entendre les formes de l’action des organisations non gouvernementales dans la gestion des affaires du monde, depuis l’opposition frontale aux Etats pour dénoncer les violations du droit humanitaire (les enquêtes conduites par Médecins du monde en Tchétchénie en est une illustration) jusqu’aux collaborations souvent invisibles pour réformer les politiques de santé (le programme Drugs for Neglected Diseases Initiative qui associe Médecins sans frontières à l’Organisation mondiale de la santé, à des instituts publics de recherche et à des laboratoires pharmaceutiques privés pour permettre le développement de médicaments considérés comme non rentables mais nécessaires au traitement de maladies infectieuses des pays pauvres, en est un exemple peu médiatisé mais remarquable). L’humanitaire donne ainsi matière à inventer de nouvelles modalités de ce qu’on appelle gouverner. Lire la suite...

  • "La fiction juridique de l’asile"

    Jérôme Valluy

    La plupart des hommes politiques, relayés par les médias, accréditent l’idée que 70 à 99 % de faux réfugiés frapperaient aux portes de l’Europe. Et tout le droit de l’asile - règles, décisions, jurisprudence - édifié par de savants juristes laisse croire qu’il existe une définition claire du réfugié et une procédure efficace permettant de l’identifier. Il n’en est rien. Le droit de l’asile est vide, le réfugié un concept juridiquement indéfini et le terrain livré à des interprétations politiques.

  • "Les émeutes urbaines d’octobre-novembre 2005 en France : comprendre avant de juger"

    Alain Morice

    Les images des émeutes urbaines survenues en France à la fin du mois d’octobre 2005 ont été diffusées sur les télévisions et dans les journaux du monde entier. Par delà la diversité des réactions, la presse internationale a fréquemment insisté sur leur caractère insurrectionnel, tout en soulignant avec sévérité la faillite de la politique française d’intégration de ses minorités issues de l’immigration, enfermées dans des ghettos suburbains, victimes de nombreuses discriminations, et ainsi en proie à des formes agressives de communautarisme. Dans certains pays limitrophes où l’immigration est plus récente, comme l’Italie ou l’Espagne, on s’est interrogé sur la question de savoir si des émeutes [1] semblables pourraient y avoir lieu – certains politiciens utilisant même une telle peur pour agiter des sentiments anti-musulmans, l’Islam étant supposé avoir sa part de responsabilité dans ce mouvement.

  • "La main gauche de l’Empire : Ordre et désordres de l’humanitaire"

    Michel Agier

    L’humanitaire se constitue aujourd’hui dans une relation permanente et tendue avec les stratégies guerrières, destructrices et excluantes des forces et des États qui dominent la planète. D’un côté, une politique de la « main dure », adepte des guerres saintes et justes, des sanctions exemplaires, des opérations coups de poing et des frappes chirurgicales, bref tout l’arsenal technique d’une police agissant au coup par coup à l’échelle mondiale et sur le mode de la relation ami / ennemi, selon les principes de la fidélité partisane et de la vendetta. De l’autre côté, tenant lieu de politique sociale à la même échelle, un humanisme spectaculaire qui se concrétise en un ensemble d’organisations privées dont le rôle est de maintenir en vie les rescapés, les traiter en victimes sans nom, tenues à distance, pour seulement laver l’âme des puissants. Mais les populations déplacées et réfugiées répondent à la situation en développant diverses sortes d’actions, généralement illégales, et redoublent ainsi la tension inhérente aux terrains de l’humanitaire.

  • "Le front du désert : des camps européens de réfugiés en Afrique du Nord."

    Helmut Dietrich

    Cet article retrace les modalités de création en Afrique du Nord des prisons de réfugiés et d’immigrants, appelés centres off-shore, éléments de l’européanisation du contrôle des migrations. S’appuyant sur les récents développements en Europe notamment en ce qui concerne les relations de l’Allemagne et de l’Italie avec la Libye, l’auteur met l’accent sur le lien entre les accords de contrôle militaire, économique et d’immigration entre l’Union européenne et les pays tiers et montre l’effet dévastateur que ces accords ont sur les immigrés et les réfugiés pris au piège de la militarisation des frontières extérieures de l’Union européenne.